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Racine

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Message par Arabella Sam 11 Mar 2017, 10:08 pm

Racine (1639 -1699)



Racine Racine10


Source site Phèdre de Racine

Racine est né le 22 décembre 1639 à La Ferté-Milion, dans l’Aisne. Il se retrouva orphelin à l’âge de 4 ans et a été élevé par ses grands-parents.

A la mort de son grand-père, en 1649, sa grand-mère, Marie des Moulins, est partie vivre dans le couvent de Port-Royal et elle décida d’emmener son petit-fils avec elle. Racine reçut une éducation classique aux Petites écoles de Port-Royal, une institution religieuse qui a beaucoup influencé d’autre auteurs contemporains comme Blaise Pascal. Port-Royal était dirigé par des adeptes du Jansénisme, une théologie considérée comme hérétique par les archevêques français et le Pape.

Les interactions de Racine avec les Jansénistes durant son séjour à cet académie l’ont grandement influencé durant le reste de sa vie. Il excellait notamment dans ses études sur l’antiquité et les mythologies grec et romaine qui ont joué de grands rôles dans ses futurs travaux.

Racine devait étudier dans le Collège d’Harcourt à Paris mais, à la place, il fut attiré par un style de vie plus artistique. Il s’adonna à la poésie et reçut de nombreuses retombées positives, notamment de la part de Nicolas Boileau, avec qui Racine allait devenir très ami. Il décida finalement de s’installer à Paris où il s’impliqua beaucoup dans le théâtre. Sa première pièce, « Amasie », ne fut jamais jouée sur scène.

Le 2 juin 1664, la tragédie de Racine nommée « La Thébaïde ou les frères ennemis » fut interprétée par la troupe de Molière au Théâtre du Palais-Royal. L’année suivante, Molière adapta aussi la deuxième pièce de Racine: « Alexandre le Grand ». Cependant, cette pièce ayant reçu énormément de bonnes critiques,

Racine négocia en secret avec une autre troupe de théâtre, l’Hôtel de Bourgogne, pour jouer la pièce, celle-ci étant réputée pour ses excellentes prestations sur les tragédies. Ainsi, « Alexandre » eu droit à une deuxième première, interprétée par une troupe différente, onze jours après sa première représentation. Molière n’a jamais pu pardonner Racine de cette trahison et leurs différends ne s’arrangèrent pas lorsque Racine décida de séduire l’actrice principale de la troupe de Molière. Thérèse du Parc est ainsi devenue sa compagne aussi bien professionnellement que dans la vie.

Toutes les nouvelles pièces de Racine furent interprétées par la troupe de l’Hôtel de Bourgogne. Bien que « La Thébaide » et « Alexandre » furent des pièces à thème classique, Racine entra déjà dans la controverse et dut faire face aux accusations selon lesquelles il polluait les esprits de ses spectateurs.

Racine coupa tous ses liens avec Port-Royal et continua avec « Andromaque » en 1667. Parmi ses rivaux on retrouve Pierre Corneille et son frère, Thomas Corneille. L’incident majeur qui a probablement contribué à la disparition de Racine de la vie publique fut son implication dans un scandale en 1679. Il se maria avec la pieuse Catherine de Romanet et ses croyances religieuses ainsi que son dévouement au Jansénisme refirent surface. Le couple eu deux fils et cinq filles. Au moment de son mariage et de son départ du théâtre, Racine accepta un poste à la cour du roi Louis XIV, aux côtés de son ami Boileau. En 1672, il fut élu à l’Académie française.

Racine fut nommé à différents postes à la cour royale et le roi l’a beaucoup apprécié. Jean Racine mourra en 1699 d’un cancer. Il demanda à être enterré à Port-Royal mais après la destruction du site par Louis XIV en 1710, ses restes furent déplacés à l’église Saint-Etienne-du-Mont à Paris.

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Message par Arabella Sam 11 Mar 2017, 10:09 pm

Phèdre (1677)


Créée en 1677, avant un longue pause dans la carrière de dramaturge de Racine, puisqu'il n'écrivit plus de pièce pendant douze ans, ne reprenant la plume que pour satisfaire Mme de Maintenant, en composant ses deux dernières ouvres théâtrales, Esther et Athalie, sur des sujets religieux, pour les demoiselles de Saint-Cyr.

Phèdre est sans toute la pièce la plus célèbre de son auteur, celle qui continue à être la plus jouée encore maintenant, et qui est souvent considérée comme l'apogée de la tragédie classique à la français.

Pourtant, elle ne représente qu'une des facettes de cette forme théâtrale, qui a connue une longue histoire de près de trois siècles, avec des conceptions, pré-supposés bien différents. A l'origine, au XVIe siècle, elle était censée être un genre au service de l'instruction morale. L'émotion que provoque la tragédie est au service de l'instruction, elle a un but d'utilité morale.

On en est loin chez Racine. L'émotion a pris le pas, et surtout « la poésie dramatique a pour but le seul plaisir des spectateurs » a écrit Corneille en 1660. Un plaisir un tant soit peu étrange, car il naît de la vision de la souffrance des personnages sur la scène. La compassion et la terreur amènent le spectateur au plaisir.

L'action de Phèdre vient de la mythologie grecque. Dans le mythe, Aphrodite a décidé de punir, Hippolyte, le fils de Thésée et d'une fière Amazone, qui refusait de reconnaître son pouvoir, le pouvoir de l'amour, en allumant dans le coeur de sa belle mère, Phèdre, un amour coupable et irrésistible pour le jeune homme. Phèdre se déclare, mais Hippolyte la fuit avec horreur ; elle l'accuse d'avoir voulu la violer, et Thésée demande à Poséidon de faire mourir son fils, ce que le dieu exécute à l'aide d'un monstre marin.

Chez Racine, pas de référence à Aphrodite, et Hippolyte est même amoureux d'une jeune fille, Aricie, survivante d'une famille ennemie de Thésée, qui la maintient dans une stricte captivité. L'amour, la passion de Phèdre trouve son origine en elle-même. Encouragée par Oenone, sa nourrice, qui exprime les désirs et envies les plus secrètes et inavouables de Phèdre, qui n'a plus qu'à les suivre, après un semblant de résistance, elle exprime à voix haute ses sentiments coupables. La mort de Thésée étant annoncée, elle projette de se marier à Hippolyte et lui déclare sa flamme, qui la rejette. Thésée revenu, Oenone accuse Hippolyte, qui le condamne à mort par l'entremise de Neptune. Oenone et Phèdre se suicident.

Plus de dieux pour expliquer le dérèglement des passions humaines. « La faiblesse aux humains n'est que trop naturelle » dit Oenone. Les passions, les emportements, aussi inacceptables qu'ils semblent du point de vue social, sont au coeur de la nature humaine. Et mènent les pauvres êtres à leur perte, jouets non plus de dieux, mais de leurs propres folies. Les plus nobles rois et reines n'y échappent pas. La fatalité n'est pas extérieure, mais inhérente à l'être humain.


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Message par Arabella Ven 12 Mai 2017, 7:21 pm

Andromaque (1668)


C'est la troisième pièce de Racine, et celle dans laquelle il trouve sa voie propre, après une première pièce, La Thébaïde clairement inspirée par Corneille, et une deuxième, Alexandre le Grand dans laquelle à l'inverse il explore la veine romanesque et galante, très à la mode à l'époque, et à laquelle Corneille est farouchement opposée.

L'histoire s'inspire des chaînes amoureuses mises à l'honneur par les pastorales. Oreste aime Hermione mais cette dernière est promise à Pyrrhus qu'elle aime passionnément. Ce dernier cependant lui préfère Andromaque, la veuve d'Hector qui est devenue son esclave après la chute de Troie, et veut l'épouser, ce que cette dernière refuse voulant rester fidèle à son mari tué par le père de Pyrrhus, qui pour parvenir à ses fins, la menace de faire tuer Astyanax, son fils. Andromaque va accepter d'épouser Pyrrhus mais a l'intention de se suicider après lui avoir recommandé son fils. Hermione, devant le mariage annoncé, demande à Oreste de tuer Pyrrhus.

Racine dépeint les souffrances extrêmes des amours non partagés, qui font oublier aux personnages leur rang, leur devoir, les obligations politiques. Même les héros, les rois, ne sont que des hommes déchirés par leurs passions, qui leur font oublier tout ce qu'ils se doivent, et qui vont à leur perte.

Il y a quelque chose de presque masochiste dans la façon dont tous les personnages s'attachent à ceux qui ne peuvent partager leurs sentiments, et de sadique dans la manière dont ils veulent à tout prix, conquérir l'être aimé, peu importe les souffrances qu'ils vont lui infliger. Sans parler de la manière dont ceux qui sont aimés traitent ceux qui les aiment.

La passion n'est guère aimable chez Racine, elle ressemble un peu à la folie dont est pris Oreste, qui a tué pour rien Pyrrhus, puisqu'Hermione se suicide après la mort de son aimé.

Tout cela dans une langue superbe, marmoréenne, dont la perfection formelle semble narguer presque les délires amoureux des personnages. En faisant un spectacle élégant de leurs souffrances.


Dernière édition par Arabella le Jeu 09 Mai 2019, 11:21 am, édité 1 fois

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Message par Arabella Mer 08 Mai 2019, 3:37 pm

Alexandre le Grand (1666)



Malgré le manque de succès de sa première pièce, La Thébaïde, Racine va persister à écrire pour le théâtre. Pendant quelques années ce sera même presque la seule activité d'écriture à laquelle il va se consacrer.

Pour La Thébaïde, Racine avait choisi un sujet noble et tragique à souhait, dans la veine des sujets de Corneille. Sans doute, il a dû se rendre compte que ce n'était pas ce qui lui convenait le mieux. Par ailleurs, même si Corneille est toujours considéré comme le plus grand auteur de tragédies, le goût du moment entraîne plutôt le public vers ce qu'on a appelé la tragédie romanesque et galante, un peu héritière de la tragi-comédie, invraisemblable et peu fondée historiquement, et surtout qui accorde la première place à l'amour, qui en est quasiment le seul enjeu. La mode en avait été lancée par Thomas Corneille, le jeune frère de Pierre Corneille, avec Timocrate, un immense succès, peut-être le plus grand du siècle. D'autres ont suivi, en particulier Philippe Quinault, dont l'Astrate triomphe au moment où Racine écrit sa deuxième pièce. Il va donc aller dans le sens des attentes du public.

Par ailleurs, Racine, inscrit sur la liste des pensions royales, se doit de glorifier Louis XIV. Il va donc choisir un sujet qui lui permettra de faire coup double : essayer de séduire le public des théâtres, et remplir ses obligations, voire se faire remarquer par le souverain. D'où le choix d'Alexandre le Grand comme personnage titre de sa pièce. En effet, à cette époque, le roi de France était surnommé « le nouvel Alexandre », sa mythification passait par l'assimilation au souverain le plus prestigieux de l'antiquité. Alexandre est à la mode, puisque le célébrer revient à célébrer Louis XIV. Par exemple le peintre le Brun se lance dans une série de plusieurs tableaux, représentant les épisodes les plus fameux de la vie du roi de Macédoine. Il faut avoir présent à l'esprit cet élément en lisant la pièce : cela permet de comprendre tous les compliments et tirades outrées à la gloire d'Alexandre, qui s'adressent en réalité à Louis XIV. Aujourd'hui cela semble presque ridicule dans l'exagération, et alourdit la pièce, qui en devient par moment indigeste, mais à l'époque, cela semblait tout à fait naturel, et était très applaudi.

Même si Racine va suivre la mode de la tragédie romanesque et galante pour assurer le succès de sa pièce, il sait que s'il se contente de cela, il n'accédera pas au statut de grand auteur, auquel il semble aspirer depuis le début. Quinault, malgré ses succès, était jugé avec condescendance par les spécialistes. Et la postérité leur a donné raison : si on s'en souvient aujourd'hui, et s'il est encore joué, c'est comme librettiste de Lully. Ses pièces sans musique, sont bien oubliées. Racine va donc s'appliquer à partir d'une base historique avérée : l'historien Quinte-Curce, qui évoque les combats d'Alexandre contre Porus, un roi indien, qui aurait été son adversaire le plus redoutable. Il y trouve même la mention d'une reine avec qui Alexandre aurait eu une histoire d'amour. Et le pardon qu'Alexandre aurait accordé à son adversaire malheureux, le remet dans les pas du Cinna (ou La clémence d'Auguste) de Corneille, pièce emblématique de par son succès publique et critique. La clémence étant considérée à l'époque comme la plus grande vertus chez les rois, cela lui permet une glorification sans mélange d'Alexandre et de Louis XIV. Racine se propose en quelque sorte de cocher toutes les cases permettant d'assurer le succès à la pièce.

Au premier acte, la situation est exposée. Alexandre s'approche menaçant les rois indiens. Cléofile, la soeur de l'un d'entre eux, Taxile, a éveillé l'amour d'Alexandre, et il vient en grande partie pour la retrouver. Cléofile, qui partage les sentiments du roi grec, tente donc de convaincre son frère de ne pas le combattre. Mais Taxile est amoureux de d'Axiane, qui pour sa part pousse au combat, et il a un rival, Porus, qui ne demande qu'à se battre. Cléofile, pour détourner son frère des batailles, instille le doute dans son esprit : Axiane lui préfère Porus, et se battre contre Alexandre revient à donner Axiane à Porus. Dans le deuxième acte, Ephestion, envoyé d'Alexandre, parle à Cléofile d'amour de la part de son maître, puis s'entretient avec les rois. Porus rejette toute conciliation, Taxile quad à lui ne souhaite pas s'engager dans le combat. Compte tenu de son attitude, Axiane en vient presque à avouer son amour à Porus, qu'elle encourage à aller jusqu'au bout. Dans le troisième acte, Taxile retient Axiane prisonnière. Malgré cela, et la mort annoncée de Porus dans la bataille, elle le rejette. Cléofile quand à elle, est trop heureuse de recevoir l'amour d'Alexandre, mais elle le presse de défendre les intérêts de son frère. Au quatrième acte, l'intersession d'Alexandre n'y change rien, Axiane ne veut toujours pas de Taxile qui se désespère. Mais, coup de théâtre, Porus n'est pas mort. Taxile se précipite au combat pour l'achever. Au cinquième acte, Alexandre qui a fait capturer Porus veut bien le laisser vivre si Axiane consent à épouser Taxile. Mais nouveau coup de théâtre, Porus a tué Taxile dans un dernier sursaut. Malgré tout, Alexandre lui pardonne, lui rend son royaume et Axiane. Cléofile se résigne, puisqu'elle a l'amour d'Alexandre…

La pièce est créée le 4 décembre 1665 par la troupe de Molière. Dès le début, c'est un immense succès. Elle est jouée devant le roi le 14 décembre. Mais par une autre troupe, la plus prestigieuse d'entre toutes, celle de l'Hôtel de Bourgogne. Qui va la reprendre dans la foulée dans sa salle. Ce qui à l'époque était inconcevable : la troupe qui a créée une pièce, en avait l'exclusivité, tout au moins jusqu'à la publication. Cela va provoquer une brouille définitive entre Racine et Molière, qui est placé dans une situation matérielle difficile, le public délaissant son théâtre. Cet épisode illustre (sans rentrer dans trop de détails) le débat qu'il y avait à l'époque sur la déclamation, la façon de jouer les tragédies. Les « stars » de l'hôtel de Bourgogne pratiquaient une déclamation très ostentatoire, véhémente, qui à la limite faisait fi du sens du texte, pour se concentrer sur la forme, la plus spectaculaire possible. Molière (et pas que lui) a tenté de promouvoir une déclamation « plus naturelle » et accordant plus d'importance au sens du texte. Il a d'ailleurs raillé la déclamation des acteurs de l'hôtel de Bourgogne dans L'impromptu de Versailles. Mais le public préfère ces derniers, ils sont jugés supérieurs dans la tragédie.

En tous les cas, Alexandre le Grand sera un immense succès, et sera régulièrement reprise. Ce sera une des pièces les plus fameuses de Racine pendant le XVIIe siècle. Même si un certain nombre de spécialistes lui trouvent beaucoup de défauts. Mais Racine se défendra (ce qui n'était pas d'usage à l'époque) avec brio, agressivité (voire méchanceté) et une certaine mauvaise foi. Son argument le plus fort, celui auquel ses adversaires ne peuvent répliquer étant le fait que Louis XIV apprécie la pièce. La meilleure preuve en est que Racine a été autorisé à la lui dédier, ce qui est une grande marque de faveur.

Mais ses détracteurs avaient incontestablement raison, et la pièce est tombée maintenant dans l'oubli. Et cela même si Racine trouve incontestablement dans les vers amoureux une source d'inspiration qui lui permet de réussir de beaux passages. Mais la construction de la pièce est vraiment trop bancale. Il a voulu rassembler des éléments trop disparates, sans réelle cohérence. Alexandre ne fait rien d'autre que de tenir des propos galants à sa belle, ce qui pour le plus grand conquérant de l'histoire est un peu court. On a reproché d'ailleurs à Racine d'avoir fait Porus plus grand qu'Alexandre dans sa pièce. Il n'y a aucun élément de suspens dans la bataille, Alexandre ne semble même pas y participer, les seuls récits qui en parviennent concernent le grand courage et la résistance héroïque de Porus. La clémence d'Alexandre à la fin de la pièce arrive sans avoir été préparée, sans aucune justification, de façon automatique. Il n'y a aucun suspens dans l'amour d'Alexandre et Cléofile, aucun enjeu. L'intrigue amoureuse Axiane/ Porus / Taxile s'insère très mal dans l'ensemble. Sans oublier les passages nombreux et pas très subtiles de glorification d'Alexandre / Louis XIV qui semblent bien longs au lecteur d'aujourd'hui.

Mais la pièce a permis à Racine d'être reconnu, attendu. La prochaine étape sera Andromaque, qui lui permettra de trouver sa propre voie dans la tragédie, d'associer la passion amoureuse avec un enjeu dramatique d'une façon parfaitement réussie.


Dernière édition par Arabella le Jeu 09 Mai 2019, 11:19 am, édité 1 fois

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Message par Arabella Mer 08 Mai 2019, 3:39 pm

La Thébaïde (1664)




Il s'agit de la première pièce de Racine représentée et publiée, en 1664. le poète avait déjà fait des tentatives auparavant : une première pièce qu'il a écrite, Amasie, a été refusée par le théâtre du Marais en 1660, et il s'est lancé par la suite dans la rédaction d'une pièce inspirée par la vie d'Ovide, on en trouve des mentions dans des lettres de Racine, dès 1661. C'est que le théâtre était au XVIIe siècle le meilleur moyen de se faire connaître pour un poète, et aussi de gagner de l'argent. A condition bien sûr, que la pièce eut suffisamment de succès. Et Racine a besoin d'argent : il n'a pas comme Corneille, de charge lui apportant de revenus réguliers, ni de biens, ses parents étant morts alors qu'il était enfant. Même s'il peut bénéficier du soutien de certains membres de sa famille, comme son cousin Vitart, qui lui permet d'être logé à Paris chez le duc de Luynes et lui procure une fonction de commis, il s'endette pour faire éditer ses poésies. En 1663, une ode écrite pour la guérison du Roi (qui souffrait d'une rougeole) lui permet d'être inscrit sur la liste de gratifications royales (il recevra une pension annuelle) mais les pensions sont payées en retard, et le montant de la sienne, est loin de celles versées à des auteurs plus célèbres comme Corneille.

La première pièce de Racine, La Thébaïde est donc créée le 20 juin 1664 par la troupe de Molière. En principe, les tragédies étaient plutôt créées pendant l'hiver, et les comédies en été. Mais Molière s'est vu interdire les représentations de Tartuffe, et il n'a donc pas de pièce nouvelle à donner aux spectateurs. Il lance donc la pièce du jeune auteur qu'était Racine pour relancer la fréquentation de son théâtre. Ce n'est pas vraiment un succès : les registres du théâtre montrent une fréquentation très modeste. Il y aura 14 représentations cette année, plus des représentations privées, en particulier devant le roi. Molière reprendra la pièce l'année suivante, et en donnera aussi quelques représentations en province. La publication en librairie, sans être passée complètement inaperçue, n'a pas vraiment mis Racine en vedette. Mais il s'agit d'un début qui rendra plus aisé à l'auteur de faire accepter la pièce suivante.

La pièce prend comme sujet les fils d'Oedipe, et le combat meurtrier où ils laisseront tous les deux la vie. le mythe d'Oedipe avec toutes ses ramification était régulièrement utilisé, la pièce de CorneilleOedipe lui a grandement permis d'asseoir sa notoriété et lui a valu le surnom de « Sophocle du XVIIe » siècle. Une pièce de Rotrou, Antigone a eu aussi son heure de gloire. Racine s'attaque donc à une thématique qui a déjà, d'une façon ou d'une autre, été traitée par les deux plus importants auteurs de la première moitié du XVIIe siècle.

C'est de la pièce de Rotrou que la Thébaïde est la plus proche, même si Rotrou s'intéresse surtout à Antigone, le combat meurtrier entre ses frères en est en quelque sorte le prologue, qui explique la situation d'Antigone. Rotrou a en fait condensé Les Phéniciennes d'Euripide et Antigone de Sophocle en une seule pièce. Mais l'évolution du théâtre du XVIIe siècle va dans le sens d'une simplification de l'action dramatique. Horace de Corneille en 1640 a été une étape importante de cette évolution : son auteur a conclu que le succès mitigé de la pièce était dû à une « duplicité » de l'action (une sorte de dédoublement de l'action), et par la suite a décidé de concentrer ses pièces autour d'un seul enjeu dramatique. Dans la préface à la Thébaïde, d'une édition de ses oeuvres qui date de 1675, Racine se positionne par rapport à Rotrou, en indiquant qu'il avait évité «la duplicité d'action » et suivi la pièce d'Euripide uniquement. Qui par ailleurs était son auteur grec de prédilection ; il faut noter, que Racine maîtrisait parfaitement le grec ancien, ce qui n'était pas forcément si répandu à son époque, même parmi les lettrés.

La pièce est donc très simple dans son déroulé. Nous sommes à Thèbes, l'armée grecque est sous ses murs amenée par Polynice, qui veut régner dans sa vie natale, Oedipe, ayant décidé que chacun de ses fils va exercer la charge royale une année, en alternance. Mais Etéocle, son frère, qui a pris la couronne en premier ne veut plus la céder à son frère, malgré sa promesse. Créon, l'oncle, pousse les deux frères à la haine, il aime secrètement Antigone, bien qu'elle soit fiancée à son fils, Hémon.

Dans le premier acte, Jocaste et Antigone, après les alarmes causées par des combats sous les murs, essaient d'oeuvrer pour la paix, Etéocle accepte la venue de Polynice dans la ville, pour pouvoir échanger avec les femmes. Dans le deuxième acte, après un échange amoureux entre Hémon, qui a suivi Polynice, et Antigone, Jocaste essaie de convaincre Polynice de cesser les combats. La scène est interrompue, car malgré la trêve, les soldats des deux camps en sont venus aux mains. Dans le troisième acte, Jocaste essaie de convaincre Etéocle d'être plus accommodant, sans succès, mais il accepte de voir son frère pour discuter avec lui. Créon révèle à son confident son ambition de prendre la couronne après la mort des deux frères, et d'épouser Antigone. le quatrième acte est centré autour de l'échange entre les frères ennemis, qui finissent par convenir d'un combat entre eux deux pour décider du destin de la guerre et du trône. le cinquième acte est consacré au récit du combat fratricide, et au suicide d'à peu près tous les personnages restants.

L'auteur dans sa préface de 1675 demande de l'indulgence au lecteur pour sa pièce, car dit-il « j'étais fort jeune quand je la fis ». On comprend cette demande à la lecture de la pièce : elle ne serait sans doute plus éditée de nos jours si elle n'avait pas été de la main de Racine. L'auteur a produit une oeuvre appliquée, mais assez scolaire, il suit bien les recettes pour composer une tragédie selon les règles de l'époque, sans réelle originalité ni véritable inspiration. Même les vers sont assez ternes, passe partout. C'est une curiosité, cela montre le point de départ de l'auteur, mais il faudra attendre un peu pour qu'il trouve vraiment sa voie, et qu'il produise les chef d'oeuvres qui ont traversé les siècles.


Dernière édition par Arabella le Jeu 09 Mai 2019, 11:20 am, édité 1 fois

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Message par Arabella Mer 08 Mai 2019, 3:40 pm

Racine / Georges Forestier

Publié dans la collection Biographies de chez Gallimard, il s'agit d'un ouvrage monumental de plus de 800 pages, sans oublier les notes, une bibliographie, un index. Visiblement, il s'agit pour l'auteur d'être complet et exhaustif sur le sujet, d'écrire un livre de référence.

Nous suivons donc Racine, son histoire familiale, sa naissance, ses jeunes années, en particulier ses études à Port Royal, ses débuts dans le monde, sa carrière d'hommes de lettres, puis d'historien du roi et de courtisan, sa vie de père de famille. En même temps, nous avons quelques analyses d'oeuvres, des éléments sur l'histoire et le contexte, en particulier culturel de l'époque. En somme l'essentiel pour essayer de savoir tout, ou presque sur le célèbre auteur d'Andromaque.

En réalité, le constat est que beaucoup de choses nous échappent. Une grande partie des documents, et tout spécialement dans l'immense production de lettres, a disparu. Il reste quelques éléments, des documents officiels, des écrits de Racine ou de ses contemporains, des pages de gazettes pas toujours fidèles à la réalité etc. La personnalité, les pensées intimes, l'homme qu'il était garde en grande partie ses secrets, et chacun peut y voir des choses différentes. D'autant plus qu'un certain nombre d'à priori, des idées toutes faites construites progressivement autour de Racine se sont agrégées dans sa représentation. La vie du monde littéraire au XVIIe siècle n'était pas un long fleuve tranquille, il y avait des clans, des coteries, des conflits, voire des véritables guerres, dans lesquelles il s'agissait d'abattre l'adversaire, en n'hésitant pas à lancer des rumeurs, des calomnies, en noircissant au maximum. Racine en a été partie prenante, ses épigrammes ou propos désobligeants vis à vis de ses confrères ont été nombreux et il a été en retour victime d'écrits injurieux ou perfides qui ont brouillés son image.

Georges Forestier essaie de déconstruire tout cela, en partant des documents, de ce qui est tangible et vraiment prouvable. D'où de nombreuses citations, analyses de différentes sources, qui garantissent la fiabilité du propos, nous sommes clairement dans un travail universitaire documenté et du plus grand sérieux, mais qui peuvent rendre la lecture par moments un peu fastidieuse pour le lecteur moyen. Et de toute façon, même en analysant et en recoupant des sources, pas toujours fiables et parcellaires, les conclusions sont parfois juste des hypothèses, les plus vraisemblables dans l'état de nos connaissances, mais qui pourraient être en partie ou complètement invalidées, si par miracle un paquet de 200 lettres surgissait d'un jour à l'autre. Il faut accepter le fait que Racine va rester en partie un sphinx.

Tel que décrit dans ce vaste ouvrage, Racine paraît être un homme très doué, intelligent, cultivé, brillant. Très conscient de sa valeur également, et ne permettant pas vraiment aux autres d'en douter, prêt à en découdre pour affirmer sa supériorité, tout au moins dans le domaine des lettres. Il semble avoir décidé de faire carrière uniquement grâce à sa plume, et s'être saisi intelligemment des différents champs littéraires existants à son époque. Comme c'était indispensable à l'époque, il s'est aussi construit un réseau de relations, d'alliances, qui lui ont permis d'être lu et reconnu. Il a commencé par écrire des textes courts, comme des odes, qui lui permettent dès 1663, de figurer sur la liste des gratifiés royaux. Puis, meilleure façon de faire carrière dans la poésie, il se tourne vers le théâtre, avec le succès que l'on sait. Mais ce n'est qu'une étape, il n'hésite pas à abandonner cette voie, lorsqu'il a l'occasion de devenir historien du roi, carrière plus prestigieuse et plus lucrative. Les documents qu'il a rédigé dans cette activité ont disparu, il est donc difficile d'évaluer vraiment ce travail, auquel il s'est consacré avec application, mais on regrette évidemment qu'il ait renoncé, sauf à quelques exceptions, surtout commandées par Mme de Maintenon, aux autres formes de création littéraire.

Le caractère lacunaire des éléments biographiques est évidemment frustrant, je crois que tout le monde voudrait en savoir un peu plus sur les relations amoureuses qu'il a entretenues de façon affichée avec deux des plus célèbres comédiennes de son époque, Marquise Duparc et la Champmeslé. Et de bien entendu, il ne ne reste rien sur cet aspect de sa vie, sans doute les documents, en particulier les lettres, ont été détruits volontairement.

Pour conclure, il s'agit incontestablement d'un livre de référence, très fouillé, rigoureux, bien construit et écrit, à lire et surtout à consulter régulièrement, pour se rafraîchir la mémoire, ou pour en savoir plus sur telle ou telle oeuvre de Racine en complément de leur lecture. Il n'est pas forcément à conseiller pour quelqu'un qui souhaite une introduction rapide, ou quelque chose de spectaculaire, voire de croustillant sur l'auteur.

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Message par Queenie Jeu 09 Mai 2019, 10:17 am

Approchant de Racine par la toute petite porte romanesque et fictionnelle de Nathalie Azoulai (Roman : Titus n'aimait pas Bérénice, en audio, magnifiquement lu par Elsa Lepoivre), je découvre cet homme, et suis curieuse de ce qu'il a écrit (oh, j'en ai lu et vu, mais c'était presque dans une autre vie). Merci pour tous ces articles @Arabella.
(Serait-il possible, juste, de mettre à chaque fois, en début de post, l'année où il a écrit la pièce, ça m'aiderait à me repérer rapidement)

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Et, du monde indistinct des rêves, là où se terrent les secrets mystiques, une réponse surgit.
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Message par Arabella Jeu 09 Mai 2019, 11:16 am

Je mets parfois la date, de plus en plus, en fait, parce que c'est en effet important, mais je ne faisait pas forcément au départ. Tu as raison, je vais rajouter.

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Message par Queenie Ven 10 Mai 2019, 8:41 am

Super. Merci.

Hier j'ai dit à une amie que je voulais relire Racine, elle a répondu "argh quelle horreur !".
Je crois qu'il a traumatisé des gens le môssieu.

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Message par Arabella Ven 10 Mai 2019, 11:39 am

J'avoue que Racine n'est pas le grand classique du XVIIe avec lequel je me sens le plus en affinité. Mais je reconnais qu'il est immense. Plus que le lire, je préfère le voir jouer, quand c'est réussi, cela peut être fabuleux. Je crois qu'il n'y a plus de représentations cette saison, mais il y a une production récente de la Comédie Française de Britannicus, que j'ai trouvé plus que remarquable. S'ils la reprennent la saison prochaine, cela vaudrait vraiment le coup d'y aller.

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Message par Queenie Sam 11 Mai 2019, 9:29 am

J'ai une mauvaise expérience de la Comédie Française, mais je tenterais si ce Britannicus est repris !

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Message par kenavo Jeu 04 Mar 2021, 7:59 am

Racine A593

Je ne vais même pas tenter de faire un commentaire pour Phèdre, Arabella en parle si bien...
c'est à cause de Helen Mirren que je suis arrivée à cette lecture.

J'ai vu un extrait sur FB du National Theatre
que je ne retrouve malheureusement pas sur YouTube pour partager avec vous, il n'y a que la BA

elle est  é-p-o-u-s-t-o-u-f-l-a-n-t-e  drunken

cette pièce date de 2019 mais ils la proposent à l'instant pour voir en ligne, je pense que je vais m'offrir le prix d'une vue sur internet...


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Message par Arabella Jeu 04 Mar 2021, 7:14 pm

Je dois dire qu'en anglais, cela me semble bizarre...

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Message par kenavo Ven 05 Mar 2021, 3:00 am

oui, je peux comprendre, mais à part cette pièce, je ne connais pas son oeuvre et ainsi pour moi Helen Mirren est l'attrait, n'importe ce qu'elle joue Wink

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Message par Arabella Ven 05 Mar 2021, 7:45 am

Toutes les portes d'entrée sont bonnes, mais la langue et le rythme sont si important (à l'époque le théâtre était considéré comme de la poésie) que lorsqu'on connaît le texte en original, c'est difficile avec une traduction.

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