Et si on allait au théâtre ?

eXPie a écrit:Vu La Maladie de la Mort, d'après Duras, au Théâtre des bouffes du Nord.

Librement adapté d'après le récit de Marguerite Duras
Mise en scène Katie Mitchell
Adaptation Alice Birch

Avec Laetitia Dosch - La Femme, Nick Fletcher - L'Homme, Irène Jacob - Narratrice

http://www.bouffesdunord.com/fr/en-tournee/la-maladie-de-la-mort

Un couple, une chambre d'hôtel.... Et cinq ou six techniciens, en permanence, pour filmer, prendre le son. Un écran vidéo.
Pratique, l'écran, parce que quand on est assis sur le côté, on ne voit pas ce qui se passe sur scène. C'est vrai que s'assurer que tout le monde puisse voir, un metteur en scène (Katie Mitchell, ici), ça n'est apparemment pas son boulot. Mais le spectateur est bien exigeant et râleur : il y a un écran, alors il peut voir.
Donc, il s'agit d'une adaptation de Duras, c'est-à-dire qu'il ne subsiste de Duras qu'une caricature d'elle, quelques phrases dites sur un ton morne. Sur scène, le couple s'habille, se déshabille, se rhabille, se re-déshabille, une bonne dizaine de fois. Ainsi se trouvent réunis les deux clichés de la mise en scène contemporaine : l'écran vidéo (avec les types qui filment en direct, et puis des scènes enregistrées), et des gens à poil.
Il y a une apparence durassienne, mais ça ne marche pas du tout : dès qu'une scène en direct fait place à une scène enregistrée (la transition est bien fichue, très calculée), le couple se met à courir pour s'habiller, ou se déshabiller, ou se positionner où il faudra pour assurer la transition vers le direct, le preneur de son se carapate, les nombreux caméramen se replacent... Bref, on passe son temps à voir ce petit monde beaucoup bouger, à regarder comment tout ça est super bien fait... techniquement. Et le reste, malheureusement, on s'en fout, d'autant que les acteurs n'ont pas l'air très à leur aise (et je le comprends). Et on regarde un peu sa montre, subrepticement. Bon, une heure, ça n'est pas trop long. Et on se dit : quel boulot pour un si petit résultat...
Après, il ne reste plus qu'à lire le texte, ça sera bien mieux.


Finalement, pourquoi une pièce de théâtre et pas un court-métrage ?

Mon seul commentaire serait : heureusement que cela ne dure qu'une heure...

Duras, Laetitia Dosch, Irène Jacob et un tel résultat...Navrant. Je vais soigneusement éviter les mises en scènes de Katie Mitchell.

Une pièce de l'origine du théâtre, puisque Dionysos le dieu dont les fêtes donnaient lieu aux représentations à Athènes est un des protagonistes de la pièce. Il vient à Thèbes, la ville de sa mère, Sémélé, se venger de sa famille, qui a refusé de reconnaître l'amour de Zeus, et donc sa nature divine. Penthée, son cousin est maintenant le roi de la ville, et il entend bien interdire le culte de cette nouvelle divinité. Dionysos, plutôt que de manifester sa puissance, prend une enveloppe humaine, et installe la folie dans les âmes et les corps : les femmes thébaines, en premier lieu ses tantes, transformées en Ménades, adoratrice de sa divinité et de ses mystères, seront les instruments de sa vengeance, bourreaux et victimes. Agavé, la mère de Penthée, commandera les Bacchantes qui mettront en pièce son fils, et qui brandira sa tête jusque dans la ville.

Pièce ambiguë, puisque certains y voient un retour d'Euripide à la religion, alors que d'autres pensent qu'il s'agit d'une nouvelle charge contre la cruauté des dieux, elle permet différentes lectures et angles d'approches. Bernard Sobel adopte une lecture dépouillée et sobre, qui garde tous les doubles sens et visions contradictoires. Penthée est à la foi rigide et fermé à ce qu'il ne comprend pas, à ce qui est étranger. Mais il défend aussi une vision du monde dans laquelle l'homme est maître de son destin et de sa dignité, refuse d'adhérer à une idéologie qui accorde la toute puissance à une sorte de gourou, qui peut en user à sa guise. Dionysos a une séduction folle, il apporte un souffle de nouveau, d'ailleurs, mais en même temps il inflige d'une façon impassible les pires souffrances, et d'une certaine façon n'accepte pas une quelconque remise en cause. Il est merveilleux et effrayant à la fois. L'art consistant à produire avec trois fois rien, un sourire, une ombre, une voix étrange, une attirance et l'effroi.

Les acteurs sont excellents, le cadre de la salle en pierre du théâtre de l'Epée de bois crée une sorte d'atmosphère primitive. Probablement, avec un peu plus de moyens, cela aurait été plus impressionnant, plus gratifiant, mais n'aurait pas forcément donné plus de sens et plus de mystère.

Ayant relu toutes les pièces de Corneille récemment, je guette les possibilités de le voir jouées sur scène, ce qui n'est au final pas si fréquent. J'ai été donc heureuse de pouvoir assister à cette pièce au Théâtre de la Tempête.

Premier constat, cette pièce est vraiment remarquable. Terriblement efficace au plan dramatique, sa trame maîtrisée de bout en bout entraîne le spectateur du début jusqu'à la fin. Les acteurs arrivent à dire le texte, à le faire entendre, ce qui ne va pas de soi, Bathélemy Meridjen qui joue le rôle titre est vraiment remarquable, virevoltant du début jusqu'à la fin dans un ballet sans aucune pause. Le dispositif scénique est assez réussi, avec un décor central en miroir, simple et plus suggestif que figuré, et qui peut se transformer facilement pour permettre les entrées et sorties, et les scènes de balcon. C'est sans doute adapté pour une pièce qui doit voyager avec une certaine légèreté, mais fonctionne pas mal du tout. Les costumes, qui m'avaient fait un peu peur sur les photos, sont finalement une bonne idée, ils font bien ressortir le jeu des apparences, le goût de s'imposer, la cruauté des rapports sociaux, de dominer socialement, au risque de se perdre soi-même, de devenir une caricature.


Pratique des plus courantes, presque obligée maintenant, la pièces est une adaptation, autrement dit une transformation de la pièce d'origine. L'extrait de la tirade du Cid, en clin d'oeil, même si elle est passable, n'est pas complètement choquante. Ni les répliques sur la place des femmes, parce que quelque part c'est dans Corneille. Une impitoyable analyse de la société, des pratiques matrimoniales, d'une hiérarchie des valeurs, qui parcourt ses comédies, sans doute un peu moins dans celle-ci que dans d'autres, mais c'est présent. Néanmoins, quelques part, être obligé de rajouter du texte pour le signaler, c'est un peu pour un metteur en scène manifester son incapacité à le signifier avec les moyens de la mise en scène, et aussi à ne pas faire confiance à l'intelligence de son spectateur, supposé à ne pas capable de lire entre les lignes. Mais le vraiment gênant, et surtout inutile, est le passage sur la Vérité dit par deux des acteurs après la fin de la pièce à proprement parlé. Là, on est dans autre chose que la pièce, le texte est un peu faible, banal, de l'ordre du lieu commun. Et cela casse la dynamique de la fin de la pièce tellement enlevée.

Mais malgré tout, j'ai passé un vraiment bon moment.

Vu Les Fourberies de Scapin, mise en scène de Denis Podalydès, à la Comédie Française.
La mise en scène met l'accent sur la bouffonnerie (trop, disent ceux qui n'ont pas aimé), avec Benjamin Lavernhe dans le rôle de Scapin. Il est assez impressionnant, bourré d'énergie. Il en faisait des tonnes, mais ça marchait bien, le public riait beaucoup.
Comme quoi, on n'a pas besoin de mettre des types avec des caméras sur scène, ni d'écran vidéo, pour réussir un spectacle.

eXPie a écrit:
Comme quoi, on n'a pas besoin de mettre des types avec des caméras sur scène, ni d'écran vidéo, pour réussir un spectacle.

Parfois, on se dit qu'en revenir aux choses simples, à l'essence du théâtre, ce n'est pas mal non plus. Et cela en devient presque iconoclaste dans les productions actuelles.

Je vais voir demain Poussière de Lars Noren. J'imagine que ce sera très différent.

Ah, ça m'intéresse bien de savoir ce que tu en auras pensé... Lars Noren est connu, mais pour moi que de nom...

J'ai vu qu'il va y avoir une intégrale Ibsen au Théâtre du Nord-Ouest ( http://theatredunordouest.com/programme ). Je ne sais pas du tout ce que vaut ce théatre... J'ai vu plein de choses intéressantes dans leur programmation, par contre.

Oui, j'ai vu pour l'intégrale Ibsen. J'ai cru comprendre qu'il s'agit de compagnies diverses, pas forcément avec beaucoup de moyens. J'hésite.

on peut vous envier de tout ces choix (aussi du côté opéra) mais j'admire encore plus votre énergie de sortir le soir pour aller voir tout cela... quand il fait si froid, j'ai même pas envie de sortir pour quoi que ce soit

C'est une dynamique, plus on sort, plus on a envie de sortir. Là pendant quelques semaines, j'ai moins de réservations, et bien je sens un manque, que j'ai envie de combler.

Et il y a des représentations les samedi et dimanche après-midi (en "matinale", où se trouvent surtout des têtes aux cheveux gris, disent les animateurs du Masque...)

L'âge moyen le dimanche s'élève en effet. Pour ma part, c'est surtout pour les théâtres qui sont un peu loin, comme la Cartoucherie de Vincennes, pour éviter un long trajet le soir, avec en plus éventuellement se lever tôt le lendemain.

Vu Peer Gynt, d'Ibsen, au Théâtre du Nord-ouest. En fait, ce qui n'était pas précisé, c'est qu'il s'agit de la première partie. La deuxième devrait avoir lieu en septembre (il a fallu le demander, ça n'a pas été dit spontanément, c'est curieux... Ne pas avoir dit qu'il s'agit de la première partie, je peux comprendre - il ne faut pas faire peur - mais ne pas faire du pub pour la deuxième, là quelque chose m'échappe).
C'est plutôt bien : le décor minimaliste est bien utilisé (lors du décès d'un personnage, de l'air est insufflé dans les grands draps du sol, l'effet est alors très beau). L'acteur qui joue Peer Gynt est bondissant, sa mère est plus posée (normal).
Certains acteurs jouent plusieurs rôles, c'est économique ; ça fait un peu curieux par moments, mais ça passe bien.
Il y a évidemment un peu de musique (enregistrée) de Grieg, elle est bien intégrée au spectacle. J'en aurais voulu plus, mais bon...
C'est donc une production avec peu de moyens, mais tout à fait recommandable, qui va m'inciter à aller voir d'autres pièces du cycle.

eXPie a écrit:Vu Peer Gynt, d'Ibsen, au Théâtre du Nord-ouest. En fait, ce qui n'était pas précisé, c'est qu'il s'agit de la première partie. La deuxième devrait avoir lieu en septembre (il a fallu le demander, ça n'a pas été dit spontanément, c'est curieux... Ne pas avoir dit qu'il s'agit de la première partie, je peux comprendre - il ne faut pas faire peur - mais ne pas faire du pub pour la deuxième, là quelque chose m'échappe).

Bizarre...J'avais vu cette représentation au TNN il y a 3 ans et c'était en une seule partie!

J'avais beaucoup aimé cette histoire un peu délirante et très rock and roll, avec la musique d'Iggy Pop et des décors fabuleux. J'y serais bien retournée cette année, la pièce passait juste avant les Bouffes du Nord à Nice.



Je vois aussi que Art, de Yasmina Reza repasse au Théâtre Antoine en mars. Veinards de parisiens..C'est excellent!

Aeriale a écrit:

eXPie a écrit:Vu Peer Gynt, d'Ibsen, au Théâtre du Nord-ouest. En fait, ce qui n'était pas précisé, c'est qu'il s'agit de la première partie. La deuxième devrait avoir lieu en septembre (il a fallu le demander, ça n'a pas été dit spontanément, c'est curieux... Ne pas avoir dit qu'il s'agit de la première partie, je peux comprendre - il ne faut pas faire peur - mais ne pas faire du pub pour la deuxième, là quelque chose m'échappe).

Bizarre...J'avais vu cette représentation au TNN il y a 3 ans et c'était en une seule partie!

J'avais beaucoup aimé cette histoire un peu délirante et très rock and roll, avec la musique d'Iggy Pop et des décors fabuleux. J'y serais bien retournée cette année, la pièce passait juste avant les Bouffes du Nord à Nice.

Ça n'était vraiment pas la même production, la "mienne" avait peu de moyens, mais était probablement plus près de l'original (je ne savais pas qu'il y avait eu une version avec du Iggy Pop).


La première partie durait déjà quelque chose comme 1h30. Un spectacle de2h30 ou  3h00 ne devait sans doute pas cadrer avec les moyens du petit théâtre.

Merci de tes impressions. Cela donne envie de découvrir ce théâtre, je craignais que le manque de moyens ne soient une limitation sérieuse, pas forcément donc.