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Marguerite Duras

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Message par Arabella Mer 10 Juin - 19:14

Le ravissement de Lol V. Stein


Ecrit en 1963 et publié en 1964, ce roman est un des plus emblématique de Marguerite Duras, considéré comme l'un de ses plus importants parmi de nombreux spécialistes, et auquel elle reviendra régulièrement, en faisant revenir le personnages principal, en particulier dans ce qu'on appelle le « cycle indien ». Envisagé dans un premier temps comme une pièce de théâtre, destinée à Peter Brook ; la trame du récit va donner lieu à d'autres tentatives, en particulier de scénarii qui ne vont jamais aboutir.

Evidemment comme souvent avec Duras, résumer le livre relève de l'exploit, c'est déjà forcément une interprétation. Lola Valérie Stein est fiancée à Michael Richardson. Mais ce dernier est saisi lors d'un bal, par la vision d'une femme, Anne-Marie Stretter. Il quitte Lol pour la suivre dans l'instant. Lol s'effondre psychiquement. Elle rencontre par la suite Jean Bedford qui elle va épouser, aller vivre ailleurs, avoir trois enfants. Revenue dans sa ville natale de S. Tahla, elle voit par hasard son amie d'enfance Tatiana avec un homme, Jacques Hold. Elle va s'attacher au couple, et Jacques va en tomber amoureux. Une étrange relation en trio va s'installer.

Une trame très mince, avec peu d'événements, et surtout très peu d'événements certains. Ce qui rend ce récit-là encore plus incertain, c'est qu'il est fait par un narrateur, Jacques Hold, qui lui-même n'a que peu de certitudes sur ce qui s'est passé : « Voici, tout au long, mêlés, à la fois, ce faux-semblant que raconte Tatiana Karl et ce que j'invente sur la nuit du Casino de T. Beach. A partir de quoi je raconterai mon histoire de Lol V Stein. » En se basant sur le récit qu'il considère comme peu fiable de sa maîtresse, Jacques Hold revendique d'inventer pour raconter son histoire de Lol. Au final, on peut considérer que c'est ce que fait un écrivain, à partir de tel ou tel élément, dont la véridicité n'a rien de certain, il construit un récit, des personnages, entretient des liens particuliers avec eux, comme Jacques Hold avec Lol, qui l'a ravi. Tenter avec les mots approcher l'intime d'une personnage, sans n'arriver qu'à une fiction, qui fait sens pour la personne qui la raconte. Donner des mots à quelqu'un qui n'en a pas, et c'est très fortement le cas de Lol dans ce livre, c'est forcément inventer, on peut se demander si ce n'est pas forcément mentir. La parole fige, donne une interprétation définitive, alors qu'elle n'est pas à même de saisir tout l'intime d'un personnage. C'est un autre qui parle à la place de Lol qui n'a pas de mots, Jacques Hold ou Marguerite Duras. Qui d'ailleurs dans ses interviews soutenait qu'elle ne comprenait pas Lol, qu'elle lui échappait.

Tout est incertain chez Lol : la folie, et de quelle sorte, la nature de ses sentiments, de ses ressentis. C'est un peu comme si elle n'en avait pas, et que l'absence de l'expression de sa douleur après l'abandon de Michael Richardson, l'enfermait dans l'instant dans lequel son regard s'est posé sur le couple qu'il formait avec Anne-Marie Stretter. Et qu'elle va tenter de retrouver cet instant en regardant Tatiana et Jacques Hold. Ce qui la pousse à une sorte de voyeurisme, elle n'existe que par le regard qu'elle porte sur le couple. Ce qui rend les choses plus complexes, est que Jacques à partir d'un certain moment sait que ce regard existe, et que sa relation avec Tatiana est modifiée par ce regard qu'il sait présent, et que probablement Tatiana en pressent quelque chose.

Objet étrange et fascinant, dont on ressort frustré, devant tout ce qui nous échappe, mais en même temps étrangement heureux, d'avoir essayé, tenté, c'est sans conteste une des plus grandes réussites de Marguerite Duras.

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Message par Arabella Dim 21 Juin - 10:24

Le Vice-consul


Ce roman, paru en janvier 1966 fut écrit laborieusement à partir de 1962. Plusieurs fois au point mort, il a été repris et modifié fortement par l'auteure, avant d'aboutir au résultat final. Il sera adapté au théâtre sous le titre d'India Song en 1973, puis toujours sous ce titre transformé en film en 1975. C'est peut-être le film de Duras le plus connu, grâce sans doute à l'obsédante musique de Carlos D'Alessio. Nous retrouvons dans ce roman des personnages entrevus dans le ravissement de Lol V. Stein, Anne-Marie Stretter et Michael Richard (dont le nom se transforme légèrement du Richardson d'origine).

Le livre est un objet complexe, plusieurs narrations, narrateurs potentiels, voix, se mêlent dans une sorte de polyphonie. Une jeune fille enceinte chassée de chez elle, qui marche, qui traverse des pays, qui vit le fond de la misère et du malheur, débute le récit, et reviendra encore, jusqu'à devenir une mendiante chauve, lançant une mélopée lancinante à Calcutta, à proximité de la résidence du consul de France. Mais il y a aussi les habitants et habitués de la résidence du consul, tous sous l'emprise, sous la fascination, sous le charme indicible d'Anne-Marie Stretter, la femme du consul. Femme fatale, sur laquelle circulent des histoires, presque des mythes se construisent, sorte de sphinge, qui garde ses mystères, elle attire et fait fantasmer les hommes. Et puis il y a le Vice-consul du titre, reprouvé qui aurait commis des choses terribles à Lahore, il est en attente que l'on décide de son sort, mis au ban de la société européenne. Anne-Marie Stretter l'invite à une de ses soirées, une communication étrange semble s'établir entre eux. Et il y a tous les hommes qui circulent autour de la femme du consul, dont Peter Morgan, qui écrit l'histoire de la mendiante, au point que l'on ne sait pas si ce que nous avons lu à son sujet est le récit du vécu de cette femme, où le récit inventé par Morgan à son sujet. Où peut-être un mélange des deux, sans qui nous puissions savoir où se situe la frontière entre les deux.

Dans une Inde rêvée, dans une chaleur moite, qui provoque une sorte d'état second, Marguerite Duras construit un labyrinthe fascinant, dans lequel on croise des personnages incertains, qui livrent par bribes, des morceaux de leur être le plus profond, presque malgré eux. Des correspondances étranges, jamais explicitées surgissent, comme entre la mendiantes et Anne-Marie, ou entre Anne-Marie et le Vice-consul. L'insupportable douleur du monde, l'impossible acceptation du malheur, mais aussi la force déchirante du désir, la séparation irrémédiable d'avec les autres, l'enfermement dans des conventions auxquelles on ne peut échapper, les thèmes, les trames s'entremêlent, au point qu'il est difficile de les identifier. Comme dans un morceau de musique où les notes se mêlent pour former un motif qui est un tout. Il faut se laisser porter, sans essayer de tout comprendre, s'abandonner au charme, à la magie des mots, pour faire ce voyage dans un lieu, qui est nulle part et partout, dans l'imaginaire, et au fond de chacun. Si on y arrive, ce sera un moment inoubliable.

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Message par Arabella Mer 24 Juin - 17:58

L'amante anglaise

Il s'agit d'un roman publié en 1967 par Gallimard qui rencontre un réel succès, incitant l'auteure à en écrire une version théâtrale, déjà envisagée en 1966. Elle sera mise en scène pour la première fois en 1968.

Le texte s'inspire d'un fait réel : l'affaire Rabilloud, dans laquelle la femme a tué son mari, avant de le dépecer et disperser ses restes sur des trains du haut d'un viaduc. Ce fait divers avait déjà été utilisé par Marguerite Duras dans la pièce Les viaducs de la Seine-et-Oise. Elle le reprend en le modifiant. Ici, la femme, Claire Lannes assassine une cousine sourde et muette, qui sert de domestique au couple, à l'insu de son mari, Pierre. le texte se présente essentiellement sous forme de dialogues. Un interlocuteur qui n'est pas clairement défini, fait parler les protagonistes de l'affaire. D'abord Robert Lamy, le tenancier du bar du village, dans lequel Claire s'est dénoncée comme la meurtrière, en donnant l'identité de la victime, qui jusque là n'était pas connue, la police n'ayant retrouvé dans des trains que des morceaux du corps dépecé, sans la tête. Robert Lamy raconte en détails la scène, et répond à quelques questions sur le couple Lannes, et d'autres personnes. L'entretien suivant se fait avec Pierre Lannes, le mari, et tourne autour de la personnalité De Claire, que son mari percevait comme folle, ainsi que des relations du trio. Enfin, le dernier entretien se fait avec Claire, l'interlocuteur essayant sans succès de lui faire expliciter les raisons du crime, et lui faire avouer ce qu'elle a fait de la tête de la victime, toujours non retrouvée.

Marguerite Duras a toujours été fascinée par les crimes, les meurtres, le passage à l'acte, et un certain nombre de personnages de ses romans basculent de l'autre côté de la frontière. L'amante anglaise tente de cerner le personnage De Claire, les raisons qui l'ont poussée à commettre l'acte meurtrier. Nous ne sommes pas dans la psychologie, Claire est un personnage atone, qui s'ignore elle-même, qui ne sait pas ce qui la meut. le seul épisode de son existence qui la fait réagir, de façon positive, c'est c'est la liaison avec un homme à Cahors, cet épisode la transporte, l'illumine toujours après de nombreuses années. Si Claire répond aux questions qui lui sont posées, c'est peut-être aussi parce qu'elle-même veut comprendre, donner un sens, un poids, aux choses, qui semblent lui échapper complètement. Mais elle n'est pas la seule dans ce cas, les autres personnages du récit ne paraissent pas beaucoup plus remplis, plus certains. Simplement le meurtre qu'elle a commis lui donne d'une certaine manière une consistance, une raison pour que l'on s'occupe d'elle, pour que l'on se pose des questions à son sujet. Alors qu'elle était exilée dans le jardin, sans vraiment avoir des activités, juste là laissée à elle-même. Il y a une opposition entre Claire et Marie-Thérèse, la cousine assassinée : cette dernière est toute sens pratique, activité, elle occupe l'espace et chasse en quelque sorte Claire devenue inutile de sa propre maison. Malgré son handicap, Marie-Thérèse est engluée dans les plaisirs sensibles et sensuels, très terre à terre, alors que sa cousine s'étiole, devient de plus en plus transparente et aérienne, en dehors du monde, auquel le meurtre la ramène d'une certaine façon.

Un texte étrange et troublant, pas très confortable.

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