Et si on allait à l'opéra (ou au ballet) ?

Inspiré directement par par le théâtre nô japonais, il s'agit d'un diptyque qui reprend les traductions faites par Ezra Pound à partir de textes de Zeami, le grand maître du nô.

Dans la première partie (Toujours fort) un prêtre vient prier pour Tsunemasa, jeune homme mort dans une bataille. Suite au rituel, le fantôme de Tsunemasa apparaît, évoquant sa vie terrestre. Un étrange dialogue a lieu entre le prêtre et le revenant. Le fantôme finit par disparaître.

La deuxième partie (Manteau de pluie) : Hakuryo, un pêcheur découvre et prend une robe de plume suspendue à un arbre. Un Tennin (esprit) vient lui réclamer la robe. Le pêcheur refuse. L'esprit l'implore, lui expliquant qu'il ne peut voler sans cette robe. Hakuyro finit par accepter de restituer l'objet, en échange d'une danse de l'esprit.

Plus oratorio que véritable opéra, tableaux plus que progression dramatique, il s'agit d'une oeuvre à part. L'orchestre est très restreint (7 musiciens). Même avec un quatuor vocal, et des moyens électroniques, nous sommes dans une épure. Comme d'ailleurs le décor, le dispositif scénique et le jeu des deux chanteurs-acteurs (les mêmes dans les deux parties de l'oeuvre), rejoint dans la deuxième partie par une danseuse. Peter Sellars dans sa mise en scène vise le dépouillement et la simplicité. C'est beau visuellement, assez statique.

La musique de Kaija Saariaho est incontestablement belle, mais je l'avoue, ce n'est pas un compositeur qui me touche particulièrement, et dans cette oeuvre sans doute encore moins que d'habitude. J'ai été un peu gênée par le traitement électronique de la voix, qui pour moi casse vraiment l'émotion. Toute l'oeuvre a un côté artificiel, ce qui n'est pas forcément négatif, c'est un parti pris assumé. Mais cela n'a pas trop fonctionné pour moi, je suis resté à l'extérieur, tout en admirant tel ou tel aspect, tel ou tel moment. Un peu de loin.

Merci pour ton commentaire. Sur le papier, ça m'aurait tenté, et puis j'ai un peu écouté/vu (merci youtube) et comme je ne suis pas assez branché sur ce type de musique, je n'y suis pas allé...


"L'électronique me permet de découvrir de nouvelles couleurs vocales", dit Jaroussky (1'14).

C'est mon ressenti personnel, certains spectateurs semblent avoir plus apprécié que moi (un homme venait pour la troisième fois). Je ne regrette pas de l'avoir vu, les créations contemporaines ne sont pas si fréquentes, et il y avait quand même de beaux moments.

Premier opéra de Berlioz, oeuvre maudite, elle n'est toujours pas entrée dans le répertoire, et n'a connue jusque maintenant que quelques productions éparses ou des versions de concert.

Conçue comme un opéra comique en quatre actes, elle est refusée. Berlioz la remanie, elle passe à deux actes et quatre tableaux, et les dialogues parlés sont remplacés par des récitatifs, ce qui était indispensable pour être joué à l'Opéra. La création en 1838 est un four, Berlioz retire son oeuvre au bout de quatre représentations houleuses.

En 1852 Liszt donnera des représentations de l'oeuvre encore remaniée par Berlioz, cette fois en trois actes. On peut donc comprendre pourquoi cet opéra peut sembler manquer d'unité, et qu'une production doit choisir entre des versions différentes, des airs alternatifs.

Malgré tout, l'ensemble a une réelle cohérence, surtout au niveau musical. J'aime énormément Berlioz sans doute, mais ces pages peu jouées proposent des moments extraordinaires, entre puissance et délicatesse, avec des merveilles d'orchestration. Il n'y a pas de grands airs facilement identifiable et susceptibles de figurer dans des récitals, ce qui nuit peut-être à rayonnement possible, mais une narration musicale de haut niveau.

J'ai eu du mal à comprendre les réserves des critiques par rapport à la direction de Philippe Jordan, peu-être qu'il y a eu des ajustements entre la première et la suite des représentations, mais on a tellement connu des Berlioz pachydermique, jouant de la grosse artillerie, que cette version tout en finesse et en délicatesse, mais qui donne aussi de la voix et de la puissance au moment de la fonte de la statue, m'a semblé presque idéale. Je trouve qu'au final, Philippe Jordan donne le meilleur de lui-même dans l'opéra français, et j'espère qu'il va continuer à explorer ce répertoire, souvent mal aimé, et où son art de faire ressortir l'orchestration et les détails, les subtilités en somme, est idéal.

La distribution est dominée, pour ne pas dire écrasée, par John Osborn, qui dans le rôle titre donne une version chantée quasi parfaite, même s'il manque peut être un peu de charisme en tant qu'acteur. Mais le chanteur a dans le gosier toutes les notes, alors que le rôle a des exigences monstrueuses, et loin de passer en force, il module, exprime, fait ressortir toutes les possibilités, tout en finesse et intelligence. Et son français et tout à fait compréhensible.
Les autres interprètes ne déméritent pas, aucun n'est réellement problématique, même si on peut faire des réserves sur tel ou tel aspect de leur chant. Pretty Yende est quand même un peu une erreur de casting ; sa jolie voix légère n'est pas vraiment ce qui convient à Teresa, mais elle fait au mieux avec ce qu'elle a, mais cela tire le personnage vers l'anecdotique.

Mais ce qui a surtout fait parlé, c'est la mise en scène de Terry Gilliam. Il semble que monter un opéra en suivant le livret et en faisant du grand spectacle sur scène soit devenu le comble du révolutionnaire. Alors que cela a été le passage obligé pendant fort longtemps des spectacles d'opéra. Même si cette mise en scène tire l'oeuvre vers le comique, et l'intention de Berlioz était au départ un opéra comique, cela fonctionne très bien, il y a une inventivité, un imaginaire coloré et joyeux, qui attire le regard en permanence et fait que l'on ne s'ennuie pas un moment. L'immense majorité des spectateurs était enthousiaste, ce genre de spectacles est susceptible de plaire en particulier aux spectateurs qui vont rarement à l'opéra et qui ne maîtrisent pas les codes des mises en scènes actuelles. Et reconnaissons qu'une mise en scène sans militaires en treillis, sans déportés juifs, sans des gens tout nus courant dans tous les sens, brefs sans tous les clichés qui semblent inévitables dans beaucoup de mises en scènes actuelles, est reposante.

Une excellente soiré.

Arabella a écrit: Et reconnaissons qu'une mise en scène sans militaires en treillis, sans déportés juifs, sans des gens tout nus courant dans tous les sens, brefs sans tous les clichés qui semblent inévitables dans beaucoup de mises en scènes actuelles, est reposante.

Ha ha!!! oui j'imagine

En tout cas la mise en scène semble réellement magnifique. Je ne sais pas si cet opéra serait pour moi, mais j'irais bien au moins pour le spectacle!

Contente pour toi, @Arabella, tu as l'air enthousiaste

C'est une très belle musique, je pense que c'est un spectacle qui peut vraiment plaire à presque tout le monde. J'ai des amis qui ne vont qu'exceptionnellement à l'opéra, et qui ont tellement aimé, qu'ils veulent y retourner au plus vite.

Des représentations sous le coup d'un accident technique, qui a provoqué la fermeture de l'Opéra Bastille et la suppressions de plusieurs représentations, dont celle où je devais aller initialement. Heureusement j'ai pu au final aller à la représentation du 13 mai, qui devenait du coup la première.

Il aurait été dommage de manquer ce spectacle : l'orchestre de l'Opéra de Paris, sous la baguette de Philippe Jordan n'a jamais joué aussi bien Wagner. C'était tout simplement féérique. Dans une puissance maîtrisée, qui permettait à la fois d'exprimer la force et la magie de cette musique, mais aussi toute sa poésie et subtilité. Tous les chanteurs frôlent la perfection, d'une façon que l'on ne rencontre qu'exceptionnellement dans un spectacle d'opéra. Le plus applaudi est peut-être Peter Mattei dont l'Amfortas, est certes divinement chanté, mais surtout incarné, ce qui lui donne peut-être le petit plus par rapport à ses partenaires, dont certains sont sans doute un petit peu moins charismatiques que le baryton suédois. Mais ils chantent aussi bien.


La mise en scène de Richard Jones est moyennement convaincante, entre des décors plutôt laids (la cuisine de collectivité semble à la mode cette année, déjà présente dans le Macbeth de l'Odéon), les costumes encore plus, entre survêtements miteux des chevaliers du Graal, et les filles-fleurs transformées en cosses de maïs transgénique, mais au final on aura vu pire. Et la beauté de la musique fait qu'on oublie tout cela, et qu'on se laisse porter.

La divisione del Mondo 

Opéra de Giovanni Legrenzi 

J'avis pas mal de liens mais je ne peux pas encore poster apparemment ! 

Vous trouverez les liens sur "Opéra du Rhin "


Je vais ce soir à la Générale, je vous réserve mon commentaire pour demain ! 

J'aime ce vieil opéra à l'italienne dont on dispose à Strasbourg, même si la fosse est un peu petite pour l'orchestre ! 

Une vraie rareté, jamais vu un opéra de Legrenzi ne même entendu en concert. Juste quelques airs sur des CD.

Pour ma part, deux sorties la semaine dernière :

Il primo omicidio /Alessandro Scarlatti / Opéra Garnier

Une rareté, un oratorio mis en scène. J'ai été littéralement grisée par la musique. Les chanteurs baroques, même si certains étaient très bons, étaient quand même un peu juste pour la grande salle de Garnier. La mise en scène de Castellucci, belle et hiératique dans la première partie, changeait de registre dans la deuxième partie, comme presque toujours chez lui. Là des enfants mimaient sur scène le chant des chanteurs qui eux se retrouvaient dans la fosse, comme une sorte de descente aux enfers après le meurtre ( de Caïn par Abel). Un peu artificiel. Mais j'ai très envie de découvrir davantage Alessandro Scarlatti/


Les Troyens / Berlioz / Opéra Bastille

J'aime énormément Berlioz, je ne pouvais donc pas rater ces Troyens, même si je me doutais que j'avais peu de chances d'assister à un aussi merveilleux spectacle que celui du Châtelet sous la direction de Gardiner. En effet, Philippe Jordan, malgré une merveilleuse façon de mettre en avant des sonorités et l'orchestration, surtout dans la deuxième partie, n'a pas autant de grâce et de vision d'ensemble que Gardiner. Et il y a des coupures.
Une pluie de défections a fait craindre le pire pour le chant, mais au final tous les chanteurs s'en tirent correctement voire plus, avec une mention spéciale pour Stéphane Degout.
Le problème c'est évidemment la mise en scène de Tcherniakov, absurde et laide, et qui fait que l'on suit la musique, en essayant de faire abstraction du reste. Des réactions de certains spectateurs étaient très vives, je n'avais encore jamais vue un tel rejet. C'est vraiment dommage de gâcher cet oeuvre de cette façon.

Scarlatti est un immense musicien assez méconnu du grand public.

On ne peut pas en dire autant de Legrenzi qui reste très en dessous de Monteverdi  (à peu près la même période ) .
Deux beaux airs mais qui n'arrachent pas les larmes .
L'opéra est sauvé par une mise en scène rafraîchissante et enlevée ce qui fait oublier les répétitions sempiternelles.
Cette division est dans l'OLympe  puisque Venus vient semer la zizanie par sa seule présence et sa beauté;
Même Jupiter  en est tout retourné !   
Mais deux heures sur la jalousie de Junon, les seconds rôles doivent prendre la relève , ce qu'ils font.
Vocalement Venus qui attaque toutes les notes par en dessous m'a un peu agacée je lui ai préférée Cynthia et le contre tenor qui jouait Mars.

Les talents lyriques sous la direction de Christophe Rousset sont délicieux de délicatesse et de précision.

J'ai passé une très bonne soirée avec des chanteurs  qui ne se sont pas économisés malgré la proximité de la première ! 

Je posterai quelques photos ..

Alessandro Scarlatti est en effet un très grand musicien, même si j'ai la sensation que dans la famille, c'est Domenico le plus joué actuellement. J'ai beaucoup écouté des enregistrement faits il y a quelques années par Gérard Lesne, surtout les cantates. Mais je n'ai pas le souvenir d'avoir vu un de ses opéras mis en scène. Même là, le choix s'est porté sur un oratorio.
Si tu as quelques références je suis preneuse.

D'autant plus que je ne me précipiterai pas sur Legrenzi après ce que tu en dis.

Lucrezia Borgia
Gaetano Donizetti

Je ne suis pas du tout une spécialiste de l'opéra mais j'ai adoré cette représentation au Théâtre du Capitole, à Toulouse ! Un drame haletant et poignant, des interprètes (à mon humble avis) extraordinaires , avec entre autres,  Annick Massis dans le rôle principal, qui m'a émue aux larmes dans la toute dernière scène et Eleonore Pancrazzi, dans le rôle d'Orsini, qui m'a enchantée : une voix magnifique (mezzo-soprano) et une présence sur scène époustouflante. C'était la dernière représentation et toute la troupe a eu droit à une belle ovation !

Ne te méprend pas j'ai tout de même passé une très bonne soirée , c'est moins bien que Monteverdi mais cela reste de la bonne musique baroque ! les théorbes donnaient une couleur magnifique ! 

Domenici Scarlatti : je connais surtout les sonates qui sont très techniques à jouer et pleines de charme.

Contente pour toi @Liseron que le spectacle aie été réussi. Annick Massis est une valeur sûre.

Il y a en effet de très belles choses dans les sonates de Domenico Scarlatti (même si Pogorelich me déconcerte souvent), au point que cela a éclipsé les oeuvres d'Alessandro...La seule chose qu'il y avait à la médiathèque est une Cantate de Noël par Alessandrini, c'est déjà ça.

oui, il est toujours surprenant, mais très intéressant ; je l'ai vu en concert il y a3 ans à Strasbourg ça se tenait très bien ! 
Il défend bien ses partis pris.