Farouk Mardam-Bey
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Re: Farouk Mardam-Bey
Illustrations : Odile Alliet
La cuisine de Ziryâb
Il y a autant de textes littéraires que de recettes et avec les sublimes illustrations d’Odile Alliet, il s’agit d’un mélange judicieux et extraordinaire.
Une première (grande) partie, Eloges, célèbre quatorze fruits et légumes mais aussi le couscous, le riz et le blé concassé.
Farouk Mardam-Bey parle des origines, il emmène le lecteur dans différents pays autour de la Méditerranée, raconte des histoires, d’anciennes légendes… et le tout de façon captivante.
On est bouche bée devant les illustrations et on salive pendant la lecture des recettes… tous les sens sont stimulés avec ce livre.
Une deuxième (plus courte) partie se nomme Carnet de route et on y fait le tour de la plupart des pays de la Méditerranée et il rend hommage aux traditions culinaires. Encore une fois des pages qui donnent faim et font envie de se rendre au marché et après en cuisine
Un abécédaire gourmand clôture ce très, très beau livre.
Je ne vais pas l’égarer trop loin, j’en suis sûre que je veux le reprendre de temps en temps...
Extraits + illustrations
On raconte, en effet, qu’à la saison des aubergines, en plein été, tous les habitants [Istanbul] allumaient des braises aux portes de leurs maisons pour griller leur légume préféré, sans se soucier du vent qui balayait alors la grande métropole.
Ce vent porte encore, jusqu’à nos jours, le nom de patlican meltemi, « vent d’aubergine » !
Le safran est né d’une double blessure. On raconte en effet que le dieu Hermès, un jour qu’il jouait au disque, blessa par mégarde son ami Crocos. Celui-ci mourut aussitôt mais son sang, qui tacherait le sol, se transforma par la volonté d’Hermès en étranges petites fleurs, dotées chacune de trois stigmates. Leur arôme si profond et leur couleur éclatante en feront la plus précieuse des épices.
La même légende veut que la nymphe Smilax, qui aimait Crocos passionnément, fût elle aussi métamorphosée par Hermès en fleur de safran. De cette ultime victoire de l’amour, les deux amants étant désormais réunis pour l’éternité au cœur d’une fleur, provient peut-être la première vertu du safran, du moins jadis la plus célébrée, à savoir qu’il serait un aphrodisiaque. C’est probablement pour cette raison que Zeus en personne, selon Homère, en usa, et même en abusa, au point de tapisser sa couche de pistils de safran. A son exemple, par la suite, les riches Romains parsèmeront de safran les draps des jeunes époux, Et, à en croire le Satiricon, ils s’en serviront à profusion dans leurs banquets. Mais ce sera, à vrai dire, autant pour exciter l’amour qu’en signe de richesse et de prodigalité.
Car le safran n’a pas seulement la couleur de l’or, il en a aussi, ou presque, la valeur. Les stigmates doivent nécessairement être cueillis à la main, suivant le même geste millénaire que l’on peut encore observer sur une fresque du palais de Cnossos, en Crète.
Un détail de la fresque des « Cueilleurs de Safran », sur un mur de l'édifice Xeste 3
source et suite
« Et la fleur de courgette ? » me dira cet excellent ami niçois qui me reprochait déjà de préférer l’huile d’olive des Baux-de-Provence à celle de son comté. J’avoue que je suis sensible à l’interpellation, car il s’agit de l’un des deux plats de légumes que j’envie le plus aux Français. Y a-t-il, en effet, mets plus subtil que ces fleurs jaunes juste lavées à l’eau fraîche, puis trempées dans de la pâte légère avant d’être passées dans la friture ? Le deuxième mets est encore plus merveilleux. Imaginez un potiron entier qui a séjourné au four pendant deux heures, avec, à l’intérieur, posés en couches successives, du pain grillé et aillé, des champignons de Paris, du fromage rapé de Savoie et de la crème fraîche. On a ensuite délicatement mélangé la chair avec les autres ingrédients et laissé le potiron trôner de toute sa majesté au mileu de la table. Eh bien, j’en suis sûr, même si vous êtes insensibles aux contes de fées, vous vous croirez dans la carrosse de Cendrillon.
La cuisine de Ziryâb
À la recherche d’un cadeau de Noël à part pour quelqu’un qui aime la cuisine ?Présentation de l’éditeur
Le nom de Ziryâb, le "merle noir", parti de son Irak natal vers 820 pour s'installer à Cordoue, évoque d'emblée la grâce et l'élégance, mais aussi le perpétuel renouveau. A ce musicien de génie, on attribue la fondation de l'école andalouse et l'invention du luth à cinq cordes. Mais ce poète, qui connaissait par cœur les paroles et les airs de dix mille chansons, s'intéressa tout autant à la géographie et à l'astronomie.
Le gastronome, quant à lui, introduisit en Espagne l'asperge, promut la haute cuisine et réforma les arts de la table. Il créa en outre un véritable institut de beauté où l'on apprenait à se coiffer, se farder, se parfumer et à se vêtir selon les saisons…
En signant du pseudonyme Ziryâb ses chroniques culinaires, parues d'abord dans le magazine Qantara et aujourd'hui réunies en volume, l'auteur a voulu rendre hommage à cet affranchi noir, devenu un arbitre du bon goût au même titre que Pétrone ou Brummel. Les traditions gastronomiques arabes, aussi bien du Proche-Orient que du Maghreb, y sont abordées pour la première fois dans leur ensemble, à travers références savantes, citations littéraires, anecdotes historiques, impressions de voyage et recettes. Toutes choses qui concourent à mettre en évidence le métissage culturel dont l'Islam a été l'agent le plus actif en Méditerranée pendant au moins dix siècles.
Il y a autant de textes littéraires que de recettes et avec les sublimes illustrations d’Odile Alliet, il s’agit d’un mélange judicieux et extraordinaire.
Une première (grande) partie, Eloges, célèbre quatorze fruits et légumes mais aussi le couscous, le riz et le blé concassé.
Farouk Mardam-Bey parle des origines, il emmène le lecteur dans différents pays autour de la Méditerranée, raconte des histoires, d’anciennes légendes… et le tout de façon captivante.
On est bouche bée devant les illustrations et on salive pendant la lecture des recettes… tous les sens sont stimulés avec ce livre.
Une deuxième (plus courte) partie se nomme Carnet de route et on y fait le tour de la plupart des pays de la Méditerranée et il rend hommage aux traditions culinaires. Encore une fois des pages qui donnent faim et font envie de se rendre au marché et après en cuisine
Un abécédaire gourmand clôture ce très, très beau livre.
Je ne vais pas l’égarer trop loin, j’en suis sûre que je veux le reprendre de temps en temps...
Extraits + illustrations
On raconte, en effet, qu’à la saison des aubergines, en plein été, tous les habitants [Istanbul] allumaient des braises aux portes de leurs maisons pour griller leur légume préféré, sans se soucier du vent qui balayait alors la grande métropole.
Ce vent porte encore, jusqu’à nos jours, le nom de patlican meltemi, « vent d’aubergine » !
Le safran est né d’une double blessure. On raconte en effet que le dieu Hermès, un jour qu’il jouait au disque, blessa par mégarde son ami Crocos. Celui-ci mourut aussitôt mais son sang, qui tacherait le sol, se transforma par la volonté d’Hermès en étranges petites fleurs, dotées chacune de trois stigmates. Leur arôme si profond et leur couleur éclatante en feront la plus précieuse des épices.
La même légende veut que la nymphe Smilax, qui aimait Crocos passionnément, fût elle aussi métamorphosée par Hermès en fleur de safran. De cette ultime victoire de l’amour, les deux amants étant désormais réunis pour l’éternité au cœur d’une fleur, provient peut-être la première vertu du safran, du moins jadis la plus célébrée, à savoir qu’il serait un aphrodisiaque. C’est probablement pour cette raison que Zeus en personne, selon Homère, en usa, et même en abusa, au point de tapisser sa couche de pistils de safran. A son exemple, par la suite, les riches Romains parsèmeront de safran les draps des jeunes époux, Et, à en croire le Satiricon, ils s’en serviront à profusion dans leurs banquets. Mais ce sera, à vrai dire, autant pour exciter l’amour qu’en signe de richesse et de prodigalité.
Car le safran n’a pas seulement la couleur de l’or, il en a aussi, ou presque, la valeur. Les stigmates doivent nécessairement être cueillis à la main, suivant le même geste millénaire que l’on peut encore observer sur une fresque du palais de Cnossos, en Crète.
Un détail de la fresque des « Cueilleurs de Safran », sur un mur de l'édifice Xeste 3
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« Et la fleur de courgette ? » me dira cet excellent ami niçois qui me reprochait déjà de préférer l’huile d’olive des Baux-de-Provence à celle de son comté. J’avoue que je suis sensible à l’interpellation, car il s’agit de l’un des deux plats de légumes que j’envie le plus aux Français. Y a-t-il, en effet, mets plus subtil que ces fleurs jaunes juste lavées à l’eau fraîche, puis trempées dans de la pâte légère avant d’être passées dans la friture ? Le deuxième mets est encore plus merveilleux. Imaginez un potiron entier qui a séjourné au four pendant deux heures, avec, à l’intérieur, posés en couches successives, du pain grillé et aillé, des champignons de Paris, du fromage rapé de Savoie et de la crème fraîche. On a ensuite délicatement mélangé la chair avec les autres ingrédients et laissé le potiron trôner de toute sa majesté au mileu de la table. Eh bien, j’en suis sûr, même si vous êtes insensibles aux contes de fées, vous vous croirez dans la carrosse de Cendrillon.
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Re: Farouk Mardam-Bey
Plus généralement, pour les anciens, la fève symbolisait l’embryon, les prémices de la terre, c’est-à-dire le devenir. Au seuil des rites du printemps, mais aussi lors des cérémonies de mariage, on en faisait offrande aux Invisibles, chaque graines représentant l’enfant mâle dont on souhaitait la naissance. Jusqu’à nos jours, la fève qu’on enfuit dans la galette des Rois perpétue en quelque sorte cette tradition. Celui qui la trouve est proclamé roi de la fête de l’Épiphanie et les autres convives lui doivent obéissance. Et ce n’est sans doute pas un hasard si, le plus souvent, on remplace la fève par un minuscule bébé jadis en porcelaine, et aujourd’hui, hélas ! en plastique - figure de l’embryon s’il en est.
extrait de La cuisine de Ziryâb
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