Enis Batur
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Enis Batur
Enis Batur (1952 - )
Source : Wikipédia
Il reçoit une éducation française au lycée Saint-Joseph d'Istanbul, avant de faire des études de lettres en Turquie (Ankara, Istanbul) et en France (Paris, 1970-1973), où il séjournera longuement par la suite et à plusieurs reprises. Durant sa vie, il réside à Eskisehir, Naples, Ankara, Paris et à Istanbul. Bien qu'il soit parfaitement francophone, et malgré son intérêt pour la France, son œuvre gigantesque n'est connue dans le monde francophone que depuis la fin des années 1990.
Poète, essayiste, romancier et éditeur (il dirige les éditions Yapi ve Kredi à Istanbul de 1992 à 2004), il est l'une des figures centrales de la littérature et la vie culturelle turque depuis les années 1980. De son œuvre, abondante qui contient plus des cent titres, sont notamment traduits en français deux romans, La Pomme et Amer savoir (Actes Sud, 2004, 2002), Dense - Journal de Saint-Nazaire (MEET, 2001), un recueil de poèmes, Le Sarcophage des pleureuses (Fata Morgana, 2000) et un essai Ma bibliothèque labyrinthe (Bleu Autour, 2006). Il est l'auteur de commentaires des œuvres de Jules Gervais-Courtellemont reproduite dans Ottomanes (2006). Il a également écrit le préface d'un ouvrage d'Ara Güler intitulé Istanbul des djinns.
À propos de Batur, Alberto Manguel déclare : « Je considère Enis Batur comme mon double. Il ressent, voit, exprime les choses comme je le ferais. Je sais par avance ce qu'il va dire et penser. C'est étrange, non ? »
Entre 1999 et 2003, durant quatre ans, Enis Batur enseigne à l'Université francophone de Galatasaray à Istanbul.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4732
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Re: Enis Batur
D'une bibliothèque l'autre
Un tout petit ouvrage par le nombre de pages, dans lequel Enis Batur évoque son rapport aux livres. A l'objet presque plus qu'aux contenus. Ce qui déclenche en partie cette réflexion, c'est la perte en 1986, dans des conditions qu'il n'explicite pas, de sa bibliothèque. Terrible amputation, qui le fait s'interroger sur comment constituer une bibliothèque, ce qu'est une bibliothèque, la manière dont les livres prennent possession du lecteur et lui dictent leur loi, et aussi ce que le rapport aux livre révèle de chacun. Comment on projette l'autre à partir de ses livres aussi.
Et cette interrogation se fait presque à deux voix, car il y a une préface d'Alberto Manguel, qui lui aussi a écrit sur les livres, et qui considère Enis Batur comme une sorte de double. Et ce dernier lui répond dans une postface. L'activité solitaire, la lecture et la constitution d'une bibliothèque, réelle, imaginaire, idéale, fantasmatique, peut aussi se partager, être lieu et moyen de constituer un lien.
Fascinant pour tout lecteur pour qui les livres sont autre chose qu'une simple distraction.
Un tout petit ouvrage par le nombre de pages, dans lequel Enis Batur évoque son rapport aux livres. A l'objet presque plus qu'aux contenus. Ce qui déclenche en partie cette réflexion, c'est la perte en 1986, dans des conditions qu'il n'explicite pas, de sa bibliothèque. Terrible amputation, qui le fait s'interroger sur comment constituer une bibliothèque, ce qu'est une bibliothèque, la manière dont les livres prennent possession du lecteur et lui dictent leur loi, et aussi ce que le rapport aux livre révèle de chacun. Comment on projette l'autre à partir de ses livres aussi.
Et cette interrogation se fait presque à deux voix, car il y a une préface d'Alberto Manguel, qui lui aussi a écrit sur les livres, et qui considère Enis Batur comme une sorte de double. Et ce dernier lui répond dans une postface. L'activité solitaire, la lecture et la constitution d'une bibliothèque, réelle, imaginaire, idéale, fantasmatique, peut aussi se partager, être lieu et moyen de constituer un lien.
Fascinant pour tout lecteur pour qui les livres sont autre chose qu'une simple distraction.
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Arabella- Messages : 4732
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Re: Enis Batur
J'ai aussi retrouvé des anciens commentaires, que je mets à la suite. Un auteur qui vaut la peine d'être découvert.
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Arabella- Messages : 4732
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Re: Enis Batur
Amer savoir
Des textes, certains à la première personne, d'autres qui utilisent le il. Enis Batur, qui par moments est le narrateur de ce qui lui arrive, se cite par d'autres moments comme une personne parfaitement étrangère, vue de l'extérieur.
Des textes sur les voyages, Lisbonne, Marseille, beaucoup se passent à Paris. Mais dans ces voyages l'auteur rencontre souvent des écrivains qui l'ont précédé, et qui ont écrit sur leurs voyages. Et ces pages font autant partie du voyage que ce que voit le narrateur. Un lieu est aussi forcement construit par les souvenirs des gens qui l'ont traversé ; l'imagination du lieu peut compter autant que la réalité du moment présent.
Et puis aussi il s'agit de parler de l'écriture, qui est aussi un voyage. Et de musique. Enis Batur dit qu'il a conçu ce livre comme Bach L'art de la fugue, les textes se suivent et sont reliés les uns aux autres dans une polyphonie complexe, dans une structure sophistiquée, dont on ne peut percevoir l'architecture tout de suite, si on la perçoit jamais complètement. Un livre sur la réalité intérieure, plus réelle que les événements extérieurs, sur l'imagination, la création. Un voyage aussi bien intérieur qu'extérieur, comme l'est tout véritable voyage. La complexité des sensations, des nostalgies de ce que l'on a pas connu et ce qui est plus consistant que ce que l'on voit devant soi.
Des textes, certains à la première personne, d'autres qui utilisent le il. Enis Batur, qui par moments est le narrateur de ce qui lui arrive, se cite par d'autres moments comme une personne parfaitement étrangère, vue de l'extérieur.
Des textes sur les voyages, Lisbonne, Marseille, beaucoup se passent à Paris. Mais dans ces voyages l'auteur rencontre souvent des écrivains qui l'ont précédé, et qui ont écrit sur leurs voyages. Et ces pages font autant partie du voyage que ce que voit le narrateur. Un lieu est aussi forcement construit par les souvenirs des gens qui l'ont traversé ; l'imagination du lieu peut compter autant que la réalité du moment présent.
Et puis aussi il s'agit de parler de l'écriture, qui est aussi un voyage. Et de musique. Enis Batur dit qu'il a conçu ce livre comme Bach L'art de la fugue, les textes se suivent et sont reliés les uns aux autres dans une polyphonie complexe, dans une structure sophistiquée, dont on ne peut percevoir l'architecture tout de suite, si on la perçoit jamais complètement. Un livre sur la réalité intérieure, plus réelle que les événements extérieurs, sur l'imagination, la création. Un voyage aussi bien intérieur qu'extérieur, comme l'est tout véritable voyage. La complexité des sensations, des nostalgies de ce que l'on a pas connu et ce qui est plus consistant que ce que l'on voit devant soi.
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Arabella- Messages : 4732
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Re: Enis Batur
D'autres chemins
La quatrième de couverture présente ce livre comme "Un voyage en écriture à travers le temps, la littérature, l'art et la poésie". Je trouve que ce n'est pas une mauvaise présentation.
D'autres chemins est composé de trois parties, une centrée sur un voyage à Troyes, pour retrouver un ancien professeur, la deuxième sur un voyage en voiture avec son fils pour aller au chevet de son père malade, enfin la dernière, la plus difficile à définir parle de poésie et de montagne, pour se terminer sur une interrogation sur la mort.
Mais le voyage importe plus que l'arrivée, et les détours et les arrêts prennent infiniment de temps. le livre commence d'ailleurs sur les labyrinthes et il en est un en quelque sorte, on se perd et puis on a l'impression de se retrouver pour se perdre à nouveau. L'auteur nous parle de lui, de son enfance, de sa famille, mais aussi de littérature, de musique, d'histoire, de tout ce qui aura été important pour lui. Rien d'indiscret ni d'exhibitionniste, il reste en fin de compte très discret sur lui-même, mais parle des choses importantes pour chacun, la séparation avec les parents, les éléments qui font que l'on devient ce que l'on est, et aussi la façon dont on s'approche de la mort inéluctable, en vivant d'abord celle de nos proches.
Homme de grande culture, double culture, occidentale et turque, il parle merveilleusement bien des artistes qu'il aime, et qui d'une certaine façon lui sont aussi proches que des membres de sa famille. le livre passe d'un sujet à un autre, d'une thème à un autre, tel impression ou souvenirs en évoque d'autres. Cela empêche trop de pathos, trop d'émotion, lorsque l'auteur est trop près de s'émouvoir sur lui, où de dire une intense souffrance, il préfère nous parler d'un poète, d'un lieu qu'il a vu, où d'autre chose encore. C'est très sensible mais en même temps très pudique, l'émotion retenue est finalement plus émouvante que le trop plein de larmes.
L'écriture m'a énormément séduite, phrases longues, avec un vocabulaire très riche, mais en même temps d'une très grande précision, comme découpée au scalpel, oscillant entre l'expressivité et la retenue.
La quatrième de couverture présente ce livre comme "Un voyage en écriture à travers le temps, la littérature, l'art et la poésie". Je trouve que ce n'est pas une mauvaise présentation.
D'autres chemins est composé de trois parties, une centrée sur un voyage à Troyes, pour retrouver un ancien professeur, la deuxième sur un voyage en voiture avec son fils pour aller au chevet de son père malade, enfin la dernière, la plus difficile à définir parle de poésie et de montagne, pour se terminer sur une interrogation sur la mort.
Mais le voyage importe plus que l'arrivée, et les détours et les arrêts prennent infiniment de temps. le livre commence d'ailleurs sur les labyrinthes et il en est un en quelque sorte, on se perd et puis on a l'impression de se retrouver pour se perdre à nouveau. L'auteur nous parle de lui, de son enfance, de sa famille, mais aussi de littérature, de musique, d'histoire, de tout ce qui aura été important pour lui. Rien d'indiscret ni d'exhibitionniste, il reste en fin de compte très discret sur lui-même, mais parle des choses importantes pour chacun, la séparation avec les parents, les éléments qui font que l'on devient ce que l'on est, et aussi la façon dont on s'approche de la mort inéluctable, en vivant d'abord celle de nos proches.
Homme de grande culture, double culture, occidentale et turque, il parle merveilleusement bien des artistes qu'il aime, et qui d'une certaine façon lui sont aussi proches que des membres de sa famille. le livre passe d'un sujet à un autre, d'une thème à un autre, tel impression ou souvenirs en évoque d'autres. Cela empêche trop de pathos, trop d'émotion, lorsque l'auteur est trop près de s'émouvoir sur lui, où de dire une intense souffrance, il préfère nous parler d'un poète, d'un lieu qu'il a vu, où d'autre chose encore. C'est très sensible mais en même temps très pudique, l'émotion retenue est finalement plus émouvante que le trop plein de larmes.
L'écriture m'a énormément séduite, phrases longues, avec un vocabulaire très riche, mais en même temps d'une très grande précision, comme découpée au scalpel, oscillant entre l'expressivité et la retenue.
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Re: Enis Batur
Simple silence
Après avoir interrogé son rapport aux bibliothèques dans « D’une bibliothèque à l’autre », dans son dernier opus, paru en 2015 en Turquie et cette année en France, avec les photos de Luc Baptiste, Enis Batur s’interroge sur le rapport de l’auteur avec son lecteur. Paraphrasant Italo Calvino, son livre débute ainsi :
« Si par un matin d’hiver un voyageur monté au bref arrêt du train dans une gare de campagne d’un pays lointain vient s’asseoir sur le siège inoccupé en face de toi puis sort de sa sacoche et se met à lire un livre que tu as écrit bien des années auparavant, ne soit pas surpris : cette scène, un auteur l’avait déjà imaginée pour toi. »
L’écrivain à qui arrive cette mésaventure reste un mystère : Enis Batur le traite comme un autre que lui-même,, il lui parle, met en exergue leurs différences. Le voyageur reste aussi une énigme : il prend différents visages, et au final sa silhouette reste floue. C’est en quelque sorte le Lecteur, générique et mystérieux, que l’auteur imagine, fantasme. Comme le lecteur peut rêver, imaginer, fantasmer l’Auteur. Et ce qui complexifie les choses, c’est que l’Auteur est aussi Lecteur à ses heures, et qu’il pourrait d’une manière interchangeable, être des deux côtés du wagon, des deux côtés du livre.
Alors que faire dans cette situation ? Se présenter ? Aborder le Lecteur l’air de rien, pour le connaître, et comprendre son rapport au livre ? Ne rien faire ? Y-a-t-il une bonne attitude ? Quel est ce lien mystérieux qui se tisse entre celui qui écrit, qui donne à lire, et celui qui va lire, ce lien qui existe même si les deux ne se rencontrent jamais, ne savent rien l’un de l’autre en dehors du livre qui les réunit ?
C’est à la fois drôle, plein d’esprit, et bien plus essentiel que l’aspect ludique apparent pourrait le laisser penser.
Après avoir interrogé son rapport aux bibliothèques dans « D’une bibliothèque à l’autre », dans son dernier opus, paru en 2015 en Turquie et cette année en France, avec les photos de Luc Baptiste, Enis Batur s’interroge sur le rapport de l’auteur avec son lecteur. Paraphrasant Italo Calvino, son livre débute ainsi :
« Si par un matin d’hiver un voyageur monté au bref arrêt du train dans une gare de campagne d’un pays lointain vient s’asseoir sur le siège inoccupé en face de toi puis sort de sa sacoche et se met à lire un livre que tu as écrit bien des années auparavant, ne soit pas surpris : cette scène, un auteur l’avait déjà imaginée pour toi. »
L’écrivain à qui arrive cette mésaventure reste un mystère : Enis Batur le traite comme un autre que lui-même,, il lui parle, met en exergue leurs différences. Le voyageur reste aussi une énigme : il prend différents visages, et au final sa silhouette reste floue. C’est en quelque sorte le Lecteur, générique et mystérieux, que l’auteur imagine, fantasme. Comme le lecteur peut rêver, imaginer, fantasmer l’Auteur. Et ce qui complexifie les choses, c’est que l’Auteur est aussi Lecteur à ses heures, et qu’il pourrait d’une manière interchangeable, être des deux côtés du wagon, des deux côtés du livre.
Alors que faire dans cette situation ? Se présenter ? Aborder le Lecteur l’air de rien, pour le connaître, et comprendre son rapport au livre ? Ne rien faire ? Y-a-t-il une bonne attitude ? Quel est ce lien mystérieux qui se tisse entre celui qui écrit, qui donne à lire, et celui qui va lire, ce lien qui existe même si les deux ne se rencontrent jamais, ne savent rien l’un de l’autre en dehors du livre qui les réunit ?
C’est à la fois drôle, plein d’esprit, et bien plus essentiel que l’aspect ludique apparent pourrait le laisser penser.
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