La promesse de l'aube- Romain Gary- COMMENTAIRES de la LC

Luciole a écrit:J'aime cette lecture où il y a des réflexions philosophiques sur l'existence même de tout un chacun. (L'épisode de la dernière balle, je l'apprécie beaucoup).

Comme toi @Luciole, j'apprécie beaucoup et ne m'embête vraiment pas. Même s'il y a les répétitions dont parle @Epi, elles sont posées là, un peu comme dans un journal de bord, j'ai l'impression. Et cette façon de tourner tout en dérision m'enchante!

Epi a écrit:Mais très vite je n’ai plus du tout trouvé attendrissant cette mère qui met la pression sur son fils dès son plus jeune âge et qui du coup le culpabilise (inconsciemment sûrement) de ne pas être à la hauteur. Sa mère a décidé pour lui de sa vie entière, c’est de l’amour qui étouffe la personnalité de son fils

C'est clair que sa mère l'étouffe et l'empêche de vivre, il s'en explique lors de l'arrivée de ce Mr Zaremba. Ce dernier tente un rapprochement avec sa mère, et c 'est par Romain qu'il passe pour la demande en mariage (scène très drôle, encore) On voit clairement que cet surcharge d'amour lui pèse, l'écrase même. Il avoue en être prisonnier et cherche à  prendre de l'air

 J'avais mille fois le droit de me rebeller et de lutter pour mon indépendance mais je ne savais plus très bien où finissait la légitime défense et où commençait la dureté.

Et de conclure.

Il n'y a pas d'évasion pour moi. Je reste prisonnier d'un souvenir. D'une introuvable féminité.

Tout est dit. Etre l'objet, sans l'avoir voulu, de cette admiration sans bornes qu'il  peine forcément à satisfaire, ne pouvait que le rendre insatisfait et tristement désillusionné face à la vie qui l'attendait

Me voir constamment dans un regard passionné et éperdu commre unique, incomparable, doué de toutes les qualités et promis à la voie triomphale ne faisait qu'accentuer mes frustrations et la conscience déjà fort lucide et douloureuse que j'avais du gouffre entre cette image de grandeur et ma piètre réalité.

On comprend dès lors qu'écrire est son seul salut. "une feinte pour tenter d'échapper à l'intolérable", mais tout ceci est profondément triste et désespéré.

Dans cette 2eme partie, alors que la mère se lance dans l'immobilier et devient courtière en trouvant un riche acheteur pour cet immeuble transformé en hotel dont elle est la gérante, (Le Mermont) Romain se réfugie dans l'écriture. Elle lui offre même une robe de chambre comme Balzac :-)

Attaqué par le réel sur tous les fronts, refoulé de toutes parts, me heurtant partout à mes limites, je pris l'habitude de me réfugier dans un monde imaginaire et à y vivre, à travers les personnages que j'inventais, une vie pleine de sens, de justice et de compassion.

Il découvre instinctivement l'humour pour désamorcer le réel et s'en explique très bien

Je lui dois mes seuls instants véritables de triomphe sur l'adversité. [..]Personne n'est jamais parvenu à m'arracher cette arme, et je la retourne d'autant plus volontiers contre moi même, qu'à travers le je et le moi c'est à notre condition profonde que j'en ai. L'humour est une déclaration de dignité. une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive. 

Je crois que c'est ce qui donne la force à tout le reste.

Ensuite viennent les différents boulots, et tout en continuant ses études, il rencontre une jolie suédoise: Brigitte. Là je lui dois de vrais éclats de rire. Moments truculents entre la découverte de la tromperie, son incompréhension totale face à  la tournure des évènements, puis le voyage en Suède pour la récupérer où il se retrouve pris en mains par la mère de sa dulcinée mariée. Surgissent les premiers symptômes de cette guerre qui pointe le nez, c'est là que sa mère a cette idée lumineuse: il faut qu'il tue Hitler. (Il manque d'entrain) Pliée de rire!

J'entame la fin, la 3eme partie

Aeriale a écrit:Comme toi @Luciole, j'apprécie beaucoup et ne m'embête vraiment pas. Même s'il y a les répétitions dont parle @Epi, elles sont posées là, un peu comme dans un journal de bord, j'ai l'impression.

Sans doute mais il a un peu forcé sur le procédé, ce qui est agaçant à la longue et surtout inutile.

Aeriale a écrit:On voit clairement que cet surcharge d'amour lui pèse, l'écrase même. Il avoue en être prisonnier et cherche à  prendre de l'air

 J'avais mille fois le droit de me rebeller et de lutter pour mon indépendance mais je ne savais plus très bien où finissait la légitime défense et où commençait la dureté.

Et de conclure.

Il n'y a pas d'évasion pour moi. Je reste prisonnier d'un souvenir. D'une introuvable féminité.

J'ai noté aussi ce passage qui montre bien combien l'amour dévorant de sa mère l'a indisposé, non seulement toute son enfance mais encore dans sa vie d'adulte. Il est très lucide mais reste impuissant malgré ses tentatives de détourner cette affection, au moins en partie, vers un autre homme.

Pareil qu'Epi bien que je n'en sois qu'à la 2ème partie, celle ou la mini famille débarque et s'installe à Nice.

Et franchement je me régale, pas un chapitre où je ne me marre devant tant d'ingéniosité et de folie douce de cette mère à qui on peut tout reprocher sauf celui d'aimer son fils plus que tout.

D'ailleurs malgré leurs difficultés financières, celle-ci n'oubliera jamais d'amener le chocolat chaud et les tartines beurrées à Romain pendant ses récréations, c'est touchant car tellement réaliste.
Elle veille à ce qu'il n'ait jamais froid ni faim, et pourtant c'est quand même un peu la galère par moments.

J'ai adoré l'épisode du club Impérial de tennis de Nice où la mère, par l'intermédiaire du Roi de Suède qui se trouve là, réussira à faire admettre son fils dans le cercle des adhérents sans payer la cotisation. Et ceci n'est pas dû à la performance du gamin sur le terrain qui, au lieu de frapper dans la balle, n'a fait que plongeons, sauts, danses diverses qui n'avaient rien à voir avec le tennis.
Cet épisode est hilarant.

Je continue cette lecture avec joie.

J'en suis à la troisième partie, aux alentours de l'armistice de la seconde guerre mondiale.
J'aime moins les descriptions de la stratégie militaire...

Moi aussi, au début, Luciole. La légèreté bienvenue qui permettait de ne pas étouffer dans ce thème finalement assez lourd, n'est plus là, et cela donne un autre ton, plus grave.

Mais il y a moins de répétitions pour Epi, on rentre vraiment dans les heures sombres de l'histoire, ce qui rajoute du poids à ses dires. Il m'a beaucoup touchée dans la toute fin. Je développerai quand vous en parlerez :-)

En fait, j'ai dépassé, Aériale, le moment que j'aimais moins. 
La lecture me redevient agréable, même si les mémoires de ces périodes sont sombres, c'est poignant et somme toute très intéressant au titre de l'Histoire.

Il ne me reste plus qu'une petite 50aine de pages.

J'en suis à la troisième partie, entrée dans la guerre, et j'aime toujours autant.

Ce n'est pas sans émotion que je viens de le terminer ...

A qui le dis tu! J'ai eu du mal à lire quelque chose après ça!

(Faut dire que le Amélie Nothomb était particulièrement creux)

Adoré, sans concessions. Ses personnages m'habitent encore.

3eme partie. Fin

Changement de ton, Gary aborde les années de guerre où il s'évade de France, rejoint les Forces Libres en Angleterre, sert en Afrique, puis sera nommé capitaine et décoré avant d'entamer une carrière diplomatique. Durant toutes ces années, les lettres de sa mère l'auront soutenu jusque dans les pires moment, lui donnant la force de combattre. Mais c'est seulement à la fin de la guerre qu'il apprendra la supercherie (elles étaient pré-écrites) et la mort de sa mère, 3 ans auparavant.

Une fin qui peut paraître bien cruelle pour cet homme qui n'aura cessé de lutter pour offrir à cette dernière la promesse qu'il lui avait faite, enfant. Devenir quelqu'un, transcender sa vie, "défier les dieux de la bêtise et de la médiocrité". Il n'aura pas réussi sur tous les plans, n'aura pas pu lutter comme il le voulait face à l'ennemi, aura juste oeuvré dans le bombardement ("Notre métier n'était pas très spectaculaire") et frôlé la mort, mais aura fait de son mieux

Je n'allais pas signer mon nom au bas de l'acte que les dieux me tendaient, un acte d'insignifiance, d'inexistence, et d'absurdité. Je ne pouvais pas manqué à ce point de talent.

"J'ai vécu". Ce sont ses derniers mots. Un constat dépourvu d'amertume, simplement le regard d'un homme porté par un idéal, en même temps que  conscient de ses limites, et refusant le désespoir. Quelqu'un de finalement très humble face à la destinée.

Je ne tire de ma vie aucune leçon, aucune résignation, je n'ai renoncé qu'à moi même et il n'y a vraiment pas grand mal à ça.

C'est ce qu'il nous dit dans ce texte daté de 1960, et cela résonne de façon étrange, tristement sombre, quand on sait qu'il mit fin à ses jours en 1980 à Paris en se tirant une balle dans la tête.

Très hâte de lire d'autres livres de lui. Ce texte m'a vraiment marquée...

3ème partie et fin.

On entre dans la période adulte, c'est la guerre, et évidemment la mère du héros nourrit une fois de plus de grandes ambitions pour son fils.

Bien sûr, rien ne se réalisera comme il l'aurait souhaité pour sa mère, ne faisant véritablement la guerre qu'épisodiquement, passant d'une contrée à l'autre avec beaucoup de moments d'oisiveté et de frustration par rapport aux événements.

La permanence dans ce récit, c'est la présence (même imaginaire ) de la mère qui le tient debout, entre accidents, maladies, désoeuvrement.

Plus que le héros, je retiens l'image de la mère, envahissante certes, mais courageuse, déterminée, excessive, mais attachante en dépit de ces excès.

J'ai pour ma part préféré la période de l'enfance, l'épisode polonais m'a vraiment plu, et la suite à Nice également, c'est plein de vie.

Une lecture qui ne m'a jamais ennuyée, on sent bien que le héros bluffe un peu par moments, mais ce n'est pas grave, il y a de bonnes intentions et finalement beaucoup d'humanité dans cette relation mère-fils. J'ai lu "Une éducation européenne" mais je préfère de loin celui-ci, avec son humour désenchanté et son optimisme à toute épreuve.

Merci à Aeriale pour l'idée de la LC, c'était un très bon moment de lecture.

darkanny a écrit:J'ai pour ma part préféré la période de l'enfance, l'épisode polonais m'a vraiment plu, et la suite à Nice également, c'est plein de vie.

Une lecture qui ne m'a jamais ennuyée, on sent bien que le héros bluffe un peu par moments, mais ce n'est pas grave, il y a de bonnes intentions et finalement beaucoup d'humanité dans cette relation mère-fils. J'ai lu "Une éducation européenne" mais je préfère de loin celui-ci, avec son humour désenchanté et son optimisme à toute épreuve.

Merci à Aeriale pour l'idée de la LC, c'était un très bon moment de lecture.

Moi aussi, j'ai préféré les deux premières parties! Et nos avis se rejoignent Darkanny...

Je suis très sensible à cet humour, ici plus que jamais politesse du désespoir!

Je ne suis pas sûre de l'avoir initiée, mais je suis ravie de l'avoir partagée avec vous

Sortie prochaine d'un nouveau film : La Promesse de l'aube. Je viens de voir sur Wikipédia :

La Promesse de l'aube est un film dramatique biographique franco-belge coécrit et réalisé par Éric Barbier, dont la sortie est prévue en 2017. Il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de Romain Gary (1960) et du film éponyme de Jules Dassin (1970), avec :
Pierre Niney : Romain Gary
Charlotte Gainsbourg : Mina Owczynska, la mère de Romain Gary
Nemo Schiffman : Romain, jeune