Pierre Corneille
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Pierre Corneille
Pierre Corneille ( 1606 - 1684)

Source : Wikipédia
Pierre Corneille, aussi appelé « le Grand Corneille » ou « Corneille l'aîné », né le 6 juin 1606 à Rouen et mort le 1er octobre 1684 à Paris (paroisse Saint-Roch), est un dramaturge et poète français du XVIIe siècle.
Issu d'une famille de la bourgeoisie de robe, Pierre Corneille, après des études de droit, occupa des offices d'avocat à Rouen tout en se tournant vers la littérature, comme bon nombre de diplômés en droit de son temps. Il écrivit d'abord des comédies comme Mélite, La Place royale, L'Illusion comique, et des tragi-comédies Clitandre (vers 1630) et en 1637, Le Cid, qui fut un triomphe, malgré les critiques de ses rivaux et des théoriciens. Il avait aussi donné dès 1634-35 une tragédie mythologique (Médée), mais ce n'est qu'en 1640 qu'il se lança dans la voie de la tragédie historique — il fut le dernier des poètes dramatiques de sa génération à le faire —, donnant ainsi ce que la postérité considéra comme ses chefs-d’œuvre : Horace, Cinna, Polyeucte, Rodogune, Héraclius et Nicomède.
Déçu par l'accueil rencontré par Pertharite (1652, pendant les troubles de la Fronde), au moment où le début de sa traduction de L'Imitation de Jésus-Christ connaissait un extraordinaire succès de librairie, il décida de renoncer à l'écriture théâtrale et acheva progressivement la traduction de L'Imitation. Plusieurs de ses confrères, constatant à leur tour que la Fronde avait occasionné un rejet de la tragédie historique et politique, renoncèrent de même à écrire des tragédies ou se concentrèrent sur le genre de la comédie. Tenté dès 1656 de revenir au théâtre par le biais d'une tragédie à grand spectacle que lui avait commandée un noble normand (La Conquête de la Toison d'or, créée à Paris six ans plus tard fut l'un des plus grands succès du siècle), occupé les années suivantes à corriger tout son théâtre pour en publier une nouvelle édition accompagnée de discours critiques et théoriques, il céda facilement en 1658 à l'invitation du surintendant Nicolas Fouquet et revint au théâtre au début de 1659 en proposant une réécriture du sujet-phare de la tragédie, Œdipe. Cette pièce fut très bien accueillie et Corneille enchaîna ensuite les succès durant quelques années, mais la faveur grandissante des tragédies où dominait l'expression du sentiment amoureux (de Quinault, de son propre frère Thomas, et enfin de Jean Racine) relégua ses créations au second plan. Il cessa d'écrire après le succès mitigé de Suréna en 1674. La tradition biographique des XVIIIe et XIXe siècles a imaginé un Corneille confronté à des difficultés matérielles durant ses dernières années, mais tous les travaux de la deuxième moitié du XXe siècle révèlent qu'il n'en a rien été et que Corneille a achevé sa vie dans une confortable aisance.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4646
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Pierre Corneille
Cinna
Le sous-titre précise "La clémence d'Auguste". Cette pièce a été créée en 1641, elle est une des premières tragédies de Corneille, qui a débuté sa carrière au théâtre par des comédies qui ont connues un grand succès. Le triomphe du Cid a valu à l'auteur de nombreuses attaques, et il tente dans ses tragédies suivantes de respecter les fameuses règles que l'époque impose aux pièces tragiques. Jamais avec un succès complet, il a toujours tendance à faire un pas de côté.
Nous sommes donc au temps où Auguste est empereur. Cinna, petit fils de Pompée complote contre lui, non pas tant au final par haine ou conviction politique, que par amour pour Emilie, fille d'un proscrit d'Auguste, qui réclame à tout prix la vengeance. Le complot est découvert à temps, car Maxime, un autre conjuré, également amoureux d'Emilie, fait dénoncer Cinna. Mais Auguste pardonne à tout le monde.
La pièce est avant tout une réflexion sur le pouvoir, la politique. Le meilleur gouvernement n'est-il pas celui qui permet au plus grand nombre de gens de vivre en paix ? Et la clémence n'est-elle pas plus efficace que la terreur pour gouverner ? Les questionnements de la pièce, même si celle-ci se déroule dans la Rome antique ont des résonances avec la situation politique de l'époque de Corneille, où la pouvoir fort incarné par Richelieu plus que par Louis XIII suscite des oppositions et complots de la noblesse, qui culmineront quelques années plus tard dans La Fronde. La tragédie historique peut donc permettre de poser des questionnements liés à l'actualité, à réfléchir sur le monde en train de se faire. Auguste a donc finalement un côté générique, abstrait, c'est le souverain, le détenteur du pouvoir plus qu'un personnage réel. Et le pouvoir ne rend pas heureux dans Cinna, il est plutôt un fardeau. La clémence peut permettre de l'alléger. Et même si Corneille semble un défenseur d'un pouvoir fort, le seul qui semble permettre la paix civile, une certaine mansuétude et bienveillance pour les sujets semble être la condition incontournable de ce dernier s'il veut être durable. Une sorte de contrat social avant la lettre : accorder les pleins pouvoirs, à conditions que les bénéficiaires en usent avec discernement et sans abus, voire avec bienveillance.
Auguste est donc le personnage central, les autres, y compris Cinna dont la pièce porte pourtant le nom, ne sont que des éléments d'une démonstration, sans beaucoup de relief, ni de vraisemblance psychologique. L'histoire d'amour est assez plaquée et conventionnelle. Mais c'est inévitable, cela découle des partis pris de l'auteur, et n'est pas vraiment gênant si on adhère à la conception d'ensemble de la pièce, qui n'est pas sentimentale.
Le sous-titre précise "La clémence d'Auguste". Cette pièce a été créée en 1641, elle est une des premières tragédies de Corneille, qui a débuté sa carrière au théâtre par des comédies qui ont connues un grand succès. Le triomphe du Cid a valu à l'auteur de nombreuses attaques, et il tente dans ses tragédies suivantes de respecter les fameuses règles que l'époque impose aux pièces tragiques. Jamais avec un succès complet, il a toujours tendance à faire un pas de côté.
Nous sommes donc au temps où Auguste est empereur. Cinna, petit fils de Pompée complote contre lui, non pas tant au final par haine ou conviction politique, que par amour pour Emilie, fille d'un proscrit d'Auguste, qui réclame à tout prix la vengeance. Le complot est découvert à temps, car Maxime, un autre conjuré, également amoureux d'Emilie, fait dénoncer Cinna. Mais Auguste pardonne à tout le monde.
La pièce est avant tout une réflexion sur le pouvoir, la politique. Le meilleur gouvernement n'est-il pas celui qui permet au plus grand nombre de gens de vivre en paix ? Et la clémence n'est-elle pas plus efficace que la terreur pour gouverner ? Les questionnements de la pièce, même si celle-ci se déroule dans la Rome antique ont des résonances avec la situation politique de l'époque de Corneille, où la pouvoir fort incarné par Richelieu plus que par Louis XIII suscite des oppositions et complots de la noblesse, qui culmineront quelques années plus tard dans La Fronde. La tragédie historique peut donc permettre de poser des questionnements liés à l'actualité, à réfléchir sur le monde en train de se faire. Auguste a donc finalement un côté générique, abstrait, c'est le souverain, le détenteur du pouvoir plus qu'un personnage réel. Et le pouvoir ne rend pas heureux dans Cinna, il est plutôt un fardeau. La clémence peut permettre de l'alléger. Et même si Corneille semble un défenseur d'un pouvoir fort, le seul qui semble permettre la paix civile, une certaine mansuétude et bienveillance pour les sujets semble être la condition incontournable de ce dernier s'il veut être durable. Une sorte de contrat social avant la lettre : accorder les pleins pouvoirs, à conditions que les bénéficiaires en usent avec discernement et sans abus, voire avec bienveillance.
Auguste est donc le personnage central, les autres, y compris Cinna dont la pièce porte pourtant le nom, ne sont que des éléments d'une démonstration, sans beaucoup de relief, ni de vraisemblance psychologique. L'histoire d'amour est assez plaquée et conventionnelle. Mais c'est inévitable, cela découle des partis pris de l'auteur, et n'est pas vraiment gênant si on adhère à la conception d'ensemble de la pièce, qui n'est pas sentimentale.
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
Le Cid
Sans doute la pièce la plus célèbre de son auteur, et pour différentes raisons. La première version, a été créée sur la scène du théâtre du Marais en 1637, sous le titre de tragi-comédie. Corneille pour l'écrire, s'est inspiré de Guillén de Castro, auteur espagnol, qui écrivit Las Mocedades del Cid, c'est-à-dire « Les enfances du Cid », pièce héroïque en trois journées, donc beaucoup plus longue que la pièce de Corneille, qui a dû beaucoup concentrer l'action de cette véritable épopée pour en tirer son Cid. La pièce étant à l'origine une tragi-comédie, Corneille n'avait en aucun cas l'obligation de respecter les fameuses règles des unités, en particulier, celle de faire tenir son action en 24h. Mais il a choisi de le faire. Ce qui entraîne une concentration de l'action peu vraisemblable, la querelle entre les deux pères, le duel, les échanges avec Chimène, puis une grande bataille avec les Maures, puis le récit fait au roi, un deuxième duel, un jugement royal....tout cela en 24 heures, même pour un super héros, fait manifestement trop.
C'est une des choses qui seront reprochées à Corneille. En plus du sujet (une fille qui épouse l'assassin de son père) dont on a dit « qu'il ne valait rien », et du personnage de Chymère, jugé contraire à la bienséance, car elle est au début une fille aimante et obéissante, et par la suite se conduit comme une amante, qui aime Rodrigue malgré son crime. La toute nouvelle Académie française prononça un jugement dans ce sens, terminant la fameuse « Querelle du Cid ». Corneille, touché au vif, va relire Aristote, et produire un ensemble de textes théoriques sur le théâtre, qui va faire émerger une nouvelle conception de la tragédie. Ses adversaires vont finir par abandonner le théâtre, et sa conception de tragédie renouvelée va triompher, au point que lorsqu'il publie une nouvelle version du Cid très légèrement retouchée, il l'appellera tragédie, et non plus tragi-comédie, genre qu'il a fortement contribué à rendre démodé.
Au-delà de toutes ces querelles sur les règles, sur ce que doit être une tragédie, ou une tragi-comédie, qui peuvent nous paraître aujourd'hui des querelles byzantines, il reste un texte, une histoire, des vers, dont certains sont restés dans le répertoire des citations courantes, que presque tout le monde connaît :
« Rodrigue, as-tu du coeur»
« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?»
Une histoire, sans doute invraisemblable, mais quelle importance, car elle est passionnante. Et le personnage de Chimène est d'autant plus intéressant qu'il est complexe, qu'elle est partagée entre deux, entre le fait d'être une fille et une amoureuse passionnée. Corneille par une sorte d'intuition, qu'il mettra des années à justifier sur un plan théorique, a écrit une pièce qui satisfaisait l'intérêt du spectateur de l'époque, comme elle intéresse toujours celui 'aujourd'hui.
Sans doute la pièce la plus célèbre de son auteur, et pour différentes raisons. La première version, a été créée sur la scène du théâtre du Marais en 1637, sous le titre de tragi-comédie. Corneille pour l'écrire, s'est inspiré de Guillén de Castro, auteur espagnol, qui écrivit Las Mocedades del Cid, c'est-à-dire « Les enfances du Cid », pièce héroïque en trois journées, donc beaucoup plus longue que la pièce de Corneille, qui a dû beaucoup concentrer l'action de cette véritable épopée pour en tirer son Cid. La pièce étant à l'origine une tragi-comédie, Corneille n'avait en aucun cas l'obligation de respecter les fameuses règles des unités, en particulier, celle de faire tenir son action en 24h. Mais il a choisi de le faire. Ce qui entraîne une concentration de l'action peu vraisemblable, la querelle entre les deux pères, le duel, les échanges avec Chimène, puis une grande bataille avec les Maures, puis le récit fait au roi, un deuxième duel, un jugement royal....tout cela en 24 heures, même pour un super héros, fait manifestement trop.
C'est une des choses qui seront reprochées à Corneille. En plus du sujet (une fille qui épouse l'assassin de son père) dont on a dit « qu'il ne valait rien », et du personnage de Chymère, jugé contraire à la bienséance, car elle est au début une fille aimante et obéissante, et par la suite se conduit comme une amante, qui aime Rodrigue malgré son crime. La toute nouvelle Académie française prononça un jugement dans ce sens, terminant la fameuse « Querelle du Cid ». Corneille, touché au vif, va relire Aristote, et produire un ensemble de textes théoriques sur le théâtre, qui va faire émerger une nouvelle conception de la tragédie. Ses adversaires vont finir par abandonner le théâtre, et sa conception de tragédie renouvelée va triompher, au point que lorsqu'il publie une nouvelle version du Cid très légèrement retouchée, il l'appellera tragédie, et non plus tragi-comédie, genre qu'il a fortement contribué à rendre démodé.
Au-delà de toutes ces querelles sur les règles, sur ce que doit être une tragédie, ou une tragi-comédie, qui peuvent nous paraître aujourd'hui des querelles byzantines, il reste un texte, une histoire, des vers, dont certains sont restés dans le répertoire des citations courantes, que presque tout le monde connaît :
« Rodrigue, as-tu du coeur»
« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?»
Une histoire, sans doute invraisemblable, mais quelle importance, car elle est passionnante. Et le personnage de Chimène est d'autant plus intéressant qu'il est complexe, qu'elle est partagée entre deux, entre le fait d'être une fille et une amoureuse passionnée. Corneille par une sorte d'intuition, qu'il mettra des années à justifier sur un plan théorique, a écrit une pièce qui satisfaisait l'intérêt du spectateur de l'époque, comme elle intéresse toujours celui 'aujourd'hui.
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
Suréna
La dernière pièce de Corneille, jouée en 1674, éditée en 1675, son échec pousse Corneille au silence, sa façon de concevoir le théâtre étant jugée maintenant par le public, dépassée, surclassée par celle de son ancien rival Racine, qui triomphe désormais.
Nous sommes dans les schémas bien connu chez Corneille, dans lesquels un intérêt politique s'oppose à l'amour. Suréna, grand général, celui qui a su vaincre les Romains, aime une princesse arménienne, promise au fils de roi des Parthes, qu'il sert. Amour impossible, d'autant plus que le roi des Parthes pour s'assurer de sa fidélité veut lui faire épouser sa propre fille. Mais son «amante» (pour user du vocabulaire de l'époque) refuse qu'il épouse cette dernière. N'importe qui d'autre mais pas cette princesse. Le roi presse Suréna, et s'inquiète de son refus, doute de sa fidélité.
Ce n'est sans doute pas la pièce de Corneille la plus réussie, Suréna semble vraiment trop soumis à la capricieuse princesse arménienne, qui elle manque vraiment de générosité, n'est pas attachante. Le roi parthe est un vrai despote, qui agit au final contre ses propres intérêts, Suréna n'envisageant jamais la rébellion ni l'insoumission, sauf pour dire non au mariage royal. Mais cela reste une belle pièce, avec de beaux morceaux, et avec une sorte de refus de la facilité, de céder aux modes de l'époque, l'envie de garder sa propre voie, même si elle n'est plus empruntée par le plus grand nombre.
J'aime énormément Corneille, son sens de la formule, ses constructions quasi mathématiques, son sens du suspens, et même si c'est moins parfait dans cette dernière pièce, cela reste délectable. Dommage de ne pas pouvoir la voir jouer.
La dernière pièce de Corneille, jouée en 1674, éditée en 1675, son échec pousse Corneille au silence, sa façon de concevoir le théâtre étant jugée maintenant par le public, dépassée, surclassée par celle de son ancien rival Racine, qui triomphe désormais.
Nous sommes dans les schémas bien connu chez Corneille, dans lesquels un intérêt politique s'oppose à l'amour. Suréna, grand général, celui qui a su vaincre les Romains, aime une princesse arménienne, promise au fils de roi des Parthes, qu'il sert. Amour impossible, d'autant plus que le roi des Parthes pour s'assurer de sa fidélité veut lui faire épouser sa propre fille. Mais son «amante» (pour user du vocabulaire de l'époque) refuse qu'il épouse cette dernière. N'importe qui d'autre mais pas cette princesse. Le roi presse Suréna, et s'inquiète de son refus, doute de sa fidélité.
Ce n'est sans doute pas la pièce de Corneille la plus réussie, Suréna semble vraiment trop soumis à la capricieuse princesse arménienne, qui elle manque vraiment de générosité, n'est pas attachante. Le roi parthe est un vrai despote, qui agit au final contre ses propres intérêts, Suréna n'envisageant jamais la rébellion ni l'insoumission, sauf pour dire non au mariage royal. Mais cela reste une belle pièce, avec de beaux morceaux, et avec une sorte de refus de la facilité, de céder aux modes de l'époque, l'envie de garder sa propre voie, même si elle n'est plus empruntée par le plus grand nombre.
J'aime énormément Corneille, son sens de la formule, ses constructions quasi mathématiques, son sens du suspens, et même si c'est moins parfait dans cette dernière pièce, cela reste délectable. Dommage de ne pas pouvoir la voir jouer.
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
L'illusion comique
Corneille a commencé sa carrière au théâtre par les comédies, qui ont connu en leur temps un grand succès. La seule que l'on continue à jouer encore maintenant assez régulièrement, est cette Illusion comique, pourtant atypique parmi les comédies de l'auteur.
Corneille a été un grand inventeur de formes, le théâtre français à son époque se cherche énormément. Après le modèle antique, mis à l'honneur par le XVIe siècle, l'imitation des pièces italiennes, vient celle des espagnoles. Corneille met en scène une comédie citadine, que l'on pourrait appeler une comédie de mœurs, qui remplace un comique outré par un comique plus délicat, censé utiliser le langage véritablement pratiqué de son temps, « l'enjouement » remplaçant le gros rire, et les scènes se passent dans un décor connu de tous, comme le montre les titres de certaines de ces pièces évoquant des lieux parisens « La place Royale » « La galerie du palais ».
L'illusion comique, assez unique dans l'oeuvre de l'auteur, est bien plus originale. Un père qui a chassé son fils désobéissant regrette maintenant son geste et voudrait le réparer. Un magicien promet de lui montrer, grâce à sa magie, les aventures de ce fils chassé. Nous suivons d'abord des scènes dans lequel Clindor (le fils en question) est entré au service de Matamore, un fanfaron, qui raconte en permanence des exploits héroïques imaginaires, tout en prétendant à l'amour d'une belle jeune fille. Ce personnage est habituel, stéréotypé, on le retrouve dans bon nombre de comédies de son temps. Bien évidemment, c'est Clindor qui est aimé par Isabelle. Mais le père lui destine un autre homme, que Clindor assailli tue. Il se retrouve en prison, mais peut fuir avec sa bien aimée grâce à la servante qui a séduit le geôlier. Le magien fait voir ensuite au père une autre scène, dans laquelle, Clindor, devenu infidèle, a une intrigue amoureuse avec la femme d'un prince, et qui se termine par la mort des deux amants. Le père est accablé, mais le magicien lui montre la scène suivante, dans laquelle Clindor partage avec ses compagnons la recette de la soirée : il est devenu comédien, et les deux scènes précédentes, sont des morceaux de représentations auxquelles il participait. Le père n'a plus qu'à se rendre à Paris pour retrouver son fils.
Théâtre dans le théâtre, devenu plus banal aujourd'hui, mais bien plus novateur à l'époque, la pièce nous montre également des morceaux choisis de l'art théâtral de l'époque, ses artifices et charmes. Et met en valeur le théâtre, ce métier de comédien, réprouvé à l'époque, par l'église, par la loi (il est frappé d'infamie).
Passionnant.
Corneille a commencé sa carrière au théâtre par les comédies, qui ont connu en leur temps un grand succès. La seule que l'on continue à jouer encore maintenant assez régulièrement, est cette Illusion comique, pourtant atypique parmi les comédies de l'auteur.
Corneille a été un grand inventeur de formes, le théâtre français à son époque se cherche énormément. Après le modèle antique, mis à l'honneur par le XVIe siècle, l'imitation des pièces italiennes, vient celle des espagnoles. Corneille met en scène une comédie citadine, que l'on pourrait appeler une comédie de mœurs, qui remplace un comique outré par un comique plus délicat, censé utiliser le langage véritablement pratiqué de son temps, « l'enjouement » remplaçant le gros rire, et les scènes se passent dans un décor connu de tous, comme le montre les titres de certaines de ces pièces évoquant des lieux parisens « La place Royale » « La galerie du palais ».
L'illusion comique, assez unique dans l'oeuvre de l'auteur, est bien plus originale. Un père qui a chassé son fils désobéissant regrette maintenant son geste et voudrait le réparer. Un magicien promet de lui montrer, grâce à sa magie, les aventures de ce fils chassé. Nous suivons d'abord des scènes dans lequel Clindor (le fils en question) est entré au service de Matamore, un fanfaron, qui raconte en permanence des exploits héroïques imaginaires, tout en prétendant à l'amour d'une belle jeune fille. Ce personnage est habituel, stéréotypé, on le retrouve dans bon nombre de comédies de son temps. Bien évidemment, c'est Clindor qui est aimé par Isabelle. Mais le père lui destine un autre homme, que Clindor assailli tue. Il se retrouve en prison, mais peut fuir avec sa bien aimée grâce à la servante qui a séduit le geôlier. Le magien fait voir ensuite au père une autre scène, dans laquelle, Clindor, devenu infidèle, a une intrigue amoureuse avec la femme d'un prince, et qui se termine par la mort des deux amants. Le père est accablé, mais le magicien lui montre la scène suivante, dans laquelle Clindor partage avec ses compagnons la recette de la soirée : il est devenu comédien, et les deux scènes précédentes, sont des morceaux de représentations auxquelles il participait. Le père n'a plus qu'à se rendre à Paris pour retrouver son fils.
Théâtre dans le théâtre, devenu plus banal aujourd'hui, mais bien plus novateur à l'époque, la pièce nous montre également des morceaux choisis de l'art théâtral de l'époque, ses artifices et charmes. Et met en valeur le théâtre, ce métier de comédien, réprouvé à l'époque, par l'église, par la loi (il est frappé d'infamie).
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
Plus que jamais.
Dans l'opposition de l'ethos contre le pathos je choisis le premier.
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
Mélite
Première pièce de Pierre Corneille, représentée sans doute en 1629 par la troupe de Mondory à Paris, elle a connue un très grand succès, qui retarda sa publication jusqu'en 1633 (une pièce publiée tombait en quelque sorte dans le domaine public, et pouvait être reprise par les troupes rivales).
Le succès de cette pièce s'explique en partie par la nouveauté qu'elle représentait, et que Corneille va continuer à exploiter dans ses comédies suivantes. La comédie qui s'est mise en place à la Renaissance voulait éradiquer le comique de la farce du Moyen-Age jugé grossier. Pour se faire elle s'est tournée vers les modèles anciens, surtout des auteurs latins, Plaute et encore plus Térence. Avec aussi bien sûr comme modèle la comédie italienne, qui déjà avait pris comme modèle le théâtre antique. Dans la plupart de ces comédies, le ressort comique tournait autour de l'amour d'un jeune homme pour une jeune fille, rendue inaccessible, par un père, un tuteur ou autre. le valet ingénieux de notre amoureux va résoudre la situation, tout en rendant au passage ridicule le fâcheux qui voudrait empêcher le mariage, qui est l'issue obligée de l'histoire. La jeune fille en elle-même n'a en général qu'un rôle très effacé, dans certaines pièces elle n'apparaît même pas. le rôle principal revient au valet. Ce genre va persister, même s'il ne sera plus dominant, malgré l'apparition d'autres genres de comique, on peut citer parmi les exemple Les fourberies de Scapin de Molière, et encore plus tardivement le barbier de Séville de Beaumarchais, qui en est, en quelque sorte, le dernier feu d'artifice.
Corneille va trouver une autre source d'inspiration pour donner une autre tonalité à ses comédies. Ce sera la pastorale, avec les amours des bergers et bergères, les chaînes amoureuses, les situations d'amoureux qui aiment qui ne les aiment pas et qui fuient celles ou ceux qui les aiment. de ceux qui aiment mais dont les amours sont contrariés, ou jalousés, bien que la convention veut que les obstacles soient vaincus et que le mariage termine tout cela. Mais il va déplacer ces histoires en ville, chez les nobles ou riches bourgeois, un peu le public susceptible d'aller voir des pièces de théâtre en somme. Il se prévaut de s'exprimer dans un langage naturel, celui que ses spectateur pouvaient utiliser. le comique qu'il revendique est celui de l'enjouement, loin d'un rire grossier et exagéré, provoqué par un valet insolent ou par un personnage ridicule outré.
Il s'agit en fait de ce que l'on pourrait appeler des comédies sentimentales, genre qui a connu depuis un succès continu, qui se poursuit sans faiblir par exemple dans un certain nombre de films hollywoodiens actuels, même si bien sûr les personnages et les situations ont connu certaines mises à jour en rapport avec les évolutions des moeurs.
Corneille aurait écrit cette pièce sous l'inspiration de l'amour qu'il éprouvait pour une jeune femme. Mais cette histoire ne connaîtra pas l'issue heureuse d'une pièce de théâtre. La famille de la jeune personne ne trouva pas Corneille assez bon parti, et elle épousera un autre homme, plus fortuné. Il va effectuer pas mal de corrections sur cette pièce, en particulier en 1660, où il gommera beaucoup de détails jugés trop triviaux avec le développement de la bienséance, mais il ne semble jamais l'avoir reniée.
Mélite, le personnage qui donne son nom à la pièce est une séduisante jeune femme, aimée depuis deux ans par Eraste, un riche jeune homme qu'elle dédaigne. Eraste veut persuader son ami Tircis, qui professe un grand dédain de l'amour, du charme incomparable de Mélite. Et bien entendu, Tircis et Mélite tombent amoureux. Ce qui rend Eraste fou de jalousie. Il envoie donc de fausses lettres, prétendument écrites par Mélite et contenant des déclarations d'amour, à Philandre, le fiancé de Cloris, la soeur de Tircis, ce qui lui permet une double vengeance. Mais comme dans toute comédie qui se respecte, tout finira par s'expliquer et un double mariage terminera heureusement la pièce.
L'oeuvre est surtout une curiosité, une première tentative d'un futur grand auteur. Néanmoins elle montre une vraie intuition de la part de Corneille, qui fait preuve d'originalité, qui surprend le public, et montre le potentiel d'innovation et aussi de la réflexion sur les formes théâtrales qu'il va développer par la suite.
La pièce n'est pas si rose que cela, les questions d'argent, des mariages arrangés, sont bien présentes, et même si les conventions de la comédie font que cela ne se passe pas comme dans la vie, la menace d'une autre fin est bien présente, une certaine âpreté des personnages se devine sous les propos amoureux. Il y a aussi une scène de folie qui annonce le potentiel de Corneille qui pourra s'exprimer plus tard mieux dans les tragédies.
Première pièce de Pierre Corneille, représentée sans doute en 1629 par la troupe de Mondory à Paris, elle a connue un très grand succès, qui retarda sa publication jusqu'en 1633 (une pièce publiée tombait en quelque sorte dans le domaine public, et pouvait être reprise par les troupes rivales).
Le succès de cette pièce s'explique en partie par la nouveauté qu'elle représentait, et que Corneille va continuer à exploiter dans ses comédies suivantes. La comédie qui s'est mise en place à la Renaissance voulait éradiquer le comique de la farce du Moyen-Age jugé grossier. Pour se faire elle s'est tournée vers les modèles anciens, surtout des auteurs latins, Plaute et encore plus Térence. Avec aussi bien sûr comme modèle la comédie italienne, qui déjà avait pris comme modèle le théâtre antique. Dans la plupart de ces comédies, le ressort comique tournait autour de l'amour d'un jeune homme pour une jeune fille, rendue inaccessible, par un père, un tuteur ou autre. le valet ingénieux de notre amoureux va résoudre la situation, tout en rendant au passage ridicule le fâcheux qui voudrait empêcher le mariage, qui est l'issue obligée de l'histoire. La jeune fille en elle-même n'a en général qu'un rôle très effacé, dans certaines pièces elle n'apparaît même pas. le rôle principal revient au valet. Ce genre va persister, même s'il ne sera plus dominant, malgré l'apparition d'autres genres de comique, on peut citer parmi les exemple Les fourberies de Scapin de Molière, et encore plus tardivement le barbier de Séville de Beaumarchais, qui en est, en quelque sorte, le dernier feu d'artifice.
Corneille va trouver une autre source d'inspiration pour donner une autre tonalité à ses comédies. Ce sera la pastorale, avec les amours des bergers et bergères, les chaînes amoureuses, les situations d'amoureux qui aiment qui ne les aiment pas et qui fuient celles ou ceux qui les aiment. de ceux qui aiment mais dont les amours sont contrariés, ou jalousés, bien que la convention veut que les obstacles soient vaincus et que le mariage termine tout cela. Mais il va déplacer ces histoires en ville, chez les nobles ou riches bourgeois, un peu le public susceptible d'aller voir des pièces de théâtre en somme. Il se prévaut de s'exprimer dans un langage naturel, celui que ses spectateur pouvaient utiliser. le comique qu'il revendique est celui de l'enjouement, loin d'un rire grossier et exagéré, provoqué par un valet insolent ou par un personnage ridicule outré.
Il s'agit en fait de ce que l'on pourrait appeler des comédies sentimentales, genre qui a connu depuis un succès continu, qui se poursuit sans faiblir par exemple dans un certain nombre de films hollywoodiens actuels, même si bien sûr les personnages et les situations ont connu certaines mises à jour en rapport avec les évolutions des moeurs.
Corneille aurait écrit cette pièce sous l'inspiration de l'amour qu'il éprouvait pour une jeune femme. Mais cette histoire ne connaîtra pas l'issue heureuse d'une pièce de théâtre. La famille de la jeune personne ne trouva pas Corneille assez bon parti, et elle épousera un autre homme, plus fortuné. Il va effectuer pas mal de corrections sur cette pièce, en particulier en 1660, où il gommera beaucoup de détails jugés trop triviaux avec le développement de la bienséance, mais il ne semble jamais l'avoir reniée.
Mélite, le personnage qui donne son nom à la pièce est une séduisante jeune femme, aimée depuis deux ans par Eraste, un riche jeune homme qu'elle dédaigne. Eraste veut persuader son ami Tircis, qui professe un grand dédain de l'amour, du charme incomparable de Mélite. Et bien entendu, Tircis et Mélite tombent amoureux. Ce qui rend Eraste fou de jalousie. Il envoie donc de fausses lettres, prétendument écrites par Mélite et contenant des déclarations d'amour, à Philandre, le fiancé de Cloris, la soeur de Tircis, ce qui lui permet une double vengeance. Mais comme dans toute comédie qui se respecte, tout finira par s'expliquer et un double mariage terminera heureusement la pièce.
L'oeuvre est surtout une curiosité, une première tentative d'un futur grand auteur. Néanmoins elle montre une vraie intuition de la part de Corneille, qui fait preuve d'originalité, qui surprend le public, et montre le potentiel d'innovation et aussi de la réflexion sur les formes théâtrales qu'il va développer par la suite.
La pièce n'est pas si rose que cela, les questions d'argent, des mariages arrangés, sont bien présentes, et même si les conventions de la comédie font que cela ne se passe pas comme dans la vie, la menace d'une autre fin est bien présente, une certaine âpreté des personnages se devine sous les propos amoureux. Il y a aussi une scène de folie qui annonce le potentiel de Corneille qui pourra s'exprimer plus tard mieux dans les tragédies.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4646
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Pierre Corneille
Clitandre
Sans doute jouée pour la première fois en 1630, la pièce est éditée en 1632, donc avant Mélite, sans doute le succès de cette deuxième pièce de Corneille étant moindre. Dans cette première édition, la pièce est définie comme une tragi-comédie. Dans le classement des genres, la comédie était considérée comme un genre mineur, la tragi-comédie comme un grand genre, Corneille souhaitait donc changer de catégorie. D'autant plus que dans la préface de la première édition, il fait état de critiques s'étant fait jour au sujet de Mélite : petit sujet sans grands effets, et non respect de la règle d'unité de temps (« règle d'un jour »).
Tout le long de sa carrière Corneille semble avoir été sensible aux critiques faites à ses pièces par « les doctes », ceux qui vont définir petit à petit ce que doit être une pièce de théâtre. Après la violente querelle du Cid, et la condamnation de sa pièce par l'Académie, il a arrêté d'écrire pendant plusieurs années, tout en faisant un travail théorique, en partant d'Aristote pour donner ses propres définitions.
Après le grand succès de Mélite, il aurait été sans doute plus logique de poursuivre par une comédie de la même veine (ce qu'il fera ensuite), mais Corneille tente une tragi-comédie, le genre en vogue à l'époque, tellement en vogue d'ailleurs qu'aucune tragédie n'est créée à Paris pendant quelques années. Genre qui va connaître une très rapide éclipse, avec une participation décisive de Corneille : le Cid, tragi-comédie atypique, va en quelque sorte dynamiter le genre, et participer au retour d'une tragédie renouvelée. Au point que dans l' édition de 1660, Corneille ne va plus parler de tragi-comédies, mais rebaptiser ses pièces, dont ce Clitandre, en tragédies. Et comme certaines des oeuvres qu'il écrit ne rentrent pas dans ce qu'il met derrière ce terme, il va même inventer un genre nouveau, celui de la « Comédie héroïque », qui ne connaîtra il est vrai que peu de succès, et qui à part deux pièces de Corneille, ne sera repris qu'une fois par Molière, dans sa seule pièce non comique, Dom Garcie de Navarre. Mais cela montre à quel point Corneille considérait la tragi-comédie comme complètement obsolète.
Clitandre ne semble pas avoir laissé un bon souvenir à Corneille. Il dénigre la pièce dans l'Examen qui l'accompagne dans l'édition de 1660, la pièce est aussi pas mal remaniée, elle ne semble pas avoir été jouée dans cette nouvelle version.
La pièce d'origine est en fait une véritable tragi-comédie, avec des lieux et actions multiples et spectaculaires, de nombreux personnages nobles ou royaux, et une fin heureuses avec deux mariages et le méchant puni. Les spectateurs pouvaient assister sur scène à des duels, une tentative de viol, un oeil crevé….Nous sommes loin de la sobriété de la tragédie dans laquelle tout se passe dans le discours, par la parole. La tragi-comédie était du grand spectacle, qui donnait à voir. Et Corneille est vraiment dans ce registre dans Clitandre. Même si sa pièce est bien plus sobre et cohérente que bien des tragi-comédies de l'époque, ce qui peut d'ailleurs expliquer son manque de succès.
Caliste est aimée de plusieurs hommes, dont Clitandre, mais elle lui préfère Rosidor. Ce dernier est aussi l'objet de l'amour de Dorise, la soeur de Caliste. Qui attire sa soeur en dehors de la ville pour tenter de la tuer. En même temps Pymante, amoureux de Dorise qui le dédaigne, contrefait l'écriture de Clitandre prétendant provoquer Rosidor à un duel, et déguisé tente de tuer Rosidor avec ses sbires. Rosidor défait ses attaquants, et Caliste échappe à Dorise. Ils se retrouvent, et vont dénoncer les complots dont ils ont été victimes au Roi. Qui fait arrêter Clitandre pour le faire exécuter. Dorise sauve la vie du prince, que Pymante voulait tuer. Les machinations de ce dernier sont éventées, et il sera exécuté ; Clitandre libéré, épousera finalement Dorise, qui est pardonnée.
Il est fascinant de voir avec quelle facilité Corneille se coule dans le genre de la tragi-comédie. D'autant plus, que contrairement aux pratiques de l'époque, il ne paraît pas avoir adapté un texte déjà existant, mais avoir inventé son histoire, avec sans doute quelques l'utilisation de thèmes divers alors à la mode. Peut-être que si le succès avait été au rendez-vous, Corneille aurait continué dans cette veine dans ses pièces suivantes. Il a finalement préféré revenir au genre de la comédie, avec lequel il avait connu un grand succès, et qui semble lui avoir réussi dans ses pièces suivantes. Avant de s'attaquer à la tragédie, mais c'est une autre histoire.
Sans doute jouée pour la première fois en 1630, la pièce est éditée en 1632, donc avant Mélite, sans doute le succès de cette deuxième pièce de Corneille étant moindre. Dans cette première édition, la pièce est définie comme une tragi-comédie. Dans le classement des genres, la comédie était considérée comme un genre mineur, la tragi-comédie comme un grand genre, Corneille souhaitait donc changer de catégorie. D'autant plus que dans la préface de la première édition, il fait état de critiques s'étant fait jour au sujet de Mélite : petit sujet sans grands effets, et non respect de la règle d'unité de temps (« règle d'un jour »).
Tout le long de sa carrière Corneille semble avoir été sensible aux critiques faites à ses pièces par « les doctes », ceux qui vont définir petit à petit ce que doit être une pièce de théâtre. Après la violente querelle du Cid, et la condamnation de sa pièce par l'Académie, il a arrêté d'écrire pendant plusieurs années, tout en faisant un travail théorique, en partant d'Aristote pour donner ses propres définitions.
Après le grand succès de Mélite, il aurait été sans doute plus logique de poursuivre par une comédie de la même veine (ce qu'il fera ensuite), mais Corneille tente une tragi-comédie, le genre en vogue à l'époque, tellement en vogue d'ailleurs qu'aucune tragédie n'est créée à Paris pendant quelques années. Genre qui va connaître une très rapide éclipse, avec une participation décisive de Corneille : le Cid, tragi-comédie atypique, va en quelque sorte dynamiter le genre, et participer au retour d'une tragédie renouvelée. Au point que dans l' édition de 1660, Corneille ne va plus parler de tragi-comédies, mais rebaptiser ses pièces, dont ce Clitandre, en tragédies. Et comme certaines des oeuvres qu'il écrit ne rentrent pas dans ce qu'il met derrière ce terme, il va même inventer un genre nouveau, celui de la « Comédie héroïque », qui ne connaîtra il est vrai que peu de succès, et qui à part deux pièces de Corneille, ne sera repris qu'une fois par Molière, dans sa seule pièce non comique, Dom Garcie de Navarre. Mais cela montre à quel point Corneille considérait la tragi-comédie comme complètement obsolète.
Clitandre ne semble pas avoir laissé un bon souvenir à Corneille. Il dénigre la pièce dans l'Examen qui l'accompagne dans l'édition de 1660, la pièce est aussi pas mal remaniée, elle ne semble pas avoir été jouée dans cette nouvelle version.
La pièce d'origine est en fait une véritable tragi-comédie, avec des lieux et actions multiples et spectaculaires, de nombreux personnages nobles ou royaux, et une fin heureuses avec deux mariages et le méchant puni. Les spectateurs pouvaient assister sur scène à des duels, une tentative de viol, un oeil crevé….Nous sommes loin de la sobriété de la tragédie dans laquelle tout se passe dans le discours, par la parole. La tragi-comédie était du grand spectacle, qui donnait à voir. Et Corneille est vraiment dans ce registre dans Clitandre. Même si sa pièce est bien plus sobre et cohérente que bien des tragi-comédies de l'époque, ce qui peut d'ailleurs expliquer son manque de succès.
Caliste est aimée de plusieurs hommes, dont Clitandre, mais elle lui préfère Rosidor. Ce dernier est aussi l'objet de l'amour de Dorise, la soeur de Caliste. Qui attire sa soeur en dehors de la ville pour tenter de la tuer. En même temps Pymante, amoureux de Dorise qui le dédaigne, contrefait l'écriture de Clitandre prétendant provoquer Rosidor à un duel, et déguisé tente de tuer Rosidor avec ses sbires. Rosidor défait ses attaquants, et Caliste échappe à Dorise. Ils se retrouvent, et vont dénoncer les complots dont ils ont été victimes au Roi. Qui fait arrêter Clitandre pour le faire exécuter. Dorise sauve la vie du prince, que Pymante voulait tuer. Les machinations de ce dernier sont éventées, et il sera exécuté ; Clitandre libéré, épousera finalement Dorise, qui est pardonnée.
Il est fascinant de voir avec quelle facilité Corneille se coule dans le genre de la tragi-comédie. D'autant plus, que contrairement aux pratiques de l'époque, il ne paraît pas avoir adapté un texte déjà existant, mais avoir inventé son histoire, avec sans doute quelques l'utilisation de thèmes divers alors à la mode. Peut-être que si le succès avait été au rendez-vous, Corneille aurait continué dans cette veine dans ses pièces suivantes. Il a finalement préféré revenir au genre de la comédie, avec lequel il avait connu un grand succès, et qui semble lui avoir réussi dans ses pièces suivantes. Avant de s'attaquer à la tragédie, mais c'est une autre histoire.
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
La veuve
Après Clitandre, un essai de tragi-comédie qui ne semble pas avoir eu de succès, Corneille revient pour sa troisième pièce à la comédie, qui lui a permis des débuts prometteurs avec Mélite.
Sans doute jouée pendant la saison 1631-1632, "La veuve" est publiée en 1634. Corneille fait précéder sa pièce d'un « Avis au lecteur » où il exprime quelques unes de ses idées sur le théâtre. Il est définitivement un « moderne » et considère que suivre de façon absolu les règles que certains semblent avoir trouvées chez les Anciens n'est pas forcément la chose à faire. Dans La veuve, il ne suit pas la règle des 24 heures (l'unité de temps), la pièce se passe sur cinq jours, chaque acte correspondant à une journée. Il insiste aussi beaucoup sur la langue, importante pour la vraisemblance de la pièce, il faut que ce soit la langue telle que des personnages comme ceux de sa pièces utiliseraient dans la vraie vie (« la langue des honnêtes gens » dit-il), la comédie n'est ni la tragédie ni un poème épique et doit éviter un style trop noble.
La pièce est une comédie de moeurs, sentimentale bien sûr, à l'époque il n'était pas vraiment envisageable de faire une comédie sans amour et sans mariage final.
Clarice, une jeune, riche et jolie veuve, est aimée par Philiste, qui est assidu auprès d'elle mais qui ne se déclare pas, car il est bien moins fortuné que sa bien-aimée. Qui finit par se déclarer elle-même à son amoureux si réservé. Mais Alcidon, que Philiste considère comme son meilleur ami et à qui il a promis sa soeur, est en réalité son rival auprès de Clarice, Doris (la soeur de Philiste) ne servant en quelque sorte que de couverture. Apprenant que le mariage entre Clarice et Philiste est proche, il se décide sur les conseils et avec l'aide de la Nourrice de la jeune femme, à l'enlever. Il utilise pour cela l'aide de Célidan, dont il abuse la bonne foi en lui confiant que Doris sera finalement mariée à un autre homme par sa mère, plus riche, alors que cela lui indiffère (et que ce mariage est rendu impossible par Philiste). Mais Célidan finit par comprendre la supercherie et libère Clarice, ce qui lui permettra de briguer la main de Doris dont il était secrètement amoureux.
L'intrigue est plus complexe et spectaculaire que celle de Mélite, il y a un méchant, un enlèvement, des rebondissements. L'étude des moeurs matrimoniales est aussi plus poussée et plus réaliste. Doris, que son frère et sa mère, veulent marier sans tenir compte de ses sentiments, exprime avec une vraie force la souffrance que cette situation d'objet mis aux enchères sur le marché du mariage provoque chez elle. La sujétion des femmes est très bien suggérée par Corneille, l'importance des accords financiers au moment du mariage aussi. Il n'y a que les veuves comme Clarice, si elles sont riches comme elle, qui peuvent se permettre le luxe de se marier selon leur sentiment. On sent qu'à une autre époque, dans laquelle les conventions pesantes sur les comédies auraient été moins lourdes, Corneille aurait pu donner des satires cruelles et justes des moeurs de son temps.
Les personnages sont intéressants, pas forcément idéalisés, Philiste a visiblement mauvais caractère, il tyrannise sa soeur et sa mère, il n'est pas très clairvoyant, ni vis à vis d'Alcidon ni de Clarice, si les choses se terminent bien, il n'y est pas pour grand-chose. Alcidon est fourbe à souhait, et Doris fine mouche. Il y a vrai potentiel comique dans la pièce, même si cela est subtil, et demande de la finesse. Il manque peut être un peu une vraie analyse du sentiment amoureux, on reste dans quelque chose de conventionnel, alors que c'est censé être le centre de l'intrigue.
Mais la pièce est vraiment intéressante et complexe, dommage que les comédies de Corneille, à l'exception de L'illusion comique, très atypique dans la production de l'auteur, ne soient plus jouées actuellement.
Après Clitandre, un essai de tragi-comédie qui ne semble pas avoir eu de succès, Corneille revient pour sa troisième pièce à la comédie, qui lui a permis des débuts prometteurs avec Mélite.
Sans doute jouée pendant la saison 1631-1632, "La veuve" est publiée en 1634. Corneille fait précéder sa pièce d'un « Avis au lecteur » où il exprime quelques unes de ses idées sur le théâtre. Il est définitivement un « moderne » et considère que suivre de façon absolu les règles que certains semblent avoir trouvées chez les Anciens n'est pas forcément la chose à faire. Dans La veuve, il ne suit pas la règle des 24 heures (l'unité de temps), la pièce se passe sur cinq jours, chaque acte correspondant à une journée. Il insiste aussi beaucoup sur la langue, importante pour la vraisemblance de la pièce, il faut que ce soit la langue telle que des personnages comme ceux de sa pièces utiliseraient dans la vraie vie (« la langue des honnêtes gens » dit-il), la comédie n'est ni la tragédie ni un poème épique et doit éviter un style trop noble.
La pièce est une comédie de moeurs, sentimentale bien sûr, à l'époque il n'était pas vraiment envisageable de faire une comédie sans amour et sans mariage final.
Clarice, une jeune, riche et jolie veuve, est aimée par Philiste, qui est assidu auprès d'elle mais qui ne se déclare pas, car il est bien moins fortuné que sa bien-aimée. Qui finit par se déclarer elle-même à son amoureux si réservé. Mais Alcidon, que Philiste considère comme son meilleur ami et à qui il a promis sa soeur, est en réalité son rival auprès de Clarice, Doris (la soeur de Philiste) ne servant en quelque sorte que de couverture. Apprenant que le mariage entre Clarice et Philiste est proche, il se décide sur les conseils et avec l'aide de la Nourrice de la jeune femme, à l'enlever. Il utilise pour cela l'aide de Célidan, dont il abuse la bonne foi en lui confiant que Doris sera finalement mariée à un autre homme par sa mère, plus riche, alors que cela lui indiffère (et que ce mariage est rendu impossible par Philiste). Mais Célidan finit par comprendre la supercherie et libère Clarice, ce qui lui permettra de briguer la main de Doris dont il était secrètement amoureux.
L'intrigue est plus complexe et spectaculaire que celle de Mélite, il y a un méchant, un enlèvement, des rebondissements. L'étude des moeurs matrimoniales est aussi plus poussée et plus réaliste. Doris, que son frère et sa mère, veulent marier sans tenir compte de ses sentiments, exprime avec une vraie force la souffrance que cette situation d'objet mis aux enchères sur le marché du mariage provoque chez elle. La sujétion des femmes est très bien suggérée par Corneille, l'importance des accords financiers au moment du mariage aussi. Il n'y a que les veuves comme Clarice, si elles sont riches comme elle, qui peuvent se permettre le luxe de se marier selon leur sentiment. On sent qu'à une autre époque, dans laquelle les conventions pesantes sur les comédies auraient été moins lourdes, Corneille aurait pu donner des satires cruelles et justes des moeurs de son temps.
Les personnages sont intéressants, pas forcément idéalisés, Philiste a visiblement mauvais caractère, il tyrannise sa soeur et sa mère, il n'est pas très clairvoyant, ni vis à vis d'Alcidon ni de Clarice, si les choses se terminent bien, il n'y est pas pour grand-chose. Alcidon est fourbe à souhait, et Doris fine mouche. Il y a vrai potentiel comique dans la pièce, même si cela est subtil, et demande de la finesse. Il manque peut être un peu une vraie analyse du sentiment amoureux, on reste dans quelque chose de conventionnel, alors que c'est censé être le centre de l'intrigue.
Mais la pièce est vraiment intéressante et complexe, dommage que les comédies de Corneille, à l'exception de L'illusion comique, très atypique dans la production de l'auteur, ne soient plus jouées actuellement.
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Arabella- Messages : 4646
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Re: Pierre Corneille
La galerie du Palais
Les premières représentations de la pièce semblent dater de 1633, elle n'a été publiée qu'en 1637, dans le sillage du Cid, et semble avoir eu du succès. Le titre de la pièce fait référence au Palais de justice de Paris, endroit favorisant les rencontres, d'autant plus que des boutiques y étaient installées : librairies, merceries, lingères… Les gens du beau monde pouvaient s'y croiser, des rencontres galantes avoir lieu, dans un cadre pittoresque et typique. Au final, peu de scènes s'y passent réellement, Corneille a utilisé le lieu pour « exciter la curiosité des auditeurs » plus que par nécessité dramatique. Comme dans ses autres pièces, il prend des libertés avec les règles, qui n'étaient pas si rigoureuses à l'époque, surtout pour la comédie, mais dans l'examen de 1660 il s'en explique longuement. La pièce se passe donc en cinq journées, et Corneille considère que la placer dans une seule ville, même à des endroits divers, est suffisant pour respecter l'unité de lieu.
Célidée est aimée de Lysandre, qu'elle agrée et tyrannise un peu. Son père Pleirante presse le mariage. Mais Lysandre est aussi aimé par Hippolyte la meilleure amie de Célidée qui intrigue pour attirer Lysandre. Elle séduit Dorimant, qui l'indiffère, mais qui plaît à Célidée, et elle pousse cette dernière à éprouver Lysandre avec des rebuffades. Comme Célidée n'aurait rien contre Dorimant à la place de Lysandre, elle suit les conseils perfides de son amie. Lysandre, mal conseillé, fait semblant de courtiser Hippolyte, qui ne l'intéresse absolument pas. Célidée est désespérée, d'autant plus que Dorimant, malgré des avances explicites, n'a aucune envie de se rapprocher d'elle. Lysandre et Dorimant sont au bord du duel.
Sans doute moins potentiellement drôle que La veuve, sa comédie précédente, La galerie du palais, pousse en revanche d'avantage l'étude des moeurs et de caractères. Célidée préfigure déjà un petit peu Célimène, avec son envie d'avoir tous les jeunes gens à son service. Hippolyte n'est pas en reste, pas mal peste, l'esprit aiguisé et fin. Les deux jeunes amoureux ne sont pas sortis de leurs peines avec le mariage, ces deux-là vont s'en doute continuer à leur en faire voir de toutes les couleurs. D'autant plus qu'ils semblent tout d'une pièce, qu'ils ont du mal à comprendre les jeux de leurs fiancées. L'analyse du sentiment amoureux, de ses balancements, des étapes, est au centre de la pièce. En avance sur la fameuse Carte du Tendre, dont certaines tirades préfigurent la logique, avec aussi quelque chose qui pourrait annoncer Marivaux (marivaudage vient vraiment à l'esprit à la lecture de la pièce).
Je trouve cette pièce vraiment excellente, jouant sur divers registres, avec des personnages, surtout féminins, vraiment bien rendus. Il manque peut être un peu d'esprit aux jeunes gens, s'ils étaient un peu moins univoques dans leurs sentiments amoureux, chacun pour sa belle, la pièce aurait pu être encore plus aboutie. Je trouve vraiment difficile à comprendre pourquoi les comédies de Corneille sont si ignorées.
Les jugements, en particulier ceux de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle, semblent avoir la vie dure. On peut citer celui qui prétend que toutes les comédies d'avant Molière n'étaient que des comédies d'intrigues, et que c'est Molière qui a été le premier à introduire les comédies de moeurs et de caractère. Alors que Corneille, en rupture avec la comédie de son temps, essaie justement d'emprunter des voies nouvelle. L'immense talent de Molière fait que tout le reste a été jugé inférieur, sans aller voir de plus près. Pourtant Molière lui-même aurait déclaré « Sans le Menteur j'aurais sans doute fait quelques pièces d'intrigues, mais je n'aurais pas écrit le Misanthrope » (Le Menteur est l'avant dernière comédie de Corneille).
Et bien sûr les parallèles entre Racine et Corneille, dont on a largement abusé, ont fini par aboutir à des visions schématiques et caricaturales. Ainsi Corneille serait celui qui « peint les hommes comme ils devraient être, et Racine tels qu'ils sont ». Évidemment les personnages des comédies ne rentrent pas dans ce schéma, ils sont donc soigneusement passés sous silence.
Ils appartiendraient à un premier âge de formation, dans lequel Corneille ne serait pas encore Corneille (de même ses dernières pièces sont aussi souvent ignorées comme appartenant à une sorte de troisième période de décadence). Or Corneille est vraiment un auteur protéiforme, qui a évolué dans ses conceptions du théâtre, dans les approches, les thématiques, ce qui ne veut pas dire que seules les pièces d'une certaine époque sont abouties et digne d'intérêt. Simplement, nous sommes en face d'un auteur pluriel, difficile à enfermer dans une seule grille d'analyse. Ce qui semble énormément perturber certains critiques. Et lorsqu'on creuse les oeuvres moins connues, on découvre des véritables trésors, comme cette Galerie du palais...
Les premières représentations de la pièce semblent dater de 1633, elle n'a été publiée qu'en 1637, dans le sillage du Cid, et semble avoir eu du succès. Le titre de la pièce fait référence au Palais de justice de Paris, endroit favorisant les rencontres, d'autant plus que des boutiques y étaient installées : librairies, merceries, lingères… Les gens du beau monde pouvaient s'y croiser, des rencontres galantes avoir lieu, dans un cadre pittoresque et typique. Au final, peu de scènes s'y passent réellement, Corneille a utilisé le lieu pour « exciter la curiosité des auditeurs » plus que par nécessité dramatique. Comme dans ses autres pièces, il prend des libertés avec les règles, qui n'étaient pas si rigoureuses à l'époque, surtout pour la comédie, mais dans l'examen de 1660 il s'en explique longuement. La pièce se passe donc en cinq journées, et Corneille considère que la placer dans une seule ville, même à des endroits divers, est suffisant pour respecter l'unité de lieu.
Célidée est aimée de Lysandre, qu'elle agrée et tyrannise un peu. Son père Pleirante presse le mariage. Mais Lysandre est aussi aimé par Hippolyte la meilleure amie de Célidée qui intrigue pour attirer Lysandre. Elle séduit Dorimant, qui l'indiffère, mais qui plaît à Célidée, et elle pousse cette dernière à éprouver Lysandre avec des rebuffades. Comme Célidée n'aurait rien contre Dorimant à la place de Lysandre, elle suit les conseils perfides de son amie. Lysandre, mal conseillé, fait semblant de courtiser Hippolyte, qui ne l'intéresse absolument pas. Célidée est désespérée, d'autant plus que Dorimant, malgré des avances explicites, n'a aucune envie de se rapprocher d'elle. Lysandre et Dorimant sont au bord du duel.
Sans doute moins potentiellement drôle que La veuve, sa comédie précédente, La galerie du palais, pousse en revanche d'avantage l'étude des moeurs et de caractères. Célidée préfigure déjà un petit peu Célimène, avec son envie d'avoir tous les jeunes gens à son service. Hippolyte n'est pas en reste, pas mal peste, l'esprit aiguisé et fin. Les deux jeunes amoureux ne sont pas sortis de leurs peines avec le mariage, ces deux-là vont s'en doute continuer à leur en faire voir de toutes les couleurs. D'autant plus qu'ils semblent tout d'une pièce, qu'ils ont du mal à comprendre les jeux de leurs fiancées. L'analyse du sentiment amoureux, de ses balancements, des étapes, est au centre de la pièce. En avance sur la fameuse Carte du Tendre, dont certaines tirades préfigurent la logique, avec aussi quelque chose qui pourrait annoncer Marivaux (marivaudage vient vraiment à l'esprit à la lecture de la pièce).
Je trouve cette pièce vraiment excellente, jouant sur divers registres, avec des personnages, surtout féminins, vraiment bien rendus. Il manque peut être un peu d'esprit aux jeunes gens, s'ils étaient un peu moins univoques dans leurs sentiments amoureux, chacun pour sa belle, la pièce aurait pu être encore plus aboutie. Je trouve vraiment difficile à comprendre pourquoi les comédies de Corneille sont si ignorées.
Les jugements, en particulier ceux de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle, semblent avoir la vie dure. On peut citer celui qui prétend que toutes les comédies d'avant Molière n'étaient que des comédies d'intrigues, et que c'est Molière qui a été le premier à introduire les comédies de moeurs et de caractère. Alors que Corneille, en rupture avec la comédie de son temps, essaie justement d'emprunter des voies nouvelle. L'immense talent de Molière fait que tout le reste a été jugé inférieur, sans aller voir de plus près. Pourtant Molière lui-même aurait déclaré « Sans le Menteur j'aurais sans doute fait quelques pièces d'intrigues, mais je n'aurais pas écrit le Misanthrope » (Le Menteur est l'avant dernière comédie de Corneille).
Et bien sûr les parallèles entre Racine et Corneille, dont on a largement abusé, ont fini par aboutir à des visions schématiques et caricaturales. Ainsi Corneille serait celui qui « peint les hommes comme ils devraient être, et Racine tels qu'ils sont ». Évidemment les personnages des comédies ne rentrent pas dans ce schéma, ils sont donc soigneusement passés sous silence.
Ils appartiendraient à un premier âge de formation, dans lequel Corneille ne serait pas encore Corneille (de même ses dernières pièces sont aussi souvent ignorées comme appartenant à une sorte de troisième période de décadence). Or Corneille est vraiment un auteur protéiforme, qui a évolué dans ses conceptions du théâtre, dans les approches, les thématiques, ce qui ne veut pas dire que seules les pièces d'une certaine époque sont abouties et digne d'intérêt. Simplement, nous sommes en face d'un auteur pluriel, difficile à enfermer dans une seule grille d'analyse. Ce qui semble énormément perturber certains critiques. Et lorsqu'on creuse les oeuvres moins connues, on découvre des véritables trésors, comme cette Galerie du palais...
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Arabella- Messages : 4646
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Pierre Corneille
Hippolyte qui raille Dorimant qui lui fait la cour :
Ne me contez point tant que mon visage est beau :
Ces discours n'ont pour moi rien du tout de nouveau ;
Je le sais bien sans vous, et j'ai cet avantage,
Quelques perfections qui soient sur mon visage,
Que je suis la première à m'en apercevoir :
Pour me les bien apprendre, il ne faut qu'un miroir ;
J'y vois en un moment tout ce que vous me dites.
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Arabella- Messages : 4646
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Pierre Corneille
A lire tes commentaires tu me réconcilierais presque avec ces auteurs classiques qui m'ont tant ennuyée sur les bancs du collège puis du lycée ! J'en relirai peut-être à l'occasion.
Dernière édition par domreader le Ven 21 Juil - 19:19, édité 1 fois
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'La littérature est une maladie textuellement transmissible, que l'on contracte en général pendant l'enfance'. Jane Yolen.
domreader- Messages : 3093
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Ile de France
Re: Pierre Corneille
A part Molière, je n'ai étudié aucun auteur classique (dans le sens strict du mot) au collège ou au lycée. Ce n'était plus tendance. J'avais lu des choses par moi-même, tout Corneille, tout Racine...et de temps en temps j'ai vu certaines pièces au théâtre. Mais cette année j'ai suivi un MOOC sur le théâtre classique et eu le sentiment de découvrir un continent. Parce que c'est très codé, que pour l'appréhender il faut un peu comprendre le contexte, les règles...Mais dès qu'on a quelques bonnes clés, cela devient passionnant, vraiment.
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Arabella- Messages : 4646
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Pierre Corneille
tout comme Domreader, tu donnes vraiment très envie de découvrir tout cela...

on ressent ton enthousiasme, c'est beauArabella a écrit:Mais dès qu'on a quelques bonnes clés, cela devient passionnant, vraiment.

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