Laurent Petitmangin

Ce qu'il faut de nuit (ed. La manufacture de livres, août 2020)

Un père et ses deux fils. Une vie tranquille, avec ses malheurs, ses petits bonheurs, sa routine. Une vie quand même, où déjà, il faut se battre, résister, affronter. Le deuil de l'épouse, de la mère. Les factures pas toujours faciles à payer. Le coin (en Tourraine) où la vie et l'activité disparaissent.

Mais ce père et ses deux fils, cette petite famille, tiennent. Solidaires, proches, taiseux souvent mais dans le partage.

Jusqu'au jour où le père apprend que l'aîné, Fus, a été vu avec un groupe d’extrême droite. Il n'y croit pas tellement le père, c'est une erreur. Lui toujours de gauche, lui qui a amené ses fils tracter avec lui quand ils étaient jeunes, eux qui ont toujours connu les ouvriers, les employés, les cégétistes...
Fus esquive, noie le poisson.
Sauf que, oui, ils traînent avec ces gens. Ils collent aussi des affiches de Le Pen un peu partout.

Le père ferme un peu les yeux, refuse longtemps d'y croire. Et reporte toute son attention, tout son amour, sur le benjamin. Gillou, qui veut faire des études à Paris. Sur qui l'espoir repose.

Comment un père peut encore aimer un fils lorsque celui-ci choisit une voie contraire à ses convictions profondes, comment tenir sa famille, guider ses enfants quand on ne les comprend plus ?
Comment tendre une main, une oreille, comment parler quand les émotions submergent ?

Ce livre met à nu les sentiments contrariés de ces trois personnages, dans une incapacité à se parler, à se comprendre. Dans une pudeur délicate, Laurent Petitmangin offre un livre poignant, d'une grande humanité. Avec un talent de la phrase, où chaque mot porte le poids, l'intensité, la vérité de tout un trouble.

Un thème intéressant!

Ma libraire me confirmait hier qu'il était magnifique, ce roman. Et il a déjà obtenu Le prix Stanislas 2020, qui donne parait il les tendances de l'année.

Je l'ai mis de côté aussi! Merci pour ton com @Queenie!

Je suis sûre que ça vous plairait !

Plébiscité également par la librairie Ombres Blanches à Toulouse !

Quel bon goût !

Ce qu'il faut de nuit


Nous prenant à parti, comme s'il se confiait, le narrateur livre ses pensées. Il nous raconte comment, à la suite du drame survenu à l'hôpital et la disparition de sa femme, cette famille installée dans une Lorraine moribonde s'est trouvée désemparée. Le père, contraint d'élever seul ses garçons, deux ados encore fragilisés, a fait ce qu'il a pu. Entre ses journées au boulot, les dimanches au foot et les sorties d'école, peu de temps pour le syndicat des mineurs et ses propres aspirations. Mais la cohésion est de mise, les vacances un refuge et l'amour au delà des mots. Jusqu'au jour où Fus, l'ainé, se met à fréquenter un groupe d'extrême droite.

Récit touchant, nostalgique dans sa première partie. On partage la détresse de ce père qui s'efforce de bien faire. Il y a de la tendresse entre les lignes, de la pudeur aussi, on ressent les liens parfois muets qui les unissent. Puis viennent le doute, l'incompréhension, la colère et la honte. Un sentiment diffus de culpabilité aussi. Où cela a t'il cloché? A quel moment? 

Mais la suite m'a prise de plein fouet. Dans sa troisième partie, Laurent Petitmangin bascule son récit dans quelque chose de très fort qui m'a saisie par sa fulgurance et m'a laissée la gorge nouée. Je pense que ce livre vaut pour sa fin et surtout sa montée en puissance. Un style sec, sans verbiage mais très poignant. Une belle découverte, à suivre!

Ce qu’il faut de nuit

Un commentaire rapide pour appuyer vos propos !
J’ai trouvé ce premier roman brillant, d’une grande finesse psychologique. Tout sonne juste et la fracture qui se crée petit à petit au sein du cocon familial formé par le père et ses deux fils est remarquablement décrite.
Ce père, un peu perdu depuis la mort de sa femme mais désireux de bien faire et tout entier dévoué à ses fils, partagé entre son admiration pour eux puis sa honte, m’a profondément touchée. 
Nous le savons bien que nos enfants ne nous appartiennent pas aussi quand certains choisissent des chemins divergents des nôtres, qu’ils bafouent les valeurs auxquelles on croit, comment réagir ? Faire semblant de ne pas voir ? Aller à l’affrontement ? Les renier ? Culpabiliser ? 
Laurent Petitmangin aborde ce sujet délicat avec une grande sensibilité et en brossant le portrait de ce père désemparé, il nous renvoie à nos propres questions.
Pas de jugement ici mais quelques pistes esquissées. La dernière partie du livre est poignante.

Je crois que c'est le seul roman de la rentrée qui me tentait vraiment. Pas encore eu le temps de le lire. Mais tu confirmes l'avis de @Queenie et d'@Aeriale.

Contente de voir que ce livre continue son petit bout de chemin.

Ainsi Berlin
Éditions La manufacture de livres (oct 2021)

J'ai beaucoup moins aimé que Ce qu'il faut de nuit.
Mais beaucoup beaucoup moins.
Il est beau, bien écrit, intéressant, avec du suspens, une grande place laissée à l'interprétation, mais quelque chose n'a pas pris. Un personnage principal trop en retrait peut-être.

Le petit résumé :

La seconde guerre se termine enfin. Dans ce Berlin en ruines, il est aujourd’hui temps de reconstruire un monde meilleur. Les résistants Käthe et Gerd peuvent enfin agir en plein jour et s’engagent immédiatement pour sauver leur ville. Käthe, surtout, a de grandes ambitions pour son pays. Elle veut créer une élite allemande, et pour cela va jusqu’à mettre en place un programme pour éduquer les enfants issus des élites intellectuelles, dans un lieu fermé, protégé, secret. Gerd la suit, l’admire pour sa détermination, son patriotisme, mais il fait souvent des aller-retours entre l’Est et l’Ouest de Berlin, il se lie d’une forte amitié avec l’Américaine Liz, et il voit aussi tout ce que le monde occidental a de bon.

Ce roman apporte un regard neuf, complexe, très humain, sur ce moment clé de l’Histoire, lorsqu’une ville a été coupée en deux, quand des idéaux se sont confrontés, quand chacun et chacune pensait pouvoir créer un monde nouveau, plus juste, glorieux. On suit Gerd, l’homme plutôt effacé, et profondément bon, qui oscille d’un univers à l’autre, entre ses sentiments et ses idéaux. Un homme tiraillé et sensible, qui jouera le jeu de l’espionnage à contrecœur.

On retrouve les thèmes abordés dans Ce qu'il faut de nuit : comment faire quand des convictions (ici louables au départ) deviennent dangereuses, extrémistes ? Comment communiquer avec l'autre le doute, la mesure ?
Une nouvelle fois, son personnage principal est fidèle mais en retrait, en attente, assez passif sauf quand il n'a plus le choix.

C'est intéressant, et je trouve que cela fonctionnait parfaitement dans Ce qu'il faut de nuit, déjà c'était mieux écrit, et on comprenait mieux qu'un père puisse difficilement rejeter un fils, c'était mieux décrit le paradoxe entre l'attachement sentimental et l'éloignement dans les idéaux. Ici c'est un homme face à deux femmes, et il ne se décide pas.

Il y a tout de même de très belles scènes, des moments très forts (encore une fois, il aborde la paternité, et ce sont d'excellents passages), et j'ai beaucoup aimé le contexte historique, très bien rapporté je trouve - de cette ville en ruines, de l'espoir d'un monde meilleur...

Je me demande comment il va être reçu par les lecteurs et lectrices.

tiens, je l'avais remarqué parmi les nouveautés... ce que tu en dis ne me donne pas envie de me le procurer tout de suite...

Tiens...il a l'air moins évident que le précédent. Avec toujours ces thèmes effectivement. La tentation de l'extrémisme, le rapport à ce choix, la difficulté de se positionner

J'hésite, peut-être en lecture partage? Je vais en parler à mon groupe!