Jean Rouaud

Jean Rouaud



Jean Rouaud est né en 1952 à Campbon (Loire-Atlantique).
Après avoir obtenu une maîtrise, il occupe différents emplois provisoires, tels que pompiste, vendeur d'encyclopédies médicales ou monteur et démonteur de décors de théâtre.
En 1978, il est engagé à Presse-Ocean.
Il part ensuite à Paris, où il travaille dans une librairie, puis comme vendeur de journaux dans un kiosque.

Son premier roman, Les champs d'honneur est publié en 1990, et reçoit le prix Goncourt.
Il constitue le premier volet d'une suite romanesque qui se poursuit avec Des hommes illustres (sur la figure du père), Le Monde à peu près (sur le deuil du père), Pour vos cadeaux (portrait de la mère), et qui se clôt avec  Sur la scène comme au ciel (la cérémonie des adieux).

Les champs d'honneur




Le point de départ du récit s'articule autour de deux décès qui ont suivi la mort de son père : celui du grand-père maternel, et celui d'une tante de son père. Mais il y a bien plus que ça.
Pas de chronologie ici, mais des personnages qui sont dépeints dans leur quotidien, au travers d'anecdotes, de détours et de digressions. On passe donc d'une époque à l'autre. Pour autant rien de confus, les personnages sont tellement habités, le récit tellement vrai et touchant, que tout s’enchaîne avec grâce.
Parfois mélancolique, parfois drôle (il faut voir ces pages où l'auteur évoque le grand-père au volant de la 2CV, c'est tellement imagé et drôle).
La couverture du livre, dans sa version poche des Editions de Minuit, montre un soldat de la grande guerre. Ce n'est pourtant le sujet central du roman, elle est plutôt évoquée par petites touches, quand elle sert aussi d'écran à quelque secret. Mais soudain, vers la fin du livre (et sans rien dévoiler), on est sonné par quelques pages de description de cette guerre, sans doute parmi les plus belles qui ont été écrites.

C'est un très gros coup de cœur pour moi (30 ans pour le découvrir, il était temps).
Quelle délicatesse dans la manière de traiter cette histoire, et surtout, surtout, quel style !
En lisant Les champs d'honneur, j'ai pensé à @Arabella, qui aime tellement le style de Marie-Hélène Lafon et sa façon de s'attacher à ses personnages, ses évocations de la ruralité et de ces vies "simples". Et bien c'est vraiment dans la même veine.

Respect !

Merci  @Nightingale pour ce commentaire, c’est un livre que je voulais aussi lire depuis longtemps mais je craignais que le sujet de la guerre ne soit trop présent...Je le note donc !

C'est gentil de penser à moi, @Nightingale , mais ma dernière expérience d'un prix Goncourt parlant de la première guerre, a été assez éprouvante (Pierre Lemaître) et relativement récente, alors il me faudrait un petit peu de temps pour surmonter mes à priori. Mais je note dans un coin de la tête, s'il a un style aussi personnel et fort que M.-C. Lafon ...
Je vais peut-être jeter un oeil lors d'une visite en bibliothèque.

Nightingale a écrit:Les champs d'honneur

quel beau commentaire pour rendre justice à ce beau livre... que de bons souvenirs... un de mes grands moments de lectrice...

Liseron a écrit:Merci  @Nightingale pour ce commentaire, c’est un livre que je voulais aussi lire depuis longtemps mais je craignais que le sujet de la guerre ne soit trop présent...Je le note donc !

oh non, faut pas craindre le sujet de la guerre, tout comme le dit Nightingale, la couverture peut induire en erreur, mais c'est un livre extraordinaire

Des hommes illustres



Voici le deuxième volet de la suite romanesque initiée avec Les champs d'honneur.
Ce volume est consacré cette fois exclusivement au père du narrateur, subitement mort au noël 1963. Lui, le narrateur, n'a alors que 11 ans à cette époque.
Le roman relate le quotidien de ce père, représentant de commerce, qui parcours les routes au volant de sa voiture. Essentiellement les routes de Bretagne. Un personnage singulier.
Le parti pris est de saisir de nombreuses anecdotes, qui s'enchainent de digressions en digressions, souvent drôles, tout en restant infiniment touchant. Le portait de ce père est un hommage splendide.

Mais on le sait puisque c'est annoncé, le décès prématuré arrivera. Il clôt la première partie du roman, c'est à dire aux environs des deux tiers.
Dans une seconde partie, le dernier tiers donc, nous voilà repartis 20 ans en arrière, en pleine période de l'occupation allemande, l'évasion du père, sa période de clandestinité...

Une fois encore, c'est un coup de cœur littéraire. On retrouve ce magnifique style d'écriture, ces phrases qui s'enroulent, ce mélange de drôlerie et de nostalgie, toujours profondément humain, toujours très juste dans l'évocation de ces petits rien du quotidien.
Magnifique ! 

Le monde à peu près



Troisième volet.
Cette fois, le narrateur évoque sa propre enfance et jeunesse, sous le prisme de l'après-mort du père.
Enfant à 11 ans nouvellement orphelin de père, c'est donc dans une toute nouvelle perspective que lui apparait le monde.
On retrouve avec bonheur ce style résolument drôle, et souvent dans l'auto-dérision, pour évoquer ses années de collège dans une institution religieuse pour le moins austère. Au passage, sont évoquées avec toujours beaucoup de justesse ces petites choses du quotidien scolaire, les petites mais douloureuses brimades des profs. En une ou deux phrases tellement évocatrices, on ressent ces courts week-end de retour de l'internat, quand le dimanche arrive tellement vite.
Et puis viendront les débuts des années d'étudiant et les premiers émois amoureux.

Je suis encore tombé sous le charme, évidemment.