Jaume Cabré
5 participants
Page 1 sur 1
Jaume Cabré
Né à Barcelonne le 30/04/1947, Jaume Cabré est licencié en philologie catalane à l'université de Barcelonne. Professeur certifié et enseignant à l'université de Lleida, membre de la section philologique de l'Institut d'Estudis Catalans.
Il a combiné pendant de nombreuses années l'écriture et l'enseignement et a travaillé à l'écritude de scénarios pour la télévision et le cinéma. Il a par ailleurs écrit le script de plusieurs films.
5 fois Prix de la critique Serra d'Or
Prix Lletra d'Or
Prix d'honneur des lettres catalanes.
Honteusement copié sur Wikipedia.
Ginger Beluga- Messages : 53
Date d'inscription : 22/12/2016
Localisation : Des vignes... un estuaire
Re: Jaume Cabré
Jaumé Cabré - Sa Seigneurie.
Il s’agit d’un sujet grave, mais l’auteur malicieux s’amuse avec le lecteur. Le récit est ponctué d’humour élégant et de cynisme de haut vol qui confine à l’art. C’est une affaire de puissants et de petits, inexistants et sacrifiables. A la sauce Cabre, c’est savoureux.
En ces derniers jours du siècle et de l’année 1799, il pleut sur Barcelonne. Il pleut sans arrêt. Le froid, la grisaille et la boue jusqu'au dernier jour. Une cantatrice française est assassinée, démembrée. La justice se met en route. Mais l’apparence de la justice est-ce la justice ? Juger un crime pour en occulter un autre, quelle bonne affaire !
Pourtant la vie continue. En cette fin de siècle, on découvre de nouvelles étoiles dans l’univers. Certains commencent à percevoir que camper sur les positions prises par l’Eglise concernant l’univers, c’est entériner l’obscurantisme. De nouvelles fortunes se créent (les riches et les puissants de demain) que l’on dédaigne avec hauteur. Les quartiers de noblesse ne garantissent plus grand chose. En France la révolution vient de passer par là, la leçon ne porte pas. D'ailleurs bientôt Napoléon se tournera vers l'Espagne... 1808... mais ça c'est une autre histoire.
Les personnages de haut rang s’expriment dans un langage châtié et précieux mais toujours accompagné de leur pensée délicieusement ordurière. Cabré se joue admirablement bien de cette dualité de l’esprit. Ils se font des courbettes, se détestent. Les humbles ne peuvent se faire entendre, quelques-uns useront de sursauts d’opportunisme bien vite refrénés.
Le lecteur avance dans le récit, obligé de penser à la façon savamment désordonnée de Cabré. Il croit avoir compris et même anticipe, revient sur ses pas, découvrant un angle nouveau et aussi que tout était écrit : les faits sont connus dès le départ et s’éclairent peu à peu d’une lueur plus vive, diffèrent, s’expliquent.
Au fur et à mesure et autour de digressions sur la justice, la barrière sera plus floue entre condamneur et condamné. Le premier par une prise de conscience forcée se souviendra de l’innocent qu’il a envoyé à la potence et dont il a déjà oublié le nom, ultime cruauté. Satire sociale de la société espagnole : voleurs, menteurs, dupes et dupés, pauvres et priviligiés. Les uns utilisant les autres sans vergogne, allant jusqu’à les priver de vie pour protéger la leur, ce récit est un fourmillement permanent.
Et à la fin de la vie, de toute vie, vient la présentation de la facture, définie par les contraintes de la morale, la façon de penser de l’époque. Sa Seigneurie après des jours de panique et terrorisé à l'idée de perdre ses biens et titres, réalise qu’il (elle) a aussi perdu son âme et la possibilité d’une éternité. Remords, culpabilité, prise de conscience ou aveuglement voulu seront le lot de chacun, allant crescendo jusqu’à l’inévitable évidence : il faut y mettre fin. Le désespoir de soi conduit à la violence ultime.
Où tout se terminera ce dernier jour du siècle aux fêtes extraordinaires qui démontreront (orgeuil et courses aux honneurs) de par les invitaitons, la réussite sociale des uns et des autres. Nobles d’Espagne, vieille souche Bourbon, noblesse de religion ultra puissante, tous accrochés à leurs privilèges viendront briller de feux déjà pâlis, confraterniser entre nantis, s’associer dans de futurs plans consistant à perdre les autres , s’approprier charges et fortunes.
C’est pourtant la fin de leur fête. Ce siècle qui débute sera celui des nouvelles fortunes, manufacturiers et marchands en seront les rois.
Qu’ils rient, boivent, complotent ! Le monde tourne, leur monde tombe. Ils sont aveugles.
Je me suis laissée emporter par la faconde de Cabré. Mais en lectrice spectatrice. Un peu à la manière se Zola, ce roman est une étude de tempéraments des personnages plus que de caractères. Ceci fait que le lecteur ne s’y identifie pas. Ce recul ou voyeurisme, permet de saisir toute l’horreur des situations et le cynisme, comme une étude objective, sans parti-pris. Et l’on peut même s’en délecter.
Vous ai-je dit que je l'ai aimé ? Lancez-vous c'est de la bonne (lecture).
Dernière édition par Ginger Beluga le Lun 27 Mar - 8:27, édité 1 fois (Raison : Fautes.)
Ginger Beluga- Messages : 53
Date d'inscription : 22/12/2016
Localisation : Des vignes... un estuaire
Re: Jaume Cabré
merci pour ce fil et ce beau commentaireGinger Beluga a écrit:Vous ai-je dit que je l'ai aimé ? Lancez-vous c'est de la bonne (lecture).
j'ai lu quelques-uns de ses livres et je confirme, on passe à chaque coup un très bon moment avec lui
_________________
Life is a lot like Jazz
Best when you improvise
George Gershwin
Re: Jaume Cabré
Merci Ginger Beluga pour ce commentaire qui donne envie de lire Sa Seigneurie et Jaume Cabré qui est déjà sur ma liste, mais que je fais remonter d'un cran du coup !! J'adore les bons romans historiques en plus.
_________________
'La littérature est une maladie textuellement transmissible, que l'on contracte en général pendant l'enfance'. Jane Yolen.
domreader- Messages : 3619
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Ile de France
Re: Jaume Cabré
Sa Seigneurie
Jaume Cabré
Un roman savoureux qui explore avec un humour acide et gouailleur la déliquescence corrompue des notables barcelonais au tournant du 18ème siècle.
Nous sommes à Barcelone en 1799 et tous les notables que compte la ville sont réunis pour assister au récital donné par une célèbre cantatrice française. Elle se fait accompagner à la guitare pour un jeune musicien et compositeur local Nando Sorts. Ce dernier est avec son meilleur ami et poète, Andreu Perramon. Un jeune rêveur, bien fait de sa personne, dont la cantatrice ne fera qu’une bouchée, plus tard dans sa chambre d’hôtel.
Malheureusement, le matin suivant, la castafiore est retrouvée assassinée et affreusement mutilée dans sa chambre. Andreu se retrouve promptement accusé et arrêté pendant que de fausses preuves s’accumulent contre lui. Il s’agit bien évidemment de trouver un bouc émissaire pour couvrir d’autres crimes et préserver la réputation d’importantes personnalités locales tel Don Rafel Masso, ‘Sa Seigneurie’. Don Rafel est un personnage dont l’arrogance et le cynisme n’ont d’égal que sa couardise rusée. Il ne trouve la paix qu’en observant les constellations avec son télescope ainsi que l’intimité de sa voisine, la baronne Gaietana qu’il rêve de mettre dans son lit. Mais le tournant du siècle annonce peut-être que l'ordre du monde tel que Barcelone le connait, est sur le point de changer...un peu.
J’ai beaucoup aimé ce roman, qui se lit au final assez vite malgré son épaisseur. L’intrigue est prenante et le portrait de la haute société barcelonaise de l’époque est sans concession. En plus, Jaume Cabré ne manque pas d’humour et m’a fait plus d’une fois éclater de rire, ou au moins sourire. Voilà un auteur que j’avais envie de découvrir depuis longtemps, et dont je lirai d’autres romans.
_________________
'La littérature est une maladie textuellement transmissible, que l'on contracte en général pendant l'enfance'. Jane Yolen.
domreader- Messages : 3619
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Ile de France
Re: Jaume Cabré
Je n'associe pas du tout cet auteur à de l'humour, je ne l'ai jamais lu, mais là, clairement ça donne envie !
Il est toujours drôle ?
Il est toujours drôle ?
_________________
Et, du monde indistinct des rêves, là où se terrent les secrets mystiques, une réponse surgit.
Queenie- Messages : 7151
Date d'inscription : 29/11/2016
Localisation : Stable.
Re: Jaume Cabré
Queenie a écrit:Je n'associe pas du tout cet auteur à de l'humour, je ne l'ai jamais lu, mais là, clairement ça donne envie !
Il est toujours drôle ?
Je ne sais pas s'il est toujours drôle, c'est le seul livre que j'ai lu de lui. Mais je compte bien renouveler l'expérience.
_________________
'La littérature est une maladie textuellement transmissible, que l'on contracte en général pendant l'enfance'. Jane Yolen.
domreader- Messages : 3619
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Ile de France
Re: Jaume Cabré
Tu as l'air d'avoir passé un bon moment en compagnie de Sa Seigneurie, je le note !
_________________
"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux" Jules Renard
Liseron- Messages : 4306
Date d'inscription : 02/01/2017
Localisation : Toulouse
Re: Jaume Cabré
pour ceux que j'ai lu de lui, non... surtout Les voix du Panamo, c'est tout sauf drôle...Queenie a écrit:Il est toujours drôle ?
_________________
Life is a lot like Jazz
Best when you improvise
George Gershwin
Re: Jaume Cabré
kenavo a écrit:pour ceux que j'ai lu de lui, non... surtout Les voix du Panamo, c'est tout sauf drôle...Queenie a écrit:Il est toujours drôle ?
D'acc !
_________________
Et, du monde indistinct des rêves, là où se terrent les secrets mystiques, une réponse surgit.
Queenie- Messages : 7151
Date d'inscription : 29/11/2016
Localisation : Stable.
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum