De saison...

Ça m'a effleuré l'esprit !

Superbe !

oui, j'aime beaucoup Eyvind Earle, probablement plus connu pour ces décors qu'il a fait pour les studios Disney...
quelques autres impressions d'hiver...

kenavo a écrit:oui, j'aime beaucoup Eyvind Earle, probablement plus connu pour ces décors qu'il a fait pour les studios Disney...
quelques autres impressions d'hiver...

Oh oui, c'est superbe ces ombres bleutées sur la neige

Eyvind Earle, a travaillé pour Disney? Un nom à retenir en tout cas...

Aeriale a écrit:Eyvind Earle, a travaillé pour Disney? Un nom à retenir en tout cas...

je lui ai ouvert son fil

Voyage Organisé

Un matin, le trolleybus numéro 75, au lieu de descendre comme d’habitude dans le centre de Rome, contourna le Janicule et s’engagea sur la Voie Aurélienne, qui sort de la ville vers le nord-ouest en direction de Pise. Au bout de quelques minutes, il fonçait dans la campagne romaine comme un lièvre en vacances.
Les passagers, à cette heure-là, étaient presque tous des employés de bureau et lisaient le journal, même ceux qui ne l’avaient pas acheté et qui le lisaient par-dessus l’épaule du voisin. Un monsieur, en tournant la page, leva les yeux un instant, regarda à travers la vitre et se mit à crier :
- Monsieur le receveur, que se passe-t-il ? Au secours ! A l’aide ! Trahison !
A ces cris, les autres passagers levèrent les yeux de leur journal, et aussitôt éclata dans le trolley un chœur de protestations, une tempête d’injures :
- Mais par là on sort de la ville !
- Que fait le conducteur ?
- Il est fou à lier ! Liez-le !
- C’est la pagaille dans les services publics !
- Il est neuf heures moins dix et je dois être au tribunal à neuf heures précises ! s’exclama un avocat. Si je rate mon procès, je traîne en justice la Compagnie des Transports Urbains !
Le receveur et le conducteur tentaient de repousser l’assaut, déclarant qu’ils n’y étaient pour rien, que le trolley n’obéissait plus aux commandes et n’en faisait qu’à sa tête. En effet, au même moment, le trolley quitta carrément la route et alla s’arrêter à l’orée d’un bois frais et parfumé.
- Oh, des cyclamens ! s’écria une dame avec ravissement.
- C’est le moment de penser aux cyclamens ! grogna l’avocat.
- Ça m’est égal, déclara la dame, j’arriverai en retard au ministère, je me ferai passer un bon savon, de toute façon ça ne me changera guère, mais pendant que j’y suis-je vais enfin pouvoir me passer cette envie : il doit bien y avoir dix ans que je n’ai pas cueilli de cyclamens !
Elle descendit du trolley et respirant à pleins poumons l’air pur de ce matin insolite, se mit à faire un bouquet de cyclamens.
Constatant que le trolley ne voulait toujours rien savoir, les passagers, l’un après l’autre, descendirent se dégourdir les jambes ou fumer une cigarette, tandis que leur mauvaise humeur se dissipait comme une brume matinale sous le soleil printanier. Tel d’entre eux cueillait une marguerite et l’enfilait à sa boutonnière ; tell autre découvrait une friase des bois encore verte et s’écriait :
- C’est moi qui l’ai trouvée ! Je vais y mettre ma carte de visite, puis je viendrai la cueillir quand elle sera mûre, et gare si je ne la retrouve plus !
Aussitôt dit aussitôt fait : il sortit une carte de visite de son portefeuille, l’enfila sur un cure-dent et planta le cure-dent à côté de la fraise. On pouvait lire sur « l’écriteau » :
Jules Bollati, Directeur littéraire
Deux fonctionnaires du Ministère de l’Education Nationale froissèrent en boule leur journal et commencèrent une partie de football. A chaque coup de pied dans ce ballon improvisé, ils hurlaient : « Au diable ! »
Bref on ne reconnaissait plus ces mêmes fonctionnaires qui, peu auparavant voulaient lyncher les deux employés du trolley. Ces derniers quant à eux, s’étaient partagé un gros sandwich à l’omelette et faisaient un pique-nique sur l’herbe.
- Attention ! cria soudain l’avocat.
Le trolley s’ébranlait lourdement et repartait, tout seul, au petit trot. Les voyageurs eurent tout juste le temps de le prendre au vol. La dernière à sauter dedans fut la dame aux cyclamens, qui protestait :
- Ce n’est pas un jeu ! Moi qui commençais à peine à m’amuser !
- Quelle heure peut-il bien être ? demanda quelqu’un.
- Oh là là, il doit être tard !
Ils regardèrent tous leur poignet. Surprise générale : leur montre marquait toujours neuf heures moins dis ! De toute évidence, les aiguilles n’avaient pas tourné pendant tout le temps qu’avait duré cette partie de campagne. Ç’avait été un petit supplément de temps gratis, une sorte de cadeau-réclame, comme ces jouets qu’on trouve dans les paquets de lessive.
- Mais c’est impossible ! s’étonnait la dame aux cyclamens, tandis que le trolley, retrouvant son parcours normal, dévalait les rues vers le centre de la capitale.
Personne n’y comprenait rien. Et pourtant, ce n’était pas si difficile à comprendre ; car enfin ils avaient tous le journal sous les yeux, avec la date bien visible en haut de chaque page :
20 mars. Le premier jour du printemps, voyons, tout est possible !

Gianni Rodari, Histoires au téléphone