Alice Coffin

Le génie lesbien, ed Grasset (octobre 2020)

Vous avez forcément vu, entendu, parler de ce livre. Je vous conseille d'essayer de trouver d'écouter les voix de ceux et celles qui l'ont apprécié (et lu) plutôt que les vilipendeurs et vilipendeuses.

Parce que. Non. Le livre n'est pas l'apologie de la misandrie, et ne prêche pas la disparition de l'homme.

Ce livre est une extension littéraire évidente de son projet sur la neutralité des médias français, et l'impact négatif que cela peut avoir sur la visibilité lgbtqi, et surtout des lesbiennes.
C'est un ouvrage très intéressant qui raconte comment, sous couvert de cette neutralité, les médias français musèlent les militants, activistes, personnes concernées.
Ainsi : une lesbienne n'est pas autorisée à écrire un article sur la PMA, une noire n'est pas autorisée à écrire un article sur les violences policières, une arabe ne pourra écrire d'article sur les problèmes de racisme ... etc... parce qu'elles sont trop de parti pris.
Intentionnellement je mets ELLES, car le fait d'être une femme ajoute à obstacle à la prise de parole.

Et finalement, qui s'occupent de ces articles : des hommes blancs cis hétéro. Qui ne connaissent Rien au sujet. Sous couvert d'une neutralité, ils couvrent l'actualité, les problème sociétaux, par le prisme de leur regard de celui qui a plutôt été peinard toute sa vie.

Le deuxième point, Alice Coffin, se plaint que - découlant aussi de cette neutralité - les homo et lesbiennes sont invisibilisés. Les personnes célèbres (actrices, politiques, sportives, animatrices...) ne font que rarement leurs coming out. Et si celui-ci a été fait, très rarement, ou par des tournures de phrases alambiquées, le "sujet" est abordé.
Une honte, qui perdure.
Le problème qui perdure : difficile pour toute une jeunesse d'avoir des représentations auxquelles s'identifier. L'impression de ne pas exister, de ne pas avoir d'exemple, d'être en dehors de la normalité.

De mon expérience personnelle, je me suis beaucoup retrouvée dans ce pointage du doigt d'un problème : une société qui s'évertue à ne montrer que des blancs hétéro, forcément, ça questionne, bouleverse, traumatisme l'ado. Et surtout, ça met des œillères à tout le reste de la population. Marginalisant une partie muette.

Évidemment, à ce discours, beaucoup avancent l'argument vie privée/vie publique. Sauf qu'en fait, si on creuse un peu, beaucoup (tous) ont tellement vécu toute leur construction dans le secret, le déni, le tabou, la honte, qu'on a de toutes façons du mal à s'afficher, en parler, le nommer naturellement dans les conversations.
C'est un fait : à la question "et toi, t'es en couple ?" - on répond, mais on bute, parce qu'on a pas l'habitude, parce qu'on a peur, parce que toute une partie de sa vie on nous a dit que c'était anormal.

C'est un problème.
Que certain·e·s ne veuillent pas l'affirmer haut et fort, oui. Que ce soit la majorité, ça questionne. Cette soi-disant pudeur...
Et puis, à un moment, c'est important pour les générations futures, de leur montrer que c'est possible, que c'est facile.
Qu'être Queer ce n'est pas forcément être tabassé·e, humilié·e, rejeté·e. Trop souvent, les médias ne mettent que ça en avant. On parle d'un pdgouine : c'est qu'il·elle s'est fait casser la gueule.

Plus les homos et lesbiennes seront visibilisé·e·s dans une normalité, plus la société s'en portera mieux.

Enfin Alice Coffin parle des combats, du militantisme. Elle montre, elle dit, après moult recherches, comment, souvent les lesbiennes ont été mené la lutte. Pour d'autres causes que la leur, ou pour la leur. Comment elles sont souvent là, parfois à l'origine des mouvements (c'est une lesbienne qui a eu l'idée de la Gay Pride, par exemple - mais il y a plein d'autres exemples). Et qu'elles ne sont jamais citées, jamais su.

Elle explique que cela découle forcément du fait qu'elles sont des femmes, qu'elles sont des femmes qui font peur - parce que leur statut même de lesbiennes les mettent d'emblée contre le pouvoir masculiniste. Donc, il vaut mieux ne pas trop savoir qu'elles existent, et encore moins qu'elles ont permis beaucoup de luttes.

...

Oui, Alice Coffin essaye de ne lire, regarder, écouter, que des œuvres de femmes (je l'ai fait pour la lecture pendant plusieurs mois, et oui, étrangement (?) ça apporte un souffle de légitimité, de remise à leur place - importante - de l'art. Celui duquel les femmes ont été escamotées) mais elle ne prône pas la disparition de l'homme. Elle prône l'importance de mettre en avant les femmes qui ont été trop souvent laissées dans l'ombre par les hommes. Je trouve ça louable. Il sort beaucoup d'ouvrages en ce moment, portraits de femmes et de leurs exploits, je suis assez étonnée de voir, qu'en effet, toute notre éducation, elles n'ont pas été mises autant en avant que les hommes...

...

Voilà pour mon petit topo. Très personnalisé, sur ce Génie Lesbien.

Pour la critique stylistique : c'est parfois un peu redondant. Pour une idée, beaucoup d'exemples cités, qui parfois se répètent. Mais je suppose qu'il faut plusieurs bons coups de marteaux pour qu'un clou soit enfoncé solidement.

Une piqure de rappel bien nécessaire en effet. La marginalisation des femmes, leur invisibilité est insupportable, celle des lesbiennes est encore plus forte, tu as raison.

Cela fait moment qu'on entend parler de ce livre, et il y a de plus en plus de débats sur le sujet de l'invisibilité féminine (plus ou moins heureux d'ailleurs). Je viens d'en voir un sur Arte (le 28 minutes quotidien du 21/10) qui résume assez bien ce dont tu parles. Le débat s'est plutôt mal terminé d'ailleurs, mais connaissant mal les 2 protagonistes j'avais du mal à juger.  Regarde le, tu verras c'est intéressant et aussi édifiant. Il y avait Rokhaya Diallo et Pascal Bruckner.

Le Bruckner dit des grosses saloperies depuis longtemps.

Et là. Commencer par : "l'Europe est blanche à 95%". Quelle violence. Ce chiffre est juste ?
En tout cas, c'est direct rendre minoritaire le discours de mal être des racisé·e·s.

Je trouve qu'il est très important, aujourd'hui, que les minorités soient protégées, mises en avant. Car elles ont été muselées pendant tant de décennies.

Et quelle est cette peur des mâles blancs de voir venir de la diversité ? Voir leur suprématie s'écrouler. Évidemment que ça les énerve, les perturbe.

Mais vu comment la société va mal, si on essayait de donner son importance à tout le monde. Une vraie égalité.


Et oui, je crois, je vois, qu'on est obligé aux quotas, puisque naturellement, le droit à la parole, à la visibilité, n'a jamais été équitable jusque là.

Et c'est quand même dingue qu'on en soit encore là.
Pourquoi un·e noir·e se sent menacé·e quand il·elle marche dans la rue ?
Pourquoi un couple queer, a peur de se voir refuser un appartement ?
Pourquoi une femme n'a pas le droit au même salaire qu'un homme ?

Toussa !

Bravo...et en plus, elle est de Toulouse ! Si elle vient rencontrer son public à la librairie Ombres blanches, je te préviens @queenie !

Queenie a écrit:
Et quelle est cette peur des mâles blancs de voir venir de la diversité ? Voir leur suprématie s'écrouler. Évidemment que ça les énerve, les perturbe.

Pas moi ! Bisous à toutes... et ne lâchez rien.

Nightingale a écrit:

Queenie a écrit:
Et quelle est cette peur des mâles blancs de voir venir de la diversité ? Voir leur suprématie s'écrouler. Évidemment que ça les énerve, les perturbe.

Pas moi ! Bisous à toutes... et ne lâchez rien.

 

Queenie a écrit:Et c'est quand même dingue qu'on en soit encore là.
[...]Pourquoi un couple queer, a peur de se voir refuser un appartement ?

A ce point?? Je comprends qu'il y ait encore du chemin à faire, mais tout cela parait aberrant au XXI eme siècle. Terrible cet obscurantisme.

Respect pour son combat, j'ai en effet beaucoup entendu parler d'elle!

Nightingale a écrit:

Queenie a écrit:
Et quelle est cette peur des mâles blancs de voir venir de la diversité ? Voir leur suprématie s'écrouler. Évidemment que ça les énerve, les perturbe.

Pas moi ! Bisous à toutes... et ne lâchez rien.

Arrête de faire le sympa toi, je vais finir par t'apprécier !

Aeriale a écrit:

Nightingale a écrit:

Queenie a écrit:
Et quelle est cette peur des mâles blancs de voir venir de la diversité ? Voir leur suprématie s'écrouler. Évidemment que ça les énerve, les perturbe.

Pas moi ! Bisous à toutes... et ne lâchez rien.

 

Queenie a écrit:Et c'est quand même dingue qu'on en soit encore là.
[...]Pourquoi un couple queer, a peur de se voir refuser un appartement ?

A ce point?? Je comprends qu'il y ait encore du chemin à faire, mais tout cela parait aberrant au XXI eme siècle. Terrible cet obscurantisme.

Respect pour son combat, j'ai en effet beaucoup entendu parler d'elle!

Évidemment, à ce point.
Des choses avancent, mais comme la majorité a l'impression d'être dans son bon droit, protéger par les tabous, l'invisibilisation et tout ce fatras, y'a encore souvent des comportements dégueulasses.

Queenie a écrit:

Nightingale a écrit:

Queenie a écrit:
Et quelle est cette peur des mâles blancs de voir venir de la diversité ? Voir leur suprématie s'écrouler. Évidemment que ça les énerve, les perturbe.

Pas moi ! Bisous à toutes... et ne lâchez rien.

Arrête de faire le sympa toi, je vais finir par t'apprécier !

 

Blague à part, pour en revenir à Alice Coffin (que je ne connais pas plus que ça, je précise), le problème est qu'elle se retrouve invitée sur différents plateaux télé, pour parler de son livre.
Et évidemment, certains sont ravis de pouvoir faire le buzz avec une invitée comme elle, qui a son franc-parler (euphémisme).Dans d'autres cas, ce n'est guère plus valorisant, car le format de ses interviews lui impose de répondre en cascade à des questions ciblées sur telle ou telle phrase de son livre, de préférence celles qui peuvent faire polémique (c'est tellement facile en ce moment : TOUT peut faire polémique).
Bref, elle se retrouve une peu poussée dans ses retranchements. Du coup, ce qu'elle exprime donne une impression assez caricaturale, ce qui évidemment va permettre à ses détracteurs de montrer à quel point elle est intolérante, etc, etc... et voilà la boucle est bouclée.
Enfin ce n'est que mon avis. Mais je suis convaincu que ce qu'elle exprime est parfaitement digne d'intérêt, et en tout cas mérite tout à fait le respect.

Suis toujours sympa, Queenie ?

Elle le dit dans son livre : elle est très mauvaise pour se défendre lorsque c'est elle qui est attaquée. Beaucoup plus à l'aise lorsqu'il s'agit de protéger une autre, ou de débattre sur des idées.

Elle ne devrait pas aller sur tous ces plateaux télé. Je pense qu'effectivement, pour le coup, les medias parviennent très bien à manipuler leurs questions et leurs images pour la destabiliser et rendre son discours bafouillant, vindicateur, et caricatural.

Quand je vois des commentaires sur Twitter... y'a vraiment de quoi vomir...

Mais c'est ainsi, et c'est très courageux de sa part. D'être seule ainsi. J'espère qu'elle a mille soutiens en privé.

Ce qui est bien, c'est qu'elle a largement matière pour un deuxième livre étudiant le rapport des médias à leur autocritique (qu'ils ne font pas, préférant déplacer le discours. Car je le rappelle, un gros tiers de son livre voir la moitié, traite de l'incompétence des journalistes. En tout cas elle remet en cause leur façon de bosser. Et personne n'en parle).

Je vais peut-être vous copier ici certains passages.
Après tout, personne ne se gêne pour extirper des bouts de mots pour la vilipender, pourquoi ne pas faire l'inverse ?