Charles Ferdinand Ramuz
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Charles Ferdinand Ramuz
Charles Ferdinand Ramuz, né à Lausanne le 24 septembre 1878 et mort à Pully le 23 mai 1947, est un écrivain et poète suisse dont l'œuvre comprend des romans, des essais et des poèmes où figurent au premier plan les espoirs et les désirs de l'Homme. Ramuz puisa dans d'autres formes d'art (peinture, cinéma) pour contribuer à la redéfinition du roman. Son portrait figure sur les billets de 200 francs suisses.
Ramuz effectue toutes ses études dans le Canton de Vaud. Il obtient son baccalauréat en 1895 et entreprend une licence en lettres classiques, qu'il obtient en 1901, à la Cité, qui rassemblait sous son toit l'université de Lausanne et le gymnase classique. Immédiatement après, il enseigne au collège d'Aubonne, localité située dans une région viticole de son canton. En 1902, il se rend à Paris afin de préparer, à la Sorbonne, une thèse de doctorat (sur Maurice de Guérin) qu'il abandonne bien vite pour se consacrer à l'écriture.
Durant plus de dix ans, Ramuz partage alors son temps entre la Suisse romande et Paris où il est introduit dans le salon d'Édouard Rod. C'est par l'intermédiaire de ce dernier que l'écrivain parvient à publier son premier roman, Aline (1905), à Paris, aux éditions Perrin. Il avait précédemment publié chez Eggimann, à Genève, un recueil de poésie à compte d'auteur intitulé Le Petit Village (1903). Durant ses années « parisiennes », Ramuz a publié cinq romans, chez différents éditeurs de la capitale (Perrin, Fayard, Ollendorff). Peu après la naissance de sa fille, et quelques semaines à peine avant le début de la Première Guerre mondiale, il décide de rentrer en Suisse, où il reste jusqu'à sa mort.
Paris offre l'occasion à Ramuz de fréquenter de nombreux écrivains et artistes, suisses ou français : il partage un temps un logement avec Charles-Albert Cingria, rencontre le peintre René Auberjonois avec qui il se lie d'amitié ; il y retrouve Henry Spiess et Adrien Bovy, et il y fait également la connaissance des frères Tharaud et d'André Gide.
À son retour en Suisse, il devient le fer de lance des Cahiers vaudois que viennent de fonder à Lausanne ses amis Edmond Gilliard et Paul Budry sur le modèle des Cahiers de la quinzaine de Charles Péguy. Ramuz en signe le manifeste, Raison d'être (1914), et y publie de nombreux volumes, dont Adieu à beaucoup de personnages et autres morceaux (1914), Les Signes parmi nous (1919) et le texte de l'Histoire du soldat dont Igor Stravinsky a composé la musique et qui n'a connu jusqu'alors qu'une seule représentation, à Lausanne, en 1918. Le contexte de l'immédiat après-guerre, le renchérissement, auront raison des Cahiers vaudois, et Ramuz, qui y publie alors tous ses livres, se retrouve sans structure éditoriale.
Après une période difficile, aussi bien sur le plan financier que sur le plan artistique, qui voit notamment Ramuz « fabriquer » ses livres lui-même, comme il le dit, il signe en 1924 un contrat aux éditions Grasset, où il est en contact avec l'écrivain Henry Poulaille. Il publie alors la plupart de ses livres en deux temps, à Lausanne d'abord, chez Mermod, éditeur et mécène, puis à Paris, chez Grasset. C'est alors le temps de la consécration. Si ses livres ne sont pas à proprement parler des succès de librairie, il obtient la reconnaissance de ses pairs, mais son style fait polémique. En effet, il n'hésite pas à malmener la syntaxe pour trouver une langue expressive, qu'il oppose à la langue morte des grammairiens. On lui reproche de « mal écrire », et de mal écrire « exprès ». La polémique est engagée. Partisans et détracteurs de l'écrivain s'expriment notamment dans un ouvrage collectif dirigé par Henry Poulaille et portant le titre explicite de : Pour ou contre C. F. Ramuz (1926). L'écrivain réagit à son tour en publiant en 1929 son fameux plaidoyer intitulé Lettre à Bernard Grasset. Courtisé par Jean Paulhan qui souhaite le voir intégrer la maison Gallimard, Ramuz reste fidèle à Grasset, mais donne toutefois quelques textes à la Nouvelle Revue française. La Deuxième Guerre mondiale coupe un peu plus Ramuz de Paris, et à la fin de la guerre, l'écrivain, souffrant, ne parvient pas à revenir sur le devant de la scène, notamment occupé par une nouvelle génération d'écrivains issus de la Résistance.
(wikipédia)
Sélection d'ouvrages:
1903 Le Petit village
1905 Aline
1908 Le Village dans la montagne
1908 Jean-Luc persécuté
1911 Aimé Pache, peintre vaudois
1913 Vie de Samuel Belet
1914 L’Exemple de Cézanne
1917 Le Règne de l'esprit malin
1917 La Guérison des maladies
1922 Présence de la mort
1922 La Séparation des races
1923 Passage du poète (ou Fête des vignerons)
1925 L'Amour du monde
1925 Joie dans le ciel
1926 La Grande Peur dans la montagne
1927 La Beauté sur la terre
1932 Farinet ou la fausse monnaie
1934 Derborence
1936 Le Garçon savoyard
1937 Si le soleil ne revenait pas
1938 Paris, notes d'un Vaudois
1942 La Guerre aux papiers
1946 Les Servants et autres Nouvelles
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“With freedom, books, flowers, and the moon, who could not be happy?” Oscar Wilde
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Re: Charles Ferdinand Ramuz
Les Servants et autres nouvelles
J’ai commencé la découverte de l'auteur avec ce recueil de nouvelles publié en 1946, donc à la fin de la vie de Ramuz et au sommet de son art littéraire. J’aime bien les nouvelles en général et je dois dire que celles-ci sont vraiment bien écrites et construites.
Chaque histoire se suffit à elle-même mais semble aussi être une tranche de vie échappée d’un roman plus vaste qui dépeindrait la vie d’une communauté villageoise montagnarde.
Ce sont souvent les drames dus à une existence difficile et un environnement naturel rude qui sont évoqués, chutes en montagne, accident de bucheron, mais aussi le désordre et la violence des sentiments, ceux d’une femme rendue folle par le départ de son amant, ceux de garçons qui convoitent des filles inaccessibles…
Ramuz nous fait toujours entrer et sortir de façon un peu abrupte de ces histoires, comme pour nous faire sentir qu’elles avaient commencé sans nous, et continueront de même sans nous. Il y a donc pas mal de non-dit mais son écriture évocatrice et surtout son talent de conteur font rapidement prendre vie aux personnages, aux décors, aux ambiances. J’ai souvent lu ailleurs que son style était décrit comme rude ou rugueux, mais je ne l’ai pas ressenti de cette manière. Ces répétitions, ces changements de temps fréquents (passage du passé au présent) donnent comme une sorte de rythme au récit qui capte l’attention du lecteur, le replace sans arrêt dans le présent et la réalité de l'histoire. Un rythme un peu irrégulier et surprenant pour qui n’est pas habitué mais plutôt efficace. Pour le reste, c'est une belle écriture saisissante, poétique et même harmonieuse.
J’ai commencé la découverte de l'auteur avec ce recueil de nouvelles publié en 1946, donc à la fin de la vie de Ramuz et au sommet de son art littéraire. J’aime bien les nouvelles en général et je dois dire que celles-ci sont vraiment bien écrites et construites.
Chaque histoire se suffit à elle-même mais semble aussi être une tranche de vie échappée d’un roman plus vaste qui dépeindrait la vie d’une communauté villageoise montagnarde.
Ce sont souvent les drames dus à une existence difficile et un environnement naturel rude qui sont évoqués, chutes en montagne, accident de bucheron, mais aussi le désordre et la violence des sentiments, ceux d’une femme rendue folle par le départ de son amant, ceux de garçons qui convoitent des filles inaccessibles…
Ramuz nous fait toujours entrer et sortir de façon un peu abrupte de ces histoires, comme pour nous faire sentir qu’elles avaient commencé sans nous, et continueront de même sans nous. Il y a donc pas mal de non-dit mais son écriture évocatrice et surtout son talent de conteur font rapidement prendre vie aux personnages, aux décors, aux ambiances. J’ai souvent lu ailleurs que son style était décrit comme rude ou rugueux, mais je ne l’ai pas ressenti de cette manière. Ces répétitions, ces changements de temps fréquents (passage du passé au présent) donnent comme une sorte de rythme au récit qui capte l’attention du lecteur, le replace sans arrêt dans le présent et la réalité de l'histoire. Un rythme un peu irrégulier et surprenant pour qui n’est pas habitué mais plutôt efficace. Pour le reste, c'est une belle écriture saisissante, poétique et même harmonieuse.
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Re: Charles Ferdinand Ramuz
Aline
Ce court roman se situe à l’autre extrémité de la chronologie ramuzienne puisque qu'il a été écrit en 1906. Aline, sage jeune fille de 17 ans, vit de manière simple avec sa mère veuve. Un jour d’été, elle cède aux avances de Julien, fils d’un riche propriétaire terrien. Pour lui, coureur de jupons du village, il ne s’agit que d’une aventure et il va délaisser rapidement la pauvre et naïve Aline, mais elle, elle en est tombée passionnément amoureuse.
C’est une tragédie banale en somme, Ramuz reprend le thème vieux comme le monde de la fille séduite et abandonnée qui sombre dans la folie et la déchéance, fille-mère jugée et rejetée par une communauté villageoise bien-pensante.
Sous une autre plume, un tel drame aurait facilement pu virer au mélo. Ici rien de tel, et c’est une histoire qui m’a bien touchée et que j’ai lue d’une traite. C’est d’ailleurs étonnant comme l’écriture de Ramuz, qui semble concise et parfois même un peu sèche, arrive à émouvoir, probablement car elle retranscrit avec vérité les états d’âme et tourments de ses personnages. J’ai cru lire ailleurs que Ramuz avait été taxé de misogynie, or ici son analyse de la psychologie féminine sonne juste et semble prouver le contraire. A sa manière un peu sèche, on sent même sa compassion pour son héroïne.
La nature est également décrite de manière très évocatrice, et on peut ressentir les différentes ambiances des saisons d’une histoire qui s’étale sur une année, d’un été à l’autre. Un roman plutôt bien maîtrisé, dont on ne devinerait pas qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse, mais je connais encore mal Ramuz. Donc ça m'a bien donné l'envie de continuer la découverte de son oeuvre
Ce court roman se situe à l’autre extrémité de la chronologie ramuzienne puisque qu'il a été écrit en 1906. Aline, sage jeune fille de 17 ans, vit de manière simple avec sa mère veuve. Un jour d’été, elle cède aux avances de Julien, fils d’un riche propriétaire terrien. Pour lui, coureur de jupons du village, il ne s’agit que d’une aventure et il va délaisser rapidement la pauvre et naïve Aline, mais elle, elle en est tombée passionnément amoureuse.
C’est une tragédie banale en somme, Ramuz reprend le thème vieux comme le monde de la fille séduite et abandonnée qui sombre dans la folie et la déchéance, fille-mère jugée et rejetée par une communauté villageoise bien-pensante.
Sous une autre plume, un tel drame aurait facilement pu virer au mélo. Ici rien de tel, et c’est une histoire qui m’a bien touchée et que j’ai lue d’une traite. C’est d’ailleurs étonnant comme l’écriture de Ramuz, qui semble concise et parfois même un peu sèche, arrive à émouvoir, probablement car elle retranscrit avec vérité les états d’âme et tourments de ses personnages. J’ai cru lire ailleurs que Ramuz avait été taxé de misogynie, or ici son analyse de la psychologie féminine sonne juste et semble prouver le contraire. A sa manière un peu sèche, on sent même sa compassion pour son héroïne.
La nature est également décrite de manière très évocatrice, et on peut ressentir les différentes ambiances des saisons d’une histoire qui s’étale sur une année, d’un été à l’autre. Un roman plutôt bien maîtrisé, dont on ne devinerait pas qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse, mais je connais encore mal Ramuz. Donc ça m'a bien donné l'envie de continuer la découverte de son oeuvre
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Re: Charles Ferdinand Ramuz
La beauté sur la terre
1927
Juliette, jeune métisse cubaine, débarque un jour dans un village vaudois des bords du lac Léman. Elle est recueillie par son oncle aubergiste, seule famille qui lui reste puis, suite à l’hostilité de sa femme, doit se réfugier chez Rouge, un pêcheur.
Dès son arrivée, la beauté exotique de Juliette sème le trouble parmi la population, éveillant le désir de tous les hommes, jeunes comme vieux. Certains veulent se l’approprier par la force, d’autres de façon plus douce et amicale, mais la volonté de posséder ce bel objet (car c’est son physique qui fascine, on ne sait rien d’elle) est la même.
Ce qui est étonnant c’est qu’en dépit de sa beauté éclatante et solaire, Juliette est un personnage discret et en retrait, souvent réfugiée dans sa chambre, n’apparaissant que par brefs moments. Les villageois l’épient de loin, depuis une falaise. L’auteur ne décrit d’ailleurs que des parties d’elle, une épaule, une jambe, sa chevelure, des yeux, une bouche. Comme si elle ne pouvait pas décrite dans sa totalité mais seulement par petites touches, pour préserver son mystère (comme les dragons sur les peintures asiatiques) ou plutôt pour démontrer que la beauté est insaisissable.
Voici un passage qui vire presque au mystique où la fille apparaît quasiment comme une divinité, sa beauté radieuse et celle de la nature se font écho. Et à nouveau Ramuz laisse planer le doute sur son apparence, est-elle nue ou habillée ?
Le thème de l’intégration et de l’identité de l’étranger m’ont parus secondaires, en tout cas ils ne m’ont pas semblé être au centre de l'histoire. Car on ne sait pas vraiment ce que pense Juliette, l’auteur ne nous fait pas partager ses pensées, on assiste à son malaise de l'extérieur.
C'est plutôt ce thème de la beauté insaisissable, de superbes descriptions de paysages et toujours ce style surprenant bousculant les conventions narratives (mélange des personnes, des temps) que je retiendrai de ce beau roman.
1927
Juliette, jeune métisse cubaine, débarque un jour dans un village vaudois des bords du lac Léman. Elle est recueillie par son oncle aubergiste, seule famille qui lui reste puis, suite à l’hostilité de sa femme, doit se réfugier chez Rouge, un pêcheur.
Dès son arrivée, la beauté exotique de Juliette sème le trouble parmi la population, éveillant le désir de tous les hommes, jeunes comme vieux. Certains veulent se l’approprier par la force, d’autres de façon plus douce et amicale, mais la volonté de posséder ce bel objet (car c’est son physique qui fascine, on ne sait rien d’elle) est la même.
Ce qui est étonnant c’est qu’en dépit de sa beauté éclatante et solaire, Juliette est un personnage discret et en retrait, souvent réfugiée dans sa chambre, n’apparaissant que par brefs moments. Les villageois l’épient de loin, depuis une falaise. L’auteur ne décrit d’ailleurs que des parties d’elle, une épaule, une jambe, sa chevelure, des yeux, une bouche. Comme si elle ne pouvait pas décrite dans sa totalité mais seulement par petites touches, pour préserver son mystère (comme les dragons sur les peintures asiatiques) ou plutôt pour démontrer que la beauté est insaisissable.
Voici un passage qui vire presque au mystique où la fille apparaît quasiment comme une divinité, sa beauté radieuse et celle de la nature se font écho. Et à nouveau Ramuz laisse planer le doute sur son apparence, est-elle nue ou habillée ?
J'ai été frappée par le style saccadé et fragmenté, et cela s'accentue au fil du roman, comme pour montrer l'explosion de cette communauté gagnée par le désordre.C’est alors qu’elle était reparue ; et il y avait eu une grande joie sur les montagnes. Elle s’est avancée, elle s’avançait sous le châle de soie ; dans le mouvement en avant de la marche, on voyait les longues franges monter en glissant le long de ses jambes, puis aller de chaque côté de leur rondeur en s’écartant. Elle a posé ses beaux pieds nus sur les cailloux. Et tout à coup le châle jaune l’a quittée, en même temps Décosterd pousse à l’eau la Juliette, en même temps les montagnes brillaient, les poissons sautaient hors de l’eau, mais elle brillait à présent elle aussi, elle brillait de ses bras nus, elle brillait de ses larges épaules. On a entendu crier les enfants sur le radeau : c’est qu’elle leur venait droit dessus, par jeu. Elle s’était mise aux rames, elle avait dirigé sur eux la pointe de la Juliette : alors ils ont essayé d’abord de lui échapper en ramant aussi, puis, voyant qu’ils n’y réussissaient pas, ils se jettent à l’eau l’un et l’autre…
Lui, là-haut, regarde toujours. Il a vu que les montagnes en ce moment avaient été atteintes sur leur côté par le soleil qui descendait, en même temps que la lumière était moins blanche ; il y avait comme du miel contre les parois de rocher. Plus bas, sur la pente des prés, c’était comme de la poudre d’or ; au-dessus des bois, une cendre chaude. Tout se faisait beau, tout se faisait plus beau encore, comme dans une rivalité. Toutes les choses qui se font belles, toujours plus belles, l’eau, la montagne, le ciel, ce qui est liquide, ce qui est solide, ce qui n’est ni solide, ni liquide, mais tout tient ensemble, il y avait comme une entente, un continuel échange de l’une à l’autre chose, et entre toutes les choses qui sont. Et autour d’elle et à cause d'elle, comme il pense et se dit là-haut. Il y a une place pour la beauté… (p.142)
Le thème de l’intégration et de l’identité de l’étranger m’ont parus secondaires, en tout cas ils ne m’ont pas semblé être au centre de l'histoire. Car on ne sait pas vraiment ce que pense Juliette, l’auteur ne nous fait pas partager ses pensées, on assiste à son malaise de l'extérieur.
C'est plutôt ce thème de la beauté insaisissable, de superbes descriptions de paysages et toujours ce style surprenant bousculant les conventions narratives (mélange des personnes, des temps) que je retiendrai de ce beau roman.
Dernière édition par Céline le Jeu 8 Déc - 22:35, édité 1 fois
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Re: Charles Ferdinand Ramuz
Passage du poète
1923
Lorsque le vannier itinérant Besson arrive, à l'orée du printemps, dans ce village de vignerons des bords du Léman, ses habitants sont englués dans leurs soucis personnels. Il s'y installe, tresse ses paniers sur la place du village, et peu à peu sa présence tranquille et silencieuse, sa silhouette aperçue arpentant les coteaux environnants agissent sur les villageois, les rendent plus sensibles aux petits bonheurs quotidiens.
"Pendant ce temps, sur la place, Besson continue à faire ses paniers, disant le pays et le refaisant, mettant les lignes de l’osier l’une sur l’autre, comme l’écrivain ses vers ou sa prose; - disant le pays et ses murs par les tiges de l'osier dont il met les unes en travers et les autres viennent s'y nouer;"
A mesure que la saison avance et que les travaux viticoles s'enchaînent, ils s'éveillent à la beauté de ce qui les entoure, au sens et la portée d'un travail ingrat et peu rémunérateur mais qui les unit à cette nature qu'ils remodèlent depuis des siècles, à la terre, à la montagne, à l'eau, au ciel. Et c'est quand cette unité est réalisée, entre les hommes de la communauté, entre les hommes et la nature, que la mission de Besson s'achève et qu'il peut disparaître dans la nuit pour la poursuivre ailleurs.
On a vu que dans la Beauté sur la terre et Le Garçon Savoyard l'arrivée de la beauté est perturbatrice, sa vision éblouit mais la réalisation qu'elle est inatteignable provoque désir, violence, désespoir et désunion.
Passage du poète développe ce thème de manière bien plus apaisée car le personnage du poète, ici de façon métaphorique le vannier Besson, est présenté par Ramuz comme l'intermédiaire nécessaire entre les hommes et la beauté. Le rôle du poète est de révéler aux hommes la beauté nichée dans les détails du quotidien, de leur apprendre à la reconnaître et à devenir poètes à leur tour, pour que graduellement cette beauté les élève vers l'unité et le divin.
Entre réalisme et mysticisme, ce beau roman profond mais accessible semble démontrer que plus qu'un art littéraire, la poésie est tout simplement l'art de vivre.
1923
Lorsque le vannier itinérant Besson arrive, à l'orée du printemps, dans ce village de vignerons des bords du Léman, ses habitants sont englués dans leurs soucis personnels. Il s'y installe, tresse ses paniers sur la place du village, et peu à peu sa présence tranquille et silencieuse, sa silhouette aperçue arpentant les coteaux environnants agissent sur les villageois, les rendent plus sensibles aux petits bonheurs quotidiens.
"Pendant ce temps, sur la place, Besson continue à faire ses paniers, disant le pays et le refaisant, mettant les lignes de l’osier l’une sur l’autre, comme l’écrivain ses vers ou sa prose; - disant le pays et ses murs par les tiges de l'osier dont il met les unes en travers et les autres viennent s'y nouer;"
A mesure que la saison avance et que les travaux viticoles s'enchaînent, ils s'éveillent à la beauté de ce qui les entoure, au sens et la portée d'un travail ingrat et peu rémunérateur mais qui les unit à cette nature qu'ils remodèlent depuis des siècles, à la terre, à la montagne, à l'eau, au ciel. Et c'est quand cette unité est réalisée, entre les hommes de la communauté, entre les hommes et la nature, que la mission de Besson s'achève et qu'il peut disparaître dans la nuit pour la poursuivre ailleurs.
On a vu que dans la Beauté sur la terre et Le Garçon Savoyard l'arrivée de la beauté est perturbatrice, sa vision éblouit mais la réalisation qu'elle est inatteignable provoque désir, violence, désespoir et désunion.
Passage du poète développe ce thème de manière bien plus apaisée car le personnage du poète, ici de façon métaphorique le vannier Besson, est présenté par Ramuz comme l'intermédiaire nécessaire entre les hommes et la beauté. Le rôle du poète est de révéler aux hommes la beauté nichée dans les détails du quotidien, de leur apprendre à la reconnaître et à devenir poètes à leur tour, pour que graduellement cette beauté les élève vers l'unité et le divin.
Entre réalisme et mysticisme, ce beau roman profond mais accessible semble démontrer que plus qu'un art littéraire, la poésie est tout simplement l'art de vivre.
On ne sait jamais le temps qu'il va faire.
C'est pourquoi, d'avril à octobre, ils tiennent la tête levée.
Là-haut est leur véritable banque; là-haut ils ont placé leur capital. Depuis le commencement d'avril et jusqu'après les vendanges, ce qui fait sept mois, jour après jour, et tout le long du jour, et dès qu'ils sont debout et encore avant de se mettre au lit, ils regardent là-haut vers le temps qu'il va faire.
Car il se fait sans eux, le temps, et bien souvent même contre eux et ils ne peuvent rien y changer, alors ils ont appris à obéir, mais ont appris aussi à être attentifs et à lire les signes qui sont écrits sur cette page vite tournée, à ce ciel qui est comme un livre qui aurait tellement de pages que la même ne se présenterait jamais deux fois. Le tout petit mot d'un nuage qui est apparu, qui s'en va ; la ligne écrite en gris du brouillard traînant à mi-mont; la coloration d'un coucher de soleil; quand la lune a une couronne comme une mariée; - et sur la terre aussi les signes : la limace qui sort, l'araignée qui tisse sa toile, les taons qui sont méchants, l'hirondelle qui vole bas... (p.33)
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“With freedom, books, flowers, and the moon, who could not be happy?” Oscar Wilde
Merlette- Messages : 2334
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
depuis des années je me dis que je devrais le lire... peut-être que tu vas me convaincre...
jusqu'à maintenant je ne l'ai abordé seulement via une bonne BD de Matthieu Berthod
jusqu'à maintenant je ne l'ai abordé seulement via une bonne BD de Matthieu Berthod
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Best when you improvise
George Gershwin
Re: Charles Ferdinand Ramuz
Oui, cela a l'air très bien fait! Merci pour l'information!
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Merlette- Messages : 2334
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
L'indispensable fil Ramuz.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4815
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
Arabella a écrit:L'indispensable fil Ramuz.
C'est qu'il mérite le détour, le monsieur de Pully...
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Merlette- Messages : 2334
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
J'ai deux commentaires en stock, mais ils ne sont pas enthousiastes. Je vais éviter de gâcher le fil, enfin pour l'instant.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4815
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
Mais non Arabella, poste-les. C'est bien plus intéressant quand les avis varient.
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Merlette- Messages : 2334
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
Je n'en ai lu qu'un seul jusqu'à présent, mais l'avais bien aimé, et même plus. Il me reste Derborence.
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'La littérature est une maladie textuellement transmissible, que l'on contracte en général pendant l'enfance'. Jane Yolen.
domreader- Messages : 3624
Date d'inscription : 02/12/2016
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Re: Charles Ferdinand Ramuz
Lequel as-tu lu ?
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Merlette- Messages : 2334
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Charles Ferdinand Ramuz
Vie de Samuel Belet.
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'La littérature est une maladie textuellement transmissible, que l'on contracte en général pendant l'enfance'. Jane Yolen.
domreader- Messages : 3624
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Ile de France
Re: Charles Ferdinand Ramuz
Je ne le connais pas encore. N'hésite pas à poster un commentaire si tu en as fait un.
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Merlette- Messages : 2334
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