Jacques Chardonne
Books en Stock :: Hey Billie Y'a quoi dans ta bibliothèque ? :: Littérature française :: Auteurs nés entre 1871 et 1940
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Jacques Chardonne
Jacques Chardonne (1884-1968)
Ecrivain français. Son père dirigeait une importante maison de cognac. Sa mère était américaine, fille de David Haviland fondateur de la maison de porcelaine à Limoges. Il a grandit dans la grande bourgeoisie protestante. A 18 ans il prépare son Bac, tout en travaillant en tant que secrétaire d’un préfet. Ses parents, ruinés doivent s’installer à Paris, il va les rejoindre, et étudie le droit et les sciences politiques. Après sa licence, il est réformé de l’armée pour maladie pulmonaire. Pendant sa convalescence, il écrit son premier ouvrage, Catherine, qui ne sera publié que 60 ans plus tard. Sur recommandation médicale, il va en Tunisie, puis revient à Paris et travaille chez Stock, dans la société du qui il investit un capital. Il se marie à la même époque avec Marthe Schÿler-Schröder dont il aura deux enfants.
Pendant la guerre de 14-18 Chardonne est infirmier à l’hôpital militaire d’Aulnay-sous-bois, puis réformé définitivement, il part s’installer en Suisse, dans un village, dont il adoptera le nom comme pseudonyme. Il y vivra quatre ans.
Suite aux détournements d’argent de P.V. Stock, Chardonne se retrouve à la tête de la société à qui désormais appartient la librairie-maison d’édition. La librairie Stock devient la librairie Delamain- Boutelleau (véritable nom de Chardonne), mais Stock reçoit une pension jusqu’à la fin de sa vie. Le premier livre publié par la nouvelle société sera l’Epithalame de Jacques Chardonne, qui obtient le Goncourt. En tant qu’éditeur, Chardonne va créer la collection « Le cabinet cosmopolite » pour publier la littérature étrangère, il sera l’éditeur préféré de Cocteau.
En 1922 il se sépare de sa femme. Il a une nouvelle crise de tuberculose, condamné par les médecins, mais se rétablit. Il se fait construire une maison dans la banlieue parisienne, puis se remarie avec une femme qui publiera aussi sous le nom de Camille Belguise.
Chardonne continue à écrire des romans, mais aussi des essais pour défendre les valeurs menacées. Pendant la guerre, il fut pétainiste, et participa au tristement célèbre voyage des écrivains français en Allemagne en 1941, voyage qu’il renouvellera, publie dans des revues nazies. Cela lui vaudra d’être emprisonné à la Libération, mais il sera relâché et jamais condamné.
Il laisse après la guerre la direction de la maison Stock à Maurice Delamain, vit en ermite dans sa maison et écrit.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4815
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: Jacques Chardonne
Les Destinées sentimentales
Vaste fresque, le roman se déroule sur les premières décennies du vingtième siècle. Les personnages appartiennent à la bourgeoisie provinciale, en particulier à celle du cognac et de la porcelaine que l'auteur connaissait très bien de part ses origines familiales. L'auteur nous restitue ce milieu, sa façon de vivre, de penser, à laquelle il est si difficile d'échapper lorsqu'on en a été imprégné dès la naissance. Il en va ainsi pour Jean Barnery, issu d'une riche famille qui fabrique de la porcelaine. Il choisit, sans doute en partie par opposition par sa famille de devenir pasteur, et il épouse la fille du caissier de la fabrique, mais il ne pourra échapper malgré tout au destin familial. L'un des thèmes central du roman sera le grand amour de Jean et de Pauline, issue quand à elle d'une famille de négociants en cognac. Un amour qui connaîtra différentes étapes, différentes phases, il y aura mariage, enfant, périodes plus compliquées, des éloignements.
Mais il est impossible de résumer les 500 pages de ce roman au combien riche et complexe, qui parvient à capter d'une merveilleuse façon les lumières, les sensations, le temps qui passe, les petites transformations des êtres, le temps qui change les choses, les gens les lieux, les paysages d'une façons si lente que l'on ne perçoit le changement qu'une fois qu'il est complètement consommé, les subtiles modifications des sentiments, le retour de ce que l'on pensait perdu, la disparition insidieuse et progressive de ce que l'on pensait éternel.
Jacques Chardonne est un maître pour analyser les sensations les plus intimes, les plus ineffables des êtres, les personnages qu'il dépeint sont tellement vrais, tellement authentiques, rendus d'une manière tellement juste, que nous avons l'impression de les connaître, de les avoir peut être croisé un jour. Ils nous touchent infiniment, certes jamais parfaits, mais au combien humains, dans leurs défauts comme dans leurs qualités.
Roman subtile et envoûtant, de ceux qui vous hantent une fois la dernière page lue. L'écriture de Chardonne est sans doute pour beaucoup dans le charme irrésistible du livre. Prose fluide, qui semble couler d'elle-même comme une évidence, avec un rythme, une musique particulière, où chaque mot semble être le seul qui convient à cet endroit-là. Rien d'approximatif, de hâtif, une sorte de précision qui fait que chaque phrase semble nécessaire, évidente, aucune longueur ni délayage.
Vaste fresque, le roman se déroule sur les premières décennies du vingtième siècle. Les personnages appartiennent à la bourgeoisie provinciale, en particulier à celle du cognac et de la porcelaine que l'auteur connaissait très bien de part ses origines familiales. L'auteur nous restitue ce milieu, sa façon de vivre, de penser, à laquelle il est si difficile d'échapper lorsqu'on en a été imprégné dès la naissance. Il en va ainsi pour Jean Barnery, issu d'une riche famille qui fabrique de la porcelaine. Il choisit, sans doute en partie par opposition par sa famille de devenir pasteur, et il épouse la fille du caissier de la fabrique, mais il ne pourra échapper malgré tout au destin familial. L'un des thèmes central du roman sera le grand amour de Jean et de Pauline, issue quand à elle d'une famille de négociants en cognac. Un amour qui connaîtra différentes étapes, différentes phases, il y aura mariage, enfant, périodes plus compliquées, des éloignements.
Mais il est impossible de résumer les 500 pages de ce roman au combien riche et complexe, qui parvient à capter d'une merveilleuse façon les lumières, les sensations, le temps qui passe, les petites transformations des êtres, le temps qui change les choses, les gens les lieux, les paysages d'une façons si lente que l'on ne perçoit le changement qu'une fois qu'il est complètement consommé, les subtiles modifications des sentiments, le retour de ce que l'on pensait perdu, la disparition insidieuse et progressive de ce que l'on pensait éternel.
Jacques Chardonne est un maître pour analyser les sensations les plus intimes, les plus ineffables des êtres, les personnages qu'il dépeint sont tellement vrais, tellement authentiques, rendus d'une manière tellement juste, que nous avons l'impression de les connaître, de les avoir peut être croisé un jour. Ils nous touchent infiniment, certes jamais parfaits, mais au combien humains, dans leurs défauts comme dans leurs qualités.
Roman subtile et envoûtant, de ceux qui vous hantent une fois la dernière page lue. L'écriture de Chardonne est sans doute pour beaucoup dans le charme irrésistible du livre. Prose fluide, qui semble couler d'elle-même comme une évidence, avec un rythme, une musique particulière, où chaque mot semble être le seul qui convient à cet endroit-là. Rien d'approximatif, de hâtif, une sorte de précision qui fait que chaque phrase semble nécessaire, évidente, aucune longueur ni délayage.
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Re: Jacques Chardonne
Eva, ou, Le journal interrompu
Dans la forme, il s'agit en effet d'un journal, le narrateur évoque sa vie de couple, et sa femme Eva. Trois périodes rythment le récit, la première se passe à Paris, où le narrateur travaille, puis dans une maisons à la campagne, qu'il fait construire, en réponse à une demande non formulée par Eva, puis enfin la troisième, en Suisse dont vient Eva, et où le narrateur choisi de s'installer.
Il s'agit bien plus du portrait du narrateur, de sa façon de voir les choses, Eva ne nous apparaît que par ses yeux à lui, un élément de ses ruminations intérieures. Et le livre démontre, à quel point, l'analyse psychologique minutieuse de son épouse se révèle fausse. Cette façon de disséquer, d'imaginer les pensées et les désirs de l'autre, est au final une manière de se l'approprier, d'en faire un objet, plus qu'une communication et un échange, et qu'une preuve d'intérêt véritable. Mais dans l'ensemble des livres de Chardonne que j'ai lus, la communications entre deux êtres, aussi proches qu'ils s'imaginent l'être semble illusoire.
J'ai moins aimé ce livre que les deux que j'ai lu précédemment, Les destinées sentimentales et L'Epithalame. La forme du journal, du monologue d'un seul personnage me paraît moins riche que les constructions à plusieurs voix des livres que j'ai cités. Et le style aussi, qui s'adapte au sujet, est peut être moins beau. Mais nous sommes toujours dans le même univers, de solitude et d'illusions des individus, sur les autres et eux-mêmes.
Dans la forme, il s'agit en effet d'un journal, le narrateur évoque sa vie de couple, et sa femme Eva. Trois périodes rythment le récit, la première se passe à Paris, où le narrateur travaille, puis dans une maisons à la campagne, qu'il fait construire, en réponse à une demande non formulée par Eva, puis enfin la troisième, en Suisse dont vient Eva, et où le narrateur choisi de s'installer.
Il s'agit bien plus du portrait du narrateur, de sa façon de voir les choses, Eva ne nous apparaît que par ses yeux à lui, un élément de ses ruminations intérieures. Et le livre démontre, à quel point, l'analyse psychologique minutieuse de son épouse se révèle fausse. Cette façon de disséquer, d'imaginer les pensées et les désirs de l'autre, est au final une manière de se l'approprier, d'en faire un objet, plus qu'une communication et un échange, et qu'une preuve d'intérêt véritable. Mais dans l'ensemble des livres de Chardonne que j'ai lus, la communications entre deux êtres, aussi proches qu'ils s'imaginent l'être semble illusoire.
J'ai moins aimé ce livre que les deux que j'ai lu précédemment, Les destinées sentimentales et L'Epithalame. La forme du journal, du monologue d'un seul personnage me paraît moins riche que les constructions à plusieurs voix des livres que j'ai cités. Et le style aussi, qui s'adapte au sujet, est peut être moins beau. Mais nous sommes toujours dans le même univers, de solitude et d'illusions des individus, sur les autres et eux-mêmes.
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Re: Jacques Chardonne
Claire
Un roman d'amour, rien d'autre. Un homme raconte un peu sa vie, mais surtout, presque exclusivement son amour pour Claire, l'histoire de cet amour du début jusqu'à son terme. Dans aucun autre livre de l'auteur que j'ai lu, il n'y a un tel centrage, une telle exclusivité. Il y a quelque chose de rayonnant dans l'expression de ce sentiment, presque solaire.
Mais nous sommes chez Chardonne, et l'amour ne permet pas forcément de comprendre l'être aimé. le narrateur est dans son récit à lui, nous n'entendrons jamais, le récit, l'histoire De Claire. Il imagine des choses, parfois se trompe, ressent, mais Claire reste une belle inconnue, pour lui et pour nous, au final. Et le sentiment de perte habite à chaque instant cet amour : la perte d'un instant, d'un souvenir, la sensation que l'être que l'on aime devient autre à chaque instant, et qu'on ne retrouvera jamais l'instant perdu, et oublié...La souffrance est au coeur des relations entre les êtres, le fossé entre eux toujours impossible à combler, et la solitude la seule réalité tangible. Même si passer des beaux moments avec quelqu'un peu rendre quelque chose plus supportable à d'autres.
Un roman d'amour, rien d'autre. Un homme raconte un peu sa vie, mais surtout, presque exclusivement son amour pour Claire, l'histoire de cet amour du début jusqu'à son terme. Dans aucun autre livre de l'auteur que j'ai lu, il n'y a un tel centrage, une telle exclusivité. Il y a quelque chose de rayonnant dans l'expression de ce sentiment, presque solaire.
Mais nous sommes chez Chardonne, et l'amour ne permet pas forcément de comprendre l'être aimé. le narrateur est dans son récit à lui, nous n'entendrons jamais, le récit, l'histoire De Claire. Il imagine des choses, parfois se trompe, ressent, mais Claire reste une belle inconnue, pour lui et pour nous, au final. Et le sentiment de perte habite à chaque instant cet amour : la perte d'un instant, d'un souvenir, la sensation que l'être que l'on aime devient autre à chaque instant, et qu'on ne retrouvera jamais l'instant perdu, et oublié...La souffrance est au coeur des relations entre les êtres, le fossé entre eux toujours impossible à combler, et la solitude la seule réalité tangible. Même si passer des beaux moments avec quelqu'un peu rendre quelque chose plus supportable à d'autres.
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Arabella- Messages : 4815
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Re: Jacques Chardonne
L'épithalame
Difficile de résumer, d’enfermer ce livre dans une trame, un récit linéaire. Jacques Chardonne procède par touches, par petits traits, de lumière et de couleur, aurais-je envie de dire, presque comme un peintre. Tout au moins au début. Nous découvrons un petit monde, habité par de nombreux personnages, dans lequel on se perd un peu. Au centre, Berthe, d’abord petite fille, puis adolescente. Nous avons des aperçus de sa famille, puis le père meurt, et sa mère décide de s’établir à Paris. Berthe suit des cours, fait du piano, et rencontre en cachette Albert. Et un jour ils se marient.
Des petits riens en apparence, mais qui renferment toute une vie, presque toutes les vies. Les sensations de l’enfance, de l’adolescence, les choix et les déceptions de la vie d’adulte. Et cette difficulté à être avec un autre, de comprendre vraiment ce qu’il ressent, à sortir de soi-même. Tout ce qui sépare à chaque instant. Mais en même temps l’impossibilité d’être tout seul. L’autre comme blessure permanente mais aussi comme l’indispensable remède, au vide, au manque, à l’insatisfaction dont la raison n’arrive pas à s’exprimer mais dont la cruelle morsure se fait sentir en permanence. Rarement le couple a été décrit d’une façon aussi juste et terrible à la fois. Champs de bataille, rapport de forces, remise en cause. Mais son absence est finalement encore pire. Les personnages n’arrivent pas à être avec l’autre, parce qu’ils n’arrivent pas à être avec eux-mêmes. Mais dans un rapport à deux on peut au moins en imputer la responsabilité au partenaire, se défausser sur lui de tout ce qui ne va pas, se défouler.
Un roman d’une grande force et densité, d’une très grande noirceur, qui marque très fort le lecteur qui y plonge.
Difficile de résumer, d’enfermer ce livre dans une trame, un récit linéaire. Jacques Chardonne procède par touches, par petits traits, de lumière et de couleur, aurais-je envie de dire, presque comme un peintre. Tout au moins au début. Nous découvrons un petit monde, habité par de nombreux personnages, dans lequel on se perd un peu. Au centre, Berthe, d’abord petite fille, puis adolescente. Nous avons des aperçus de sa famille, puis le père meurt, et sa mère décide de s’établir à Paris. Berthe suit des cours, fait du piano, et rencontre en cachette Albert. Et un jour ils se marient.
Des petits riens en apparence, mais qui renferment toute une vie, presque toutes les vies. Les sensations de l’enfance, de l’adolescence, les choix et les déceptions de la vie d’adulte. Et cette difficulté à être avec un autre, de comprendre vraiment ce qu’il ressent, à sortir de soi-même. Tout ce qui sépare à chaque instant. Mais en même temps l’impossibilité d’être tout seul. L’autre comme blessure permanente mais aussi comme l’indispensable remède, au vide, au manque, à l’insatisfaction dont la raison n’arrive pas à s’exprimer mais dont la cruelle morsure se fait sentir en permanence. Rarement le couple a été décrit d’une façon aussi juste et terrible à la fois. Champs de bataille, rapport de forces, remise en cause. Mais son absence est finalement encore pire. Les personnages n’arrivent pas à être avec l’autre, parce qu’ils n’arrivent pas à être avec eux-mêmes. Mais dans un rapport à deux on peut au moins en imputer la responsabilité au partenaire, se défausser sur lui de tout ce qui ne va pas, se défouler.
Un roman d’une grande force et densité, d’une très grande noirceur, qui marque très fort le lecteur qui y plonge.
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