François Mauriac
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François Mauriac
François Mauriac (1885 -1970)
Source : Site de l'Académie Française
Né à Bordeaux, le 11 octobre 1885.
Issu d’une famille bourgeoise, catholique et conservatrice, François Mauriac devait rester sa vie durant profondément attaché à ses racines bordelaises, ainsi qu’il apparaîtra dans la plupart de ses romans.
Après des études secondaires dans sa ville natale, il prépara à la faculté une licence de lettres, puis quitta Bordeaux en 1907 pour tenter à Paris le concours de l’École des Chartes. Entré à l’École l’année suivante, il ne devait y faire qu’un bref séjour et démissionner dès 1909 pour se consacrer uniquement à la littérature.
Les maîtres de son adolescence furent Maurras et Barrès. Son premier recueil de vers : Les Mains jointes (1909), salué par Barrès précisément, fut suivi d’un autre recueil, Adieu à l’adolescence (1911), et de deux romans : L’Enfant chargé de chaînes (1913), La Robe prétexte (1914).
Envoyé à Salonique en 1914, François Mauriac, réformé pour raison de santé, ne participa guère aux combats. Les années d’après guerre allaient être pour lui celles de la gloire littéraire. Donnant la pleine mesure de son talent romanesque, il publia coup sur coup plusieurs de ses œuvres majeures, Le Baiser au lépreux (1922), Le Fleuve de feu (1923), Génitrix (1923), Le Désert de l’amour (1925), Thérèse Desqueyroux (1927), Le Nœud de vipères (1932), Le Mystère Frontenac (1933).
Satires cruelles du pharisianisme bourgeois, ses romans sont avant tout l’œuvre d’un « catholique qui écrit » comme il se plaisait à se définir lui-même. C’est le combat en chaque homme entre Dieu et Mammon, pour reprendre le titre de l’un de ses essais, que Mauriac décrit, sondant les abîmes du mal et cherchant à percer les mystères de la Rédemption.
Au faîte de sa gloire, François Mauriac allait modifier, au milieu des années 1930, son regard sur le monde ; délaissant quelque peu la littérature, il allait s’engager dans le combat politique. S’éloignant progressivement des positions conservatrices de sa jeunesse, il entreprit de dénoncer la menace fasciste, condamnant l’intervention italienne en Éthiopie, puis le bombardement de Guernica par les nationalistes espagnols en 1937.
Lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale, François Mauriac avait définitivement choisi son camp : il appartint sous l’Occupation à la résistance intellectuelle, condamnant l’« excès de prosternations humiliées qui [tenaient]lieu de politique aux hommes de Vichy » ; il participa au premier numéro des Lettres françaises clandestines, en 1942, et publia, en 1943, toujours clandestinement, sous le pseudonyme de Forez, Le Cahier noir.
À soixante ans, le Mauriac d’après-guerre se fit surtout écrivain politique. De 1952 à sa mort, chroniqueur au Figaro, auquel il collaborait depuis 1934, puis à L’Express, il devait livrer chaque semaine, dans son « Bloc-notes », d’une plume souvent polémique, sa critique des hommes et des événements. En 1952, il condamna la répression de l’insurrection marocaine et apporta à la cause de la décolonisation toute l’autorité du prix Nobel de Littérature, qu’il venait de recevoir, en acceptant de prendre la présidence du comité France-Maghreb.
Enfin, après avoir soutenu la politique de Pierre Mendès-France, François Mauriac, dans les dix dernières années de sa vie, devait trouver en la personne du général de Gaulle l’homme d’État conforme à ses vœux, incarnant les valeurs pour lesquelles avait combattu ce « chrétien écartelé ».
Lauréat du grand prix du roman de l’Académie française en 1926, président de la Société des Gens de lettres en 1932, François Mauriac fut élu à l’Académie française le 1er juin 1933, par 28 voix au premier tour, à la succession d’Eugène Brieux. Cette « élection de maréchal » survenait alors que le romancier, gravement malade, venait d’être opéré d’un cancer des cordes vocales.
Sa réception sous la Coupole, le 16 novembre 1933 compte parmi les moments marquants de l’histoire de l’Académie. François Mauriac eut à subir les subtiles perfidies dont André Chaumeix émailla son discours de réception. Cet auvergnat, conservateur et hédoniste, goûtait peu en effet la noirceur de l’œuvre mauriacienne : « Vous êtes le grand maître de l’amertume... À vous lire, monsieur, j’ai cru que vous alliez troubler l’harmonieuse image que je garde de votre région... J’ai failli prendre la Gironde pour un fleuve de feu, et la Guyenne pour un nœud de vipères... »
François Mauriac fut fait Grand-croix de la Légion d’honneur, par le général de Gaulle. Il décéda la même année que celui-ci.
Mort le 1er septembre 1970.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4827
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: François Mauriac
Thérèse Desqueyroux
Le livre est inspiré d'un fait divers, le procès d'une femme qui a tenté d'empoisonner son mari et que ce dernier a disculpé au procès, Mme Canaby. C'est un livre très ramassé, à peine un peu plus de 120 pages et 13 chapitres. Les neufs premiers se concentrent en moins de 24 heures. Après le procès, où elle bénéficie d'un non lieu, Thérèse rentre chez elle. Elle se rappelle son existence, et les raisons qui l'ont poussé à commettre son acte, pour pouvoir l'expliquer à Bernard son mari qui l'attend à la maison. Passent ainsi sa jeunesse, son amitié avec Anne, la demi-soeur de Bernard, puis le mariage décidé par la famille. Ce qu'elle perçoit comme une incompatibilité avec cet homme, son insatisfaction sexuelle, la sensation d'un étouffement et dépérissement, sa grossesse. Et un événement qui va lui faire prendre conscience de l'inassouvissement profond de sa vie : la rencontre avec un jeune homme, potentiellement tuberculeux qui vient se reposer dans la région landaise où vit Thérèse, et qui a un flirt avec Anne, auquel Thérèse est missionné de mettre fin. Il lui ouvre des horizons, les possibilités d'une autre vie. Alors sans l'avoir vraiment décidé, un peu par hasard, elle se met à empoisonner son mari, avec le médicament qui lui sert de remède pour un mal sans doute imaginaire. Il est hospitalisé, et elle accusée.
Le roman est remarquable par l'économie du récit, une façon de dire tant de choses avec si peu de pages. Cette société bourgeoise étouffante, surtout pour les femmes, qui doivent se soumettre ou périr. Les rituels sociaux, entre réunions familiales et cérémonies religieuses. Et les individus, décrits, caractérisés, en peu de phrases ou gestes, juste l'essentiel, le plus signifiant. Les événements aussi, ramassés, débarrassés de l'accessoire, du superfétatoire, du clinquant, pour aller à l'essentiel sans esbroufe. Rien de larmoyant dans cette manière de raconter, de dire cette histoire, cette femme, rien qui cherche le sensationnel, alors que cette tentative de meurtre, et aussi cette quasi façon de se laisser mourir pourrait si facilement verser dans le mélodramatique, le sentimental facile.
C'est remarquable et juste de la première à la dernière page.
Le livre est inspiré d'un fait divers, le procès d'une femme qui a tenté d'empoisonner son mari et que ce dernier a disculpé au procès, Mme Canaby. C'est un livre très ramassé, à peine un peu plus de 120 pages et 13 chapitres. Les neufs premiers se concentrent en moins de 24 heures. Après le procès, où elle bénéficie d'un non lieu, Thérèse rentre chez elle. Elle se rappelle son existence, et les raisons qui l'ont poussé à commettre son acte, pour pouvoir l'expliquer à Bernard son mari qui l'attend à la maison. Passent ainsi sa jeunesse, son amitié avec Anne, la demi-soeur de Bernard, puis le mariage décidé par la famille. Ce qu'elle perçoit comme une incompatibilité avec cet homme, son insatisfaction sexuelle, la sensation d'un étouffement et dépérissement, sa grossesse. Et un événement qui va lui faire prendre conscience de l'inassouvissement profond de sa vie : la rencontre avec un jeune homme, potentiellement tuberculeux qui vient se reposer dans la région landaise où vit Thérèse, et qui a un flirt avec Anne, auquel Thérèse est missionné de mettre fin. Il lui ouvre des horizons, les possibilités d'une autre vie. Alors sans l'avoir vraiment décidé, un peu par hasard, elle se met à empoisonner son mari, avec le médicament qui lui sert de remède pour un mal sans doute imaginaire. Il est hospitalisé, et elle accusée.
Le roman est remarquable par l'économie du récit, une façon de dire tant de choses avec si peu de pages. Cette société bourgeoise étouffante, surtout pour les femmes, qui doivent se soumettre ou périr. Les rituels sociaux, entre réunions familiales et cérémonies religieuses. Et les individus, décrits, caractérisés, en peu de phrases ou gestes, juste l'essentiel, le plus signifiant. Les événements aussi, ramassés, débarrassés de l'accessoire, du superfétatoire, du clinquant, pour aller à l'essentiel sans esbroufe. Rien de larmoyant dans cette manière de raconter, de dire cette histoire, cette femme, rien qui cherche le sensationnel, alors que cette tentative de meurtre, et aussi cette quasi façon de se laisser mourir pourrait si facilement verser dans le mélodramatique, le sentimental facile.
C'est remarquable et juste de la première à la dernière page.
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Arabella- Messages : 4827
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: François Mauriac
Tiens, j'avais dû le lire au lycée et il m'avait marquée à l'époque.
Un classique que tu me redonnes envie de lire, @Arabella. En plus il est court...
Un classique que tu me redonnes envie de lire, @Arabella. En plus il est court...
Aeriale- Messages : 11968
Date d'inscription : 30/11/2016
Re: François Mauriac
Je ne sais pourquoi, je ne l'avais pas encore lu. Je ne vais pas m'arrêter à celui-ci, c'est sûr.
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Arabella- Messages : 4827
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: François Mauriac
L'enfant chargé de chaînes
Il s'agit du premier roman de Mauriac, écrit entre 1910 et 1912. Une première édition préorginale paraît dans le Mercure de France en juin-juillet 1912. le texte en sera corrigé pour la parution originale en volume chez Grasset en 1913. Mauriac portera un jugement sévère sur ce texte, comme sur tous ses textes jusqu'au Baiser au lépreux, qu'il considérait comme son premier texte abouti. En ce qui concerne L'enfant chargé de chaînes, l'auteur l'a rangé dans ses Oeuvres complètes dans les juvenilia, dont le seul intérêt est d'être des documents sur son adolescence et sa jeunesse d'après lui.
En effet, le personnage principal, Jean-Paul, ressemble par de nombreux aspects au jeune François Mauriac, évolue dans les mêmes lieux, et a des expériences semblables à celles de l'auteur, qui reconnaît s'être servi de son journal intime pour dessiner son portrait « d'un trait maladroit ». Au début du roman, Jean-Paul se trouve à Paris, en train de finir sa licence de lettres. Il rend de temps en temps visite à son oncle et à sa cousine Marthe, amoureuse de lui. Il cherche un sens à sa vie. Il pense l'avoir trouvé à un moment, grâce à un ami d'enfance, Vincent Hiéron. Ce dernier s'est engagé dans un mouvement chrétien social, Amour et Foi, dirigé par Jérôme Servet, et incite Jean-Paul à le rejoindre, ce que ce dernier va faire après avoir entendu Jérôme Servet. Il anime des rencontres, fait la connaissance d'un jeune ouvrier, Geroges Elie. Mais très vite, il n'arrive plus à adhérer sans restriction au mouvement, déçoit l'amitié de Georges Elie, se fait exclure. Il décide de plonger dans les plaisirs éphémères, prend une maîtresse, sans y trouver beaucoup de plaisir. Au final, il va se décider à épouser Marthe et revenir vivre dans sa région natale.
Comme précisé plus haut, le personnage de Jean-Paul ressemble au jeune François Mauriac, qui aussi a étudié les lettres et a adhéré à un mouvement, le Sillon, dirigé par Marc Sangnier, mouvement qui finira par être interdit par le Vatican. le portrait guère tendre de Jérôme Servet, charismatique et manipulateur, pas très flatteur, a été souvent lu comme un portrait de Marc Sangnier. Mais c'est surtout avec Jean-Paul que Mauriac se montre pas tendre : égoïste, superficiel, blessant les gens qui s'attachent à lui, incapable de sacrifier ce qui lui fait plaisir, sans grande volonté, il suit le courant, jusqu'au mariage avec Marthe, vers lequel il se dirige sans grande passion ni réelle conviction, comme la seule issue qui lui reste.
C'est bien évidemment une lecture passable, l'auteur étant à la recherche de tout ce qui fera son art, contenu et forme. La trame romanesque est très lâche, il n'y a pas de véritable action, quelques tableaux, il s'agit plus d'un portrait que d'un véritable récit. Mais ce n'est vraiment pas déplaisant à lire, on sent un réel potentiel dans ces pages de jeunesse, il y a des fulgurances stylistiques par moments, et quelque chose, de l'ordre d'une ambiance, d'un regard, est déjà là, dès ce premier roman. Qui n'est que très secondaire si on se place du point de vue des textes de la maturité, mais pour un premier roman c'est plus que prometteur.
Il s'agit du premier roman de Mauriac, écrit entre 1910 et 1912. Une première édition préorginale paraît dans le Mercure de France en juin-juillet 1912. le texte en sera corrigé pour la parution originale en volume chez Grasset en 1913. Mauriac portera un jugement sévère sur ce texte, comme sur tous ses textes jusqu'au Baiser au lépreux, qu'il considérait comme son premier texte abouti. En ce qui concerne L'enfant chargé de chaînes, l'auteur l'a rangé dans ses Oeuvres complètes dans les juvenilia, dont le seul intérêt est d'être des documents sur son adolescence et sa jeunesse d'après lui.
En effet, le personnage principal, Jean-Paul, ressemble par de nombreux aspects au jeune François Mauriac, évolue dans les mêmes lieux, et a des expériences semblables à celles de l'auteur, qui reconnaît s'être servi de son journal intime pour dessiner son portrait « d'un trait maladroit ». Au début du roman, Jean-Paul se trouve à Paris, en train de finir sa licence de lettres. Il rend de temps en temps visite à son oncle et à sa cousine Marthe, amoureuse de lui. Il cherche un sens à sa vie. Il pense l'avoir trouvé à un moment, grâce à un ami d'enfance, Vincent Hiéron. Ce dernier s'est engagé dans un mouvement chrétien social, Amour et Foi, dirigé par Jérôme Servet, et incite Jean-Paul à le rejoindre, ce que ce dernier va faire après avoir entendu Jérôme Servet. Il anime des rencontres, fait la connaissance d'un jeune ouvrier, Geroges Elie. Mais très vite, il n'arrive plus à adhérer sans restriction au mouvement, déçoit l'amitié de Georges Elie, se fait exclure. Il décide de plonger dans les plaisirs éphémères, prend une maîtresse, sans y trouver beaucoup de plaisir. Au final, il va se décider à épouser Marthe et revenir vivre dans sa région natale.
Comme précisé plus haut, le personnage de Jean-Paul ressemble au jeune François Mauriac, qui aussi a étudié les lettres et a adhéré à un mouvement, le Sillon, dirigé par Marc Sangnier, mouvement qui finira par être interdit par le Vatican. le portrait guère tendre de Jérôme Servet, charismatique et manipulateur, pas très flatteur, a été souvent lu comme un portrait de Marc Sangnier. Mais c'est surtout avec Jean-Paul que Mauriac se montre pas tendre : égoïste, superficiel, blessant les gens qui s'attachent à lui, incapable de sacrifier ce qui lui fait plaisir, sans grande volonté, il suit le courant, jusqu'au mariage avec Marthe, vers lequel il se dirige sans grande passion ni réelle conviction, comme la seule issue qui lui reste.
C'est bien évidemment une lecture passable, l'auteur étant à la recherche de tout ce qui fera son art, contenu et forme. La trame romanesque est très lâche, il n'y a pas de véritable action, quelques tableaux, il s'agit plus d'un portrait que d'un véritable récit. Mais ce n'est vraiment pas déplaisant à lire, on sent un réel potentiel dans ces pages de jeunesse, il y a des fulgurances stylistiques par moments, et quelque chose, de l'ordre d'une ambiance, d'un regard, est déjà là, dès ce premier roman. Qui n'est que très secondaire si on se place du point de vue des textes de la maturité, mais pour un premier roman c'est plus que prometteur.
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Arabella- Messages : 4827
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: François Mauriac
La robe prétexte
Deuxième roman publié par Mauriac, La robe prétexte eut une genèse complexe, entre 1911 et 1914. A son origine se trouve une nouvelle, le cousin de Paris, publiée en 1911 dans La revue hebdomadaire. L'année suivante, une sorte de suite, intitulée Camille, paraîtra dans La revue de Paris. Trois autres textes, toujours parus dans des revues, vont compléter l'ensemble. Mauriac réécrira en partie les textes des nouvelles, pour donner de la cohérence à l'ensemble, qui paraîtra en 1914 chez Grasset. Il semble bien que l'auteur n'ait pas d'abord envisagé un roman, et qu'à partir de la nouvelle originelle il ait progressivement conçu un texte plus large. Néanmoins, à la lecture, les cinq parties du roman sont nettement coupées les unes des autres, chacune d'entre elle constitue un moment fort, centré sur époque, sur un événement, et même s'il y a une évolution, en particulier dans les sentiments de Jacques, il y a un côté un heurté dans la narration.
Au début du récit, Jacques, le personnage principal, qui par bien des aspects ressemble à François Mauriac, a onze ans. Cette première partie du roman résume en quelque sorte son enfance, chez sa grand-mère. Il y vit avec sa tante et épisodiquement son oncle, et aussi leur fille, sa cousine Camille, forte personnalité qui le rudoie quelque peu. Enfant rêveur, aimant qu'on lui raconte des histoires, surtout celles qu'il connaît déjà, imaginant, créant des douces images, il s'attache aux lieux, aux objets. le deuxième épisode décrit l'arrivée dans la maison des Landes d'un cousin de Paris, Philippe. du même âge que Jacques (qui a maintenant 15 ans), il est censé être plus brillant dans ses études, et auréolé du prestige parisien, il attire l'intérêt de Camille. Dont Jacques devient amoureux, essentiellement par jalousie. Les parties suivantes racontent en partie le destin de cet amour, et aussi quelques événements de l'adolescence de Jacques, jusqu'à la mort de sa grand-mère, qui d'une certaine façon le fait basculer dans l'âge adulte.
Il y a un grand charme dans la description de cette enfance et cette adolescence, quelque chose de très authentique, dans les descriptions de lieux, des ambiances, des gens. Une douce nostalgie s'en échappe, de celui qui n'est plus cet enfant et cet adolescent, et qui goûte le plaisir du souvenir, de retour en arrière : se souvenir est presque plus délectable que de vivre les choses. C'est d'ailleurs le seul texte, avant le Baiser au lépreux à trouver grâce aux yeux de Mauriac, qui note « j'y ai en partie réussi le portrait de l'adolescent que je fus ». C'est le portrait de cet adolescent, et aussi les description de son environnement qui est le grand intérêt du livre. L'intrigue, les amours avec Camille n'étant sans doute pas complètement convaincants, mais toute une partie des éléments des livres futurs est en germe dans ce texte.
Deuxième roman publié par Mauriac, La robe prétexte eut une genèse complexe, entre 1911 et 1914. A son origine se trouve une nouvelle, le cousin de Paris, publiée en 1911 dans La revue hebdomadaire. L'année suivante, une sorte de suite, intitulée Camille, paraîtra dans La revue de Paris. Trois autres textes, toujours parus dans des revues, vont compléter l'ensemble. Mauriac réécrira en partie les textes des nouvelles, pour donner de la cohérence à l'ensemble, qui paraîtra en 1914 chez Grasset. Il semble bien que l'auteur n'ait pas d'abord envisagé un roman, et qu'à partir de la nouvelle originelle il ait progressivement conçu un texte plus large. Néanmoins, à la lecture, les cinq parties du roman sont nettement coupées les unes des autres, chacune d'entre elle constitue un moment fort, centré sur époque, sur un événement, et même s'il y a une évolution, en particulier dans les sentiments de Jacques, il y a un côté un heurté dans la narration.
Au début du récit, Jacques, le personnage principal, qui par bien des aspects ressemble à François Mauriac, a onze ans. Cette première partie du roman résume en quelque sorte son enfance, chez sa grand-mère. Il y vit avec sa tante et épisodiquement son oncle, et aussi leur fille, sa cousine Camille, forte personnalité qui le rudoie quelque peu. Enfant rêveur, aimant qu'on lui raconte des histoires, surtout celles qu'il connaît déjà, imaginant, créant des douces images, il s'attache aux lieux, aux objets. le deuxième épisode décrit l'arrivée dans la maison des Landes d'un cousin de Paris, Philippe. du même âge que Jacques (qui a maintenant 15 ans), il est censé être plus brillant dans ses études, et auréolé du prestige parisien, il attire l'intérêt de Camille. Dont Jacques devient amoureux, essentiellement par jalousie. Les parties suivantes racontent en partie le destin de cet amour, et aussi quelques événements de l'adolescence de Jacques, jusqu'à la mort de sa grand-mère, qui d'une certaine façon le fait basculer dans l'âge adulte.
Il y a un grand charme dans la description de cette enfance et cette adolescence, quelque chose de très authentique, dans les descriptions de lieux, des ambiances, des gens. Une douce nostalgie s'en échappe, de celui qui n'est plus cet enfant et cet adolescent, et qui goûte le plaisir du souvenir, de retour en arrière : se souvenir est presque plus délectable que de vivre les choses. C'est d'ailleurs le seul texte, avant le Baiser au lépreux à trouver grâce aux yeux de Mauriac, qui note « j'y ai en partie réussi le portrait de l'adolescent que je fus ». C'est le portrait de cet adolescent, et aussi les description de son environnement qui est le grand intérêt du livre. L'intrigue, les amours avec Camille n'étant sans doute pas complètement convaincants, mais toute une partie des éléments des livres futurs est en germe dans ce texte.
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Arabella- Messages : 4827
Date d'inscription : 29/11/2016
Re: François Mauriac
La Chair et le sang
Commencé en 1914, l'écriture de la Chair et le sang a été interrompue par la grande guerre. Achevé en 1918 ou 1919, le roman est publié en 1920. Mauriac s'est inspiré pour son roman d'un fait divers, le suicide en 1909 de Charles Demange, neveu de Barrès, écrivain qu'il a beaucoup admiré et qui a eu une grande influence sur ses premières oeuvres.
Le personnage principal, Claude, est le fils d'un régisseur d'un domaine viticole, qui abandonne ses études au séminaire juste avant de devenir prêtre. Pas par manque de foi, en réalité l'auteur ne nous explique pas vraiment pourquoi. Il revient chez ses parents, qui ne désespèrent pas de le faire changer d'avis. le domaine sur lequel travaille son père a été acheté par un nouveau propriétaire, M. Dupont-Gunther, un homme dur, méprisant et violent. Ses deux enfants, Edward et May, très proches l'un de l'autre, ont des relations difficiles avec lui, d'autant plus que se pose la question de l'héritage de leur mère. Edward a réclamé sa part, mais son père espère garder celle de sa soeur dans ses affaires en la mariant à un homme facile à manipuler. Il met donc en place une stratégie pour rendre la vie insupportable à May, et l'obliger à se marier. Il se sert d'une de ses anciennes maîtresse, devenue son intendante, Mme Gonzalès, ainsi que de sa fille Edith, dont il espère faire sa nouvelle maîtresse. le frère et la soeur ont sympathisé avec Claude, qui tombe sous le charme de May, qu'il idéalise beaucoup. Pendant ce temps, Edward s'amuse à essayer de conquérir Edith au détriment de son père.
Le principal intérêt du livre, réside à mon sens, dans les descriptions de la nature, de la maison, du lieu qui sous un nom d'emprunt est Malagar, la maison familiale de Mauriac. le lien très fort entre Claude et la terre, les arbres, tout cet environnement, est aussi très bien rendu. En revanche, l'intrigue en elle-même est assez maladroite, et les personnages, tournent parfois à la caricature (Dupont-Gunther, Mme Gonzalès...). Mauriac a trouvé son cadre, il lui reste encore à construire une structure romanesque convaincante.
Commencé en 1914, l'écriture de la Chair et le sang a été interrompue par la grande guerre. Achevé en 1918 ou 1919, le roman est publié en 1920. Mauriac s'est inspiré pour son roman d'un fait divers, le suicide en 1909 de Charles Demange, neveu de Barrès, écrivain qu'il a beaucoup admiré et qui a eu une grande influence sur ses premières oeuvres.
Le personnage principal, Claude, est le fils d'un régisseur d'un domaine viticole, qui abandonne ses études au séminaire juste avant de devenir prêtre. Pas par manque de foi, en réalité l'auteur ne nous explique pas vraiment pourquoi. Il revient chez ses parents, qui ne désespèrent pas de le faire changer d'avis. le domaine sur lequel travaille son père a été acheté par un nouveau propriétaire, M. Dupont-Gunther, un homme dur, méprisant et violent. Ses deux enfants, Edward et May, très proches l'un de l'autre, ont des relations difficiles avec lui, d'autant plus que se pose la question de l'héritage de leur mère. Edward a réclamé sa part, mais son père espère garder celle de sa soeur dans ses affaires en la mariant à un homme facile à manipuler. Il met donc en place une stratégie pour rendre la vie insupportable à May, et l'obliger à se marier. Il se sert d'une de ses anciennes maîtresse, devenue son intendante, Mme Gonzalès, ainsi que de sa fille Edith, dont il espère faire sa nouvelle maîtresse. le frère et la soeur ont sympathisé avec Claude, qui tombe sous le charme de May, qu'il idéalise beaucoup. Pendant ce temps, Edward s'amuse à essayer de conquérir Edith au détriment de son père.
Le principal intérêt du livre, réside à mon sens, dans les descriptions de la nature, de la maison, du lieu qui sous un nom d'emprunt est Malagar, la maison familiale de Mauriac. le lien très fort entre Claude et la terre, les arbres, tout cet environnement, est aussi très bien rendu. En revanche, l'intrigue en elle-même est assez maladroite, et les personnages, tournent parfois à la caricature (Dupont-Gunther, Mme Gonzalès...). Mauriac a trouvé son cadre, il lui reste encore à construire une structure romanesque convaincante.
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Arabella- Messages : 4827
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Re: François Mauriac
Le baiser au lépreux
Mauriac accordait une grande importance à ce roman dans son parcours d'écrivain, il a ainsi écrit à son propos « en même temps que mon style, j'ai trouvé mes lecteurs ». le succès artistique s'accompagne d'un succès commercial. Il semble songer à ce roman dès début 1920, il date sa rédaction de juillet à septembre 1921, et il paraîtra en 1922 chez Grasset.
Nous sommes dans la lande bordelaise, chez la famille Péloueyre. Jérôme, le père hypocondriaque, vieil enfant tyrannique, maintient sous sa domination son fils de 23 ans, Jean. Ce dernier se trouve laid, il manque de confiance en lui, est considéré comme quelque peu dérangé par les voisins, mais la famille est riche et respectée. le curé, pour que les biens des ces fidèles catholiques ne tombent pas aux mains du neveu de Jérôme, anti-clérical notoire, décide de marier Jean. La jeune fille choisie est pauvre, et ses parents sont très heureux de lui permettre de sortir de la misère, même si le promis n'a pas un physique qui fait rêver les jeunes filles. Noémi n'aura donc pas grand chose à dire, quand à Jean, il n'ose pas non plus s'opposer aux désirs de son père, d'autant plus que la jeune fille le faisait rêver avant que le mariage ne soit envisagé. L'intimité physique du couple se passe de manière désastreuse, Noémi dépérit. le curé envoie Jean à Paris sous un prétexte, puis le fait revenir, car Noémi a des tentations d'amours hors mariage. Mais Jean revient malade, et le médecin à qui on demande de le soigner est justement l'homme qui trouble les sens de Noémi.
C'est très dense, ramassé, sans rien d'inutile. Mauriac creuse les personnages, le poids de la famille, des règles sociales, de la religion, l'importance des biens, de la terre, qui même s'ils assurent une position sociale, un confort matériel, pèsent sur les personnages, les obligent à tenir leur rang, à se comporter selon les normes en vigueur. Les non-dits et le paraître étouffent les êtres. La façon dont l'auteur tisse son récit est très sobre, elle va vers l'essentiel, sans pathos, le drame a lieu devant nos yeux. Il n'y a rien à faire, dans cette situation, dans ce contexte, les personnages ne peuvent que vivre ce qui vivent et aller vers un cruel destin, sans aucune échappatoire possible.
C'est terriblement impressionnant.
Mauriac accordait une grande importance à ce roman dans son parcours d'écrivain, il a ainsi écrit à son propos « en même temps que mon style, j'ai trouvé mes lecteurs ». le succès artistique s'accompagne d'un succès commercial. Il semble songer à ce roman dès début 1920, il date sa rédaction de juillet à septembre 1921, et il paraîtra en 1922 chez Grasset.
Nous sommes dans la lande bordelaise, chez la famille Péloueyre. Jérôme, le père hypocondriaque, vieil enfant tyrannique, maintient sous sa domination son fils de 23 ans, Jean. Ce dernier se trouve laid, il manque de confiance en lui, est considéré comme quelque peu dérangé par les voisins, mais la famille est riche et respectée. le curé, pour que les biens des ces fidèles catholiques ne tombent pas aux mains du neveu de Jérôme, anti-clérical notoire, décide de marier Jean. La jeune fille choisie est pauvre, et ses parents sont très heureux de lui permettre de sortir de la misère, même si le promis n'a pas un physique qui fait rêver les jeunes filles. Noémi n'aura donc pas grand chose à dire, quand à Jean, il n'ose pas non plus s'opposer aux désirs de son père, d'autant plus que la jeune fille le faisait rêver avant que le mariage ne soit envisagé. L'intimité physique du couple se passe de manière désastreuse, Noémi dépérit. le curé envoie Jean à Paris sous un prétexte, puis le fait revenir, car Noémi a des tentations d'amours hors mariage. Mais Jean revient malade, et le médecin à qui on demande de le soigner est justement l'homme qui trouble les sens de Noémi.
C'est très dense, ramassé, sans rien d'inutile. Mauriac creuse les personnages, le poids de la famille, des règles sociales, de la religion, l'importance des biens, de la terre, qui même s'ils assurent une position sociale, un confort matériel, pèsent sur les personnages, les obligent à tenir leur rang, à se comporter selon les normes en vigueur. Les non-dits et le paraître étouffent les êtres. La façon dont l'auteur tisse son récit est très sobre, elle va vers l'essentiel, sans pathos, le drame a lieu devant nos yeux. Il n'y a rien à faire, dans cette situation, dans ce contexte, les personnages ne peuvent que vivre ce qui vivent et aller vers un cruel destin, sans aucune échappatoire possible.
C'est terriblement impressionnant.
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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella- Messages : 4827
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