Jean-Luc Nativelle
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Re: Jean-Luc Nativelle
commentaire de 2014
Le Promeneur de la presqu’île
Chaque chapitre s’ouvre avec un numéro d’une rue, quelques lignes pour décrire la maison qui s’y trouve. À partir du deuxième chapitre c’est une personne qui habite la maison qui prend la parole. Ensuite c’est au tour d’Antoine de nous donner sa vue des choses.
Et il y a beaucoup de choses qui vont être racontées au cours d’une heure.
Le roman s’ouvre 2 rue de la République, 22h53 et se termine au Cabestan, à l’angle de la rue des pêcheurs et de la place de la Cale, 23h58.
Au début j’avais pensé que j’allais me retrouver avec une version française d’un promeneur comme Wilhelm Genazino, mais j’ai bien vite réalisé qu’il s’agit de bien plus que d’une « simple promenade » avec quelques propos philosophiques. En fin de compte, on va revenir sur les 25 ans qu’Antoine a passé dans ce petit village breton (pour ceux qui sont, comme moi, intéressés du lieu exact : il s’agit de l’Île-Tudy).
Sa femme, son enfant, ses voisins, tous vont accompagner en pensée Antoine sur cette balade nocturne.
Je ne veux pas dire plus, parce que c’est certain qu’il y a presque à tous les coins de rues qu’une nouvelle information va s’ajouter au puzzle qui fait l’ensemble de la vie d’Antoine.
Au début j’étais un peu déconcertée que le texte se fait sur plusieurs pages sans paragraphes, mais l’écriture est d’une telle fluidité et l’histoire est si bien ficelée, facile de suivre.
À partir du moment que j’avais commencé d’accompagner Antoine, je ne pouvais plus m’arrêter avant la dernière page. Quel bonheur !
Extrait
2 rue de la République, 22 h 53
Cinq marches montent à une terrasse qui sert de perron à la porte d'entrée. De plain-pied à gauche c'est-à-dire en contrebas par rapport à la terrasse, la porte du garage. Du toit au-dessus se dresse une lucarne à trois pentes dite à la capucine, tandis que sur la droite émerge à mi-toit un bâtiment perpendiculaire au bâtiment principal. Une porte-fenêtre y donne sur une terrasse plus petite que celle du rez-de-chaussée. Les volets et les rambardes qui encadrent les deux terrasses sont d'un bleu soutenu. L'ensemble a un faux air de maison américaine.
Ça remonte à des années la dernière fois que j'ai fait ma promenade du soir dans ce sens en prenant par la rue des Boulistes plutôt que par la place de la Cale. Cette rue sombre et étroite où les odeurs du restaurant vous sautent à la gorge quand vous passez devant la porte des cuisines, celle d'huile chaude surtout, la plus lourde et la plus écoeurante, ou celle des fruits de mer dont les déchets s'entassent à l'extérieur au pied du mur dans des sacs poubelle en plastique. Alors que tous les soirs je prends à gauche pour éviter de passer ici avant une heure suffisamment avancée, je ne sais pas quelle lubie m'a pris ce soir d'aller à droite en sortant de la maison. Je crois pourtant que j'ai hésité, balancé d'un pied sur l'autre pendant un moment, que je me suis même demandé ce que je faisais là et si c'était bien la peine d'aller faire une promenade un soir comme aujourd'hui, pour conclure finalement que je ferais sans doute mieux de rentrer, et c'est à cet instant précis que j'ai senti dans mes jambes la petite barrière du jardin qui s'était refermée toute seule comme pour m'enlever toute possibilité de retour en arrière. Je me suis donc mis à marcher, sans but et même sans direction, si c'est possible. Je suis parti de ce côté avec la vague impression de ne pas tout à fait reconnaître la rue où résonnaient mes pas, comme si on avait changé quelque chose depuis ces deux derniers jours, l'ordre des maisons peut-être, ou l'emplacement des portes et des fenêtres, quelque chose dans ce genre-là. Et tout en me posant ces questions il y avait quelque chose d'autre qui m'occupait l'esprit et à propos de quoi je me disais que c'était une idée stupide ou plutôt non, quel est ce mot déjà, je l'avais à l'instant sur le bout de la langue. Je ne sais plus. J'ai la tète vide, ou les idées dans la plus grande confusion, ce qui revient au même en fin de compte. Et me voilà du coup à me demander, parce que c'est vrai " que depuis tout ce temps je dois pouvoir compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où j'ai pris à droite en sortant de la maison le soir au lieu de prendre à gauche. Mais je me dis qu'au moins comme ça je me serai débarrassé dès le début de cette rue, de cette ruelle plutôt, que je n'aime pas, et pas seulement à cause de ses odeurs et de ses sacs en plastique. Non, ça tient à la rue elle-même, parce que d'un côté il v a ces maisons qui lui tournent le dos pour ne lui offrir que des murs sans fenêtres à l'exception d'une seule, toute petite, qui donne sûrement sur des toilettes ou un cagibi, et de l'autre, au pied du vieux bâtiment le long duquel un escalier mène jusqu'à la salle qui sert de cinéma en été, il v a ce grand porche qui abrite le terrain de boule bretonne où quelques anciens viennent parfois pour y jouer ou pour évoquer le temps où ils y jouaient encore. (...)
Le Promeneur de la presqu’île
Découverte d’un auteur et d’une maison d’édition en même temps. Quelle belle rencontre cela fut !Présentation de l’éditeur
Antoine Desprez fait sa promenade quotidienne dans les rues du village où il a vécu depuis vingt-cinq ans avec sa femme et son fils. Mais ce soir il la fait «à l'envers», et son humeur est sombre. Tandis que, l'un après l'autre, certains habitants nous livrent leurs points de vue sur l'événement qui a eu lieu trois jours plus tôt dans la presqu'île, son histoire se dévoile au fil de ses pas : les souvenirs se mêlent aux émotions et aux sentiments, tout au long d'un parcours qui est aussi celui d'une vie avec ses projets et ses renoncements, avec ses échecs et ses réussites. L'homme qui marche ne sait pas très bien ce qu'il cherche, sinon la paix avec lui-même, peut-être, au terme de son voyage.
Une langue magnifique, portée par une phrase sinueuse à l'image de la déambulation du promeneur et des méandres de sa pensée. Un roman subtil sur notre rapport à l'absence. Une réflexion profonde et belle sur nos paysages familiers, qui nous habitent autant que nous les habitons.
Chaque chapitre s’ouvre avec un numéro d’une rue, quelques lignes pour décrire la maison qui s’y trouve. À partir du deuxième chapitre c’est une personne qui habite la maison qui prend la parole. Ensuite c’est au tour d’Antoine de nous donner sa vue des choses.
Et il y a beaucoup de choses qui vont être racontées au cours d’une heure.
Le roman s’ouvre 2 rue de la République, 22h53 et se termine au Cabestan, à l’angle de la rue des pêcheurs et de la place de la Cale, 23h58.
Au début j’avais pensé que j’allais me retrouver avec une version française d’un promeneur comme Wilhelm Genazino, mais j’ai bien vite réalisé qu’il s’agit de bien plus que d’une « simple promenade » avec quelques propos philosophiques. En fin de compte, on va revenir sur les 25 ans qu’Antoine a passé dans ce petit village breton (pour ceux qui sont, comme moi, intéressés du lieu exact : il s’agit de l’Île-Tudy).
Sa femme, son enfant, ses voisins, tous vont accompagner en pensée Antoine sur cette balade nocturne.
Je ne veux pas dire plus, parce que c’est certain qu’il y a presque à tous les coins de rues qu’une nouvelle information va s’ajouter au puzzle qui fait l’ensemble de la vie d’Antoine.
Au début j’étais un peu déconcertée que le texte se fait sur plusieurs pages sans paragraphes, mais l’écriture est d’une telle fluidité et l’histoire est si bien ficelée, facile de suivre.
À partir du moment que j’avais commencé d’accompagner Antoine, je ne pouvais plus m’arrêter avant la dernière page. Quel bonheur !
Extrait
2 rue de la République, 22 h 53
Cinq marches montent à une terrasse qui sert de perron à la porte d'entrée. De plain-pied à gauche c'est-à-dire en contrebas par rapport à la terrasse, la porte du garage. Du toit au-dessus se dresse une lucarne à trois pentes dite à la capucine, tandis que sur la droite émerge à mi-toit un bâtiment perpendiculaire au bâtiment principal. Une porte-fenêtre y donne sur une terrasse plus petite que celle du rez-de-chaussée. Les volets et les rambardes qui encadrent les deux terrasses sont d'un bleu soutenu. L'ensemble a un faux air de maison américaine.
Ça remonte à des années la dernière fois que j'ai fait ma promenade du soir dans ce sens en prenant par la rue des Boulistes plutôt que par la place de la Cale. Cette rue sombre et étroite où les odeurs du restaurant vous sautent à la gorge quand vous passez devant la porte des cuisines, celle d'huile chaude surtout, la plus lourde et la plus écoeurante, ou celle des fruits de mer dont les déchets s'entassent à l'extérieur au pied du mur dans des sacs poubelle en plastique. Alors que tous les soirs je prends à gauche pour éviter de passer ici avant une heure suffisamment avancée, je ne sais pas quelle lubie m'a pris ce soir d'aller à droite en sortant de la maison. Je crois pourtant que j'ai hésité, balancé d'un pied sur l'autre pendant un moment, que je me suis même demandé ce que je faisais là et si c'était bien la peine d'aller faire une promenade un soir comme aujourd'hui, pour conclure finalement que je ferais sans doute mieux de rentrer, et c'est à cet instant précis que j'ai senti dans mes jambes la petite barrière du jardin qui s'était refermée toute seule comme pour m'enlever toute possibilité de retour en arrière. Je me suis donc mis à marcher, sans but et même sans direction, si c'est possible. Je suis parti de ce côté avec la vague impression de ne pas tout à fait reconnaître la rue où résonnaient mes pas, comme si on avait changé quelque chose depuis ces deux derniers jours, l'ordre des maisons peut-être, ou l'emplacement des portes et des fenêtres, quelque chose dans ce genre-là. Et tout en me posant ces questions il y avait quelque chose d'autre qui m'occupait l'esprit et à propos de quoi je me disais que c'était une idée stupide ou plutôt non, quel est ce mot déjà, je l'avais à l'instant sur le bout de la langue. Je ne sais plus. J'ai la tète vide, ou les idées dans la plus grande confusion, ce qui revient au même en fin de compte. Et me voilà du coup à me demander, parce que c'est vrai " que depuis tout ce temps je dois pouvoir compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où j'ai pris à droite en sortant de la maison le soir au lieu de prendre à gauche. Mais je me dis qu'au moins comme ça je me serai débarrassé dès le début de cette rue, de cette ruelle plutôt, que je n'aime pas, et pas seulement à cause de ses odeurs et de ses sacs en plastique. Non, ça tient à la rue elle-même, parce que d'un côté il v a ces maisons qui lui tournent le dos pour ne lui offrir que des murs sans fenêtres à l'exception d'une seule, toute petite, qui donne sûrement sur des toilettes ou un cagibi, et de l'autre, au pied du vieux bâtiment le long duquel un escalier mène jusqu'à la salle qui sert de cinéma en été, il v a ce grand porche qui abrite le terrain de boule bretonne où quelques anciens viennent parfois pour y jouer ou pour évoquer le temps où ils y jouaient encore. (...)
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