Hernan Diaz

-Trust-





Ce récit à tiroirs nous emmène dans l'univers complexe de la Finance. Tout débute avec celui de Benjamin Rask, qui règne en maitre sur Wall Street à la fin des années 20. Issu d'une richissime famille de commerçants devenus gros industriels et doté d'un flair hors normes doublé du génie des maths, il va rapidement manier les techniques boursières, liquidant les biens acquis et réinvestissant dans les devises pour accroitre sa fortune de manière exponentielle, surfant même sur le krach de 29 en sortant encore plus gagnant grâce aux contrats à termes qu'il anticipe, se protégeant des variations du marché. 

De nature discrète et peu enclin aux mondanités, il forme avec la douce Hélène, mélomane soucieuse du bien commun grâce aux fondations qui lui permettent de redistribuer leurs richesses, un couple envié, craint autant par l’aura qui les entoure que par leur fabuleuse influence dans le monde des affaires. Mais le rapport va changer lorsque la crise met à bas les petits boursiers et détruit toute l'économie, ces derniers les jugeant responsables des gigantesques faillites. 
 
Le ton est froid, presque clinique. Tout est décrit méthodiquement on se demande si on va tenir la distance lorsqu'on entame la seconde partie, "Ma vie" par Andrew Bavel, et on comprend que le récit suivant est en fait l'autobiographie du personnage romancé dans le précédent. Des situations analogues mais qui diffèrent suivant les points de vue, d'autres passées sous silence qui ressortent dans le second ou inversement. Ce roi de la finance, mortifié par la version peu flatteuse d' Harold Vanner, a voulu donner sa propre version. Le tout parait différent par certains aspects mais aussi décousu, un peu vague. On sent l'ébauche, la commande derrière. Le style s'adapte à la réalité, il est factuel, plus sobre, mais on reste assez perdu.  

L'ensemble va petit à petit s'éclairer et prendre du sens lorsque la parole est donnée à Ida Partenza, l'ancienne secrétaire de Bavel visitant la demeure transformée en musée 50 ans après, qui cherche à lever le voile sur les zones sombres de cette histoire, la personnalité de Mildred- Hélène et les rapports qu'entretenaient ce couple mythique. Cette partie, "Un mémoire remémoré", est de loin la plus prenante, la plus intime. Tout ce qui paraissait brumeux voire même pesant se met en place et chaque morceau du puzzle s'emboite, apportant le rythme qui manquait jusque là. Pour aboutir à la  dernière partie qui dit tout en peu de mots, très troublante.

J'ai été vraiment prise passé la seconde moitié, je ne savais pas où nous menait l'auteur mais la chute est à la hauteur de cette impression de flou. Un roman très abouti qui mêle la brillance à l'efficacité, la simplicité à une écriture pleine de verve, la malice à une ironie à peine voilée. Au final tout tient la route et le début qui semblait incertain devient aux trois quarts lumineux, évident. Une très belle première approche de cet auteur dont je vais lire à présent son premier (Au loin) C'est avant tout un regard lucide et sans appel sur ce monde particulier basé sur le profit. impressionnant! 

Ce roman audacieux dans sa conception interroge sur le pouvoir de l'argent et la machine capitaliste, et sur l'automystification, celle que les hommes de pouvoir cherchent à imposer, mais aussi plus largement celle qui a contribué à construire le "rêve américain". 

(France Info culture)

Oui, je le recommande vraiment @Leon3!

Il peut désarçonner au prime abord, paraître trop froid et même alambiqué. Mais c’est agréable aussi de se laisser aller, de faire confiance à l’auteur qui a l’art de rejouer la donne à sa façon.

Et bienvenue surtout! N’hésite pas à nous en dire plus sur toi et tes lectures

Malgré cette construction un peu compliquée , tu sembles emballée ! J’attends l’avis de  @domreader qui l’a aussi acheté, je crois, pour me lancer voire l’offrir à l’un de mes fistons !