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Oscar Vladislas de Lubicz Milosz

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Message par Arabella Mar 17 Jan - 21:31

Oscar Vladislas de Lubicz Milosz (1877-1939)


Oscar Vladislas de Lubicz Milosz Lubicz10

Né sujet russe à Czereïa , d’un père issue de la vielle noblesse lithuanienne, et d’une mère juive, il apprend dès son plus jeune âge le français auprès de sa préceptrice. En 1889 la famille s’installe à Paris, et il est inscrit à Janson-de-Sailly où il passera son bac, avant de s’aventurer dans des études hébraïques et assyriennes à L’école des langues orientales, tout en suivant également des études à l’école du Louvre.

Il fait paraître son premier recueil de poésies en 1899, sous le titre Le poème des décadences. Suivra en 1906 le recueil Sept Solitudes. En même temps, il fréquente les milieux littéraires et voyage, la fortune familiale le mettant à l’abri du besoin. En dehors de la poésie, il écrit des pièces de théâtres, des essais, roman….

La guerre de 14-18 apporte d’énormes changements dans sa vie. Il est mobilisé en 1916 dans les divisions russes de l’armée françaises. Et suite à la guerre et à la révolution bolchevique, il perd sa fortune. L’une des conséquences de cette guerre est la création d’une Lituanie indépendante, et Lubicz Milosz va représenter le nouvel état dans des conférences internationales et devenir son représentant en France, c’est d’ailleurs la délégation de Lituanie qui va lui offrir ses moyens de subsistance. Il publie des transcriptions de contes et légendes lituaniennes (après avoir appris la langue qu’il semble ne pas avoir connue avant), et essaie de faire connaître son pays, tout en continuant son œuvre en français, qui il faut bien le dire est restée plutôt confidentielle, malgré la reconnaissance d’un certain nombre de ses pairs (Paul Fort, Paul Valéry, Roger Martin du Gard, Claude Mauriac, Guillaume Apollinaire….). Il meurt en mars 1939 d’une embolie dans sa maison de Fontainebleau où il est enterré.

Juste une précision sur le nom : plusieurs orthographes existent dans différentes sources, donc ne vous étonnez pas de les trouvez. Les prénoms ont été francisés ici, ce qui est le plus courant.

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Message par Arabella Mar 17 Jan - 21:32

Tous les morts sont ivres…

Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale
Au cimetière étrange de Lofoten.
L’horloge du dégel tictaque lointaine
Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten.

Et grâce aux trous creusés par le noir printemps
Les corbeaux sont gras de froide chair humaine
Et grâce au maigre vent à la voix d’enfant
Le sommeil est doux aux morts de Lofoten.

Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer ni les tombes de Lofoten
Et pourtant c’est en moi comme si j’aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine.

Vous disparus, vous suicidés, vous lointaines
Au cimetière étranger de Lofoten
- Le nom sonne à mon oreille étrange et doux,
Vraiment, dites-moi, dormez-vous, dormez-vous ?

- Tu pourrais me conter des choses plus drôles
Beau claret dont ma coupe d’argent est pleine,
Des histoires plus charmantes ou moins folles ;
Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten.

Il fait bon. Dans le foyer doucement traîne
La voix du plus mélancolique des mois
- Ah les morts, y compris ceux de Lofoten -
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi…


Les Sept Solitudes (1906)

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Message par Arabella Mar 17 Jan - 21:34

Moment

Chants de flûtes du soir à Smyrne ou n’importe où.
Se souvenir de ce qui ne fut pas est doux.

Tambourins du couchant de Bagdad ou d’ailleurs.
Mais vieillir sans avoir été jeune est meilleur.

Viens, Jadis de mille ans et de demain ;
Nous fumerons, nous nous tairons. J’ai de vieux vins.

Nous nous tairons du barde boiteux d’Albion
Et d’aventures dans le golfe du Lion.

Le soleil de miel des ruines, l’herbe des murs
Sont là, pour nous parler de Ginèvre et d’Arthur.



Les Sept Solitudes (1906)

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Message par Arabella Mar 17 Jan - 21:35

Retour

Vos lèvres sont encor la saveur des myrtilles,
Mais l’or tiède de votre rire s’est fêlé
Et je vois dans vos yeux, lagunes immobiles,
S’élargir l’encens las d’un vêpre violet…

Au bruit d’or des frelons dans la lumière forte
Demain se mêleront les mots que vous aimiez ;
Mais ce soir laissez-moi vous appeler ma morte,
Et vous parler tous bas, comme si vous dormiez,

Car, semblable aux lys dans le cri de l’automne
Les mots que vous aimiez se brisent dans ma voix ;
Mon âme d’aujourd’hui vous regarde et s’étonne
De reconnaître en vous mon âme d’autrefois…

- Puisque je vous retrouve à notre ancienne place,
Bercez d’un rire triste ou d’un refrain dolent
Mon rêve fatigué comme la lune basse
Qui tremble dans le soir voilé de parfum blanc,

Et, bien que vous songiez à l’amour éphémère
Et sauvage comme la fleur de l’éclair bleu,
Accueillez doucement dans la vieille lumière
Mon retour pâle encor d’avoir été l’adieu.

Le poème des décadences (1899)

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Message par Arabella Mar 17 Jan - 21:36

Séguidille

Que Juan, s’il faut, se pende
Pour ton corps aux refus divins
Dona Cinthia, ma trop grande ;
J’ai pour me consoler, les vins.

Que Jaime, s’il se croit coupable,
S’oublie aux poissons nuageux
Dona Blanca, ma trop palpable,
J’ai, pour me consoler, les jeux.

Que Nunez, s’il le peut, s’amuse
A vous chanter en séguidilles
Dona Inésile, ma Muse,
J’ai, pour me consoler, les filles.

Que Gomez, s’il le veut, s’enfroque
Pour ton remord adolescent,
Dona Ellénor, je m’en moque :
J’ai pour me consoler, le sang.

Que Navarro s’indigne et peste
De l’aube à minuit contre vous
Dona Lorença aux doigts doux…
J’ai, pour me consoler, le reste.

Les sept solitudes (1906)

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