Santiago Rusiñol
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Re: Santiago Rusiñol
L’île au calme
Présentation de l’édtieur
Santiago Rusiñol a écrit l'un des livres les plus beaux et les plus populaires sur son paradis. Il décrit Majorque, l'île de tranquillité (1912/1922), avec une ironie douce les conditions de vie idylliques de Majorque à son époque. Même si les conditions sont maintenant transformées, surtout par le tourisme de masse, la lecture de ce livre est non seulement digne d'intérêt en raison de son caractère nostalgique, mais également en tant que correction du pamphlet de George Sand intitulé Un hiver à Majorque.
En faisant des recherches autour du sujet « jardin », je suis tombée sur une des images de Santiago Rusiñol et après quelques autres renseignements, j’ai déniché son livre sur Majorque.
Première version publié en 1912 et révisé en 1922 ce texte a donc 100 ans et peut être considéré comme désuet. Mais l’intérêt ne consiste pas dans un aspect d’actualité, mais de faire un beau voyage. Et cela est garanti avec ce livre.
Au début, il consacre plusieurs chapitres à la ville de Palma pour ensuite faire le tour de l’île. Il emmène son lecteur dans des endroits connus et moins connus… et très honnêtement, à part quelques détails révélateurs on a du mal à situer ce texte dans un temps. Il est tout à fait intemporel qui explique aussi probablement le fait qu’il est encore facilement disponible aujourd’hui en version allemande. Majorque étant de loin l’île préférée des Allemands
J’ai en tout cas passé un très bon moment avec cet auteur/peintre… extra !
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George Gershwin
Re: Santiago Rusiñol
Extraits
Si tu souffres de neurasthénie ou si tu crois en souffrir, ce qui revient au même ; si tu es étourdi par les bruits que nous vaut la civilisation, par cette angoisse qui nous fait toujours être pressés d’arriver au plus tôt où nous n’avons rien à faire ; si les affaires ont rempli de chiffres, chez toi, la place que doit occuper ce que nous nommons l’esprit ; si les cinémas ont abîmé le mécanisme de ta vue ; si ton remuement est devenu chronique et que tu n’en puisses plus d’inquiétude et que tu veuilles jouir d’un peu du repos que méritent, dans cette vie, celui qui n’a fait de mal à personne, suis-moi dans l’île dont je vais te parler, dans une île où règne toujours le calme, où les hommes ne sont jamais pressés, où les femmes ne vieillissent jamais, où l’on ne gaspille même pas les mots, où le soleil s’attarde, où dame lune elle-même marche plus lentement qu’ailleurs, atteinte par le calme.
Cette île, lecteur, c’est Majorque. C’est cette monnaie grecque, enchâssée dans l’azur, qui, dit-on, a émergé de la mer salée pour se prélasser un moment au soleil et qui s’y est trouvée si bien qu’elle y est restée endormie. C’est cette île entourée d’eau, plus latine que nulle autre ; c’est la retraite où il fait bon se chauffer à la tiédeur de la paresse, de prendre des douches de lumière et des bains de couchants.
Et c’est sans doute pour ce que je te dis et pour tant d’autres choses auxquelles maintenant je ne songe pas et dont nous parlerons plus tard à loisir qu’aussitôt que tu y seras débarqué (oh ! lecteur, je te le jure !) tu seras pris d’une somnolence si cadencée et si mélodieuse, d’une envie de ne rien faire si convaincante et si impérieuse et d’un engourdissement si continuel que tu diras : « Voilà bien la terre qui convenait à mon mal, une terre où il n’est pas besoin de dormir pour se reposer et pour rêver
Dès ton arrivée, après être passé devant des falaises comme des murailles enchantées face à la mer et après voir vu une baie qui n’a d’autre mission au monde que de refléter le ciel et des nuages et des bateaux qui ont replié leurs voiles à la façon dont les oiseaux replient leurs ailes et une Cathédrale tellement ensoleillée que l’on ne sait plus si c’est elle qui prend un bain de soleil ou si c’est le soleil qui prend un bain de cathédrale, tu verras un quai ; le bateau en approche ; tout au bord, il y a un rang de Majorquins qui… sais-tu ce qu’ils font ? Ils attendent le bateau !
Partout ailleurs, si on attend le bateau c’est que quelque connaissance arrive ou devrait arriver, ou bien, on y va chercher des valises ; eh ! bien, ici, il n’en est rien.
Partout ailleurs, l’attente est une tâche dont on s’acquitte dans l’inquiétude, en faisant les cent pas, en regardant sa montre, en comptant les minutes ; les gens d’ici attendent de pied ferme, immobiles, calmes et tranquilles.
Partout ailleurs, l’attente blanchit les cheveux des hommes ; eh ! bien, ici, ils n’ont jamais de cheveux blancs, l’attente n’est ni une obligation, ni un passe-temps, ni un désir d’attendre pour le plaisir de l’attente. Il ne faut nul motif aux gens d’ici pour attendre comme les oiseaux qui n’ont pas faim et qui restent deux à trois heures au bout d’une branche, à ouvrir et à fermer les paupières ; comme la cigogne qui se tient sur une patte au bord de la rivière sans poser l’autre sur le sol ; comme le chat près du feu et comme le Maure au seuil de sa porte.
L’attente est ici la religion de celui qui n’est pas pressé de vivre, de celui qui ne craint pas la mort qui doit arriver un jour.
Si tu souffres de neurasthénie ou si tu crois en souffrir, ce qui revient au même ; si tu es étourdi par les bruits que nous vaut la civilisation, par cette angoisse qui nous fait toujours être pressés d’arriver au plus tôt où nous n’avons rien à faire ; si les affaires ont rempli de chiffres, chez toi, la place que doit occuper ce que nous nommons l’esprit ; si les cinémas ont abîmé le mécanisme de ta vue ; si ton remuement est devenu chronique et que tu n’en puisses plus d’inquiétude et que tu veuilles jouir d’un peu du repos que méritent, dans cette vie, celui qui n’a fait de mal à personne, suis-moi dans l’île dont je vais te parler, dans une île où règne toujours le calme, où les hommes ne sont jamais pressés, où les femmes ne vieillissent jamais, où l’on ne gaspille même pas les mots, où le soleil s’attarde, où dame lune elle-même marche plus lentement qu’ailleurs, atteinte par le calme.
Cette île, lecteur, c’est Majorque. C’est cette monnaie grecque, enchâssée dans l’azur, qui, dit-on, a émergé de la mer salée pour se prélasser un moment au soleil et qui s’y est trouvée si bien qu’elle y est restée endormie. C’est cette île entourée d’eau, plus latine que nulle autre ; c’est la retraite où il fait bon se chauffer à la tiédeur de la paresse, de prendre des douches de lumière et des bains de couchants.
Et c’est sans doute pour ce que je te dis et pour tant d’autres choses auxquelles maintenant je ne songe pas et dont nous parlerons plus tard à loisir qu’aussitôt que tu y seras débarqué (oh ! lecteur, je te le jure !) tu seras pris d’une somnolence si cadencée et si mélodieuse, d’une envie de ne rien faire si convaincante et si impérieuse et d’un engourdissement si continuel que tu diras : « Voilà bien la terre qui convenait à mon mal, une terre où il n’est pas besoin de dormir pour se reposer et pour rêver
Dès ton arrivée, après être passé devant des falaises comme des murailles enchantées face à la mer et après voir vu une baie qui n’a d’autre mission au monde que de refléter le ciel et des nuages et des bateaux qui ont replié leurs voiles à la façon dont les oiseaux replient leurs ailes et une Cathédrale tellement ensoleillée que l’on ne sait plus si c’est elle qui prend un bain de soleil ou si c’est le soleil qui prend un bain de cathédrale, tu verras un quai ; le bateau en approche ; tout au bord, il y a un rang de Majorquins qui… sais-tu ce qu’ils font ? Ils attendent le bateau !
Partout ailleurs, si on attend le bateau c’est que quelque connaissance arrive ou devrait arriver, ou bien, on y va chercher des valises ; eh ! bien, ici, il n’en est rien.
Partout ailleurs, l’attente est une tâche dont on s’acquitte dans l’inquiétude, en faisant les cent pas, en regardant sa montre, en comptant les minutes ; les gens d’ici attendent de pied ferme, immobiles, calmes et tranquilles.
Partout ailleurs, l’attente blanchit les cheveux des hommes ; eh ! bien, ici, ils n’ont jamais de cheveux blancs, l’attente n’est ni une obligation, ni un passe-temps, ni un désir d’attendre pour le plaisir de l’attente. Il ne faut nul motif aux gens d’ici pour attendre comme les oiseaux qui n’ont pas faim et qui restent deux à trois heures au bout d’une branche, à ouvrir et à fermer les paupières ; comme la cigogne qui se tient sur une patte au bord de la rivière sans poser l’autre sur le sol ; comme le chat près du feu et comme le Maure au seuil de sa porte.
L’attente est ici la religion de celui qui n’est pas pressé de vivre, de celui qui ne craint pas la mort qui doit arriver un jour.
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George Gershwin
Re: Santiago Rusiñol
Majorque, l’île au calme de Santiago Rusiñol
Grandes plages, jardins ombragés ou criques rocheuses, Majorque a de nombreux visages à révéler à ceux qui viennent s’y perdre. Au début du XXe siècle, le peintre Santiago Rusiñol foule le sol de l’île méditerranéenne. Pour cette figure du modernisme catalan, c’est une révélation. Les lumières et les couleurs des Baléares transfigurent sa peinture et lui permettent d’explorer de nouvelles facettes de son talent.
Un très beau reportage, disponible jusqu'au 12/02/2022 : ici
Une des toiles qu’on peut voir
Jardí senyorial (Raixa), 1912
et une autre de ses images jardins
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George Gershwin
Re: Santiago Rusiñol
J'étais passée à côté de ce fil, mais en effet c'est très beau ce qu'il a fait, ce peintre!
On a envie d'y être, sur cette île...
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