Maria Larrea

Rêvant de m'appeler Sophie ou Julie, je tenais parfaitement mon rôle de jeune fille modèle devant les parents des copines qui m'invitaient à dîner ou à dormir. Je jouais au singe savant. Oh, qu'elle est cultivée pour une fille de femme de ménage! Je faisais mon effet sur les parents des autres, un mélange de pitié et d'épate quant à mes origines. J'exagérais le trait, je les regardais comme des sauveurs et les écoutais plus que leur progéniture. Je buvais leur savoir et leurs connaissances. Nourrie et repue par leur bourgeoisie, je pouvais enfin m'éloigner de mon duo parental bruyant et angoissant. J'avais grandi comme une souris de laboratoire en captivité, j'avais enfin trouvé la sortie du labyrinthe que mes parents avaient construit autour de moi. 

Dans ce roman témoignage, l'auteure retrace son parcours depuis son enfance, fille d'immigrés espagnols ayant fuit le régime Franquiste pour s'installer à Paris. Mais la famille est pauvre. Des parents abandonnés tout juste nés, l'un chez les jésuites, l'autre au couvent, qui tentent de se forger une vie décente comme gardien de théâtre et femme de ménage. Déracinée, Maria côtoie les autres, les nantis, elle se rêve comme eux et s'invente un univers, mais la misère et la honte creusent leur sillon. Les non-dits, le silence autour de ce passé plus que flou fragilisent l'ado qui s'oublie dans la dope ou les soirées arrosées. Parvenue à sortir de son milieu grâce à ses débuts de réalisatrice, mère et en couple à son tour, elle tombe un jour sur un jeu de tarot qui met à jour des secrets étouffés toutes ces années.

Après un début sur le ton ironique, limite provoc, une seconde partie qui bascule dans quelque chose de beaucoup plus grave. Maria se retrouve confrontée à des révélations fracassantes. Déstabilisée, proche de l'effondrement, elle va peu à peu remonter le fil de l'histoire, revenir sur les traces originelles et s'investir totalement dans sa quête d'identité, celle qui lui permettra de se reconstruire. 

Ce livre, écrit dans la fougue, se lit presque avec légèreté dans sa première partie. L'auteure aime l'auto-dérision, les images fortes. Elle joue franc jeu, ne cherche pas à enjoliver. C'est de la matière brute, on sent l'urgence d'en découdre. Mais dans sa partie finale, l'émotion nous rattrape, les phrases deviennent tendres, la rancoeur se meut en reconnaissance, en acceptation. On quitte Maria apaisée, libérée, en accord avec elle-même et c'est très beau. Bonne pioche pour moi!

ah oui, je l'avais noté lorsque tu en avais parlé sur le fil des achats...
d'après ce que tu en dis, je ne le sens pas à 100% pour moi... je vais le laisser pour l'instant sur ma liste...

Je ne saurais bien te dire..

Il se lit très bien, le style est enlevé, direct, on ne s’ennuie pas du tout. Et cette histoire est quand même incroyable.

Mais bon, tu n’es pas vraiment en manque de lectures 

Aeriale a écrit:Mais bon, tu n’es pas vraiment en manque de lectures 

en effet

Les Gens de Bilbao naissent où ils veulent

Un roman autobiographique très touchant sur la question des origines, l’adoption et la quête de sa famille biologique ! 
Maria Larrea raconte comment elle a appris par hasard, alors qu’elle était déjà adulte, qu’elle avait été adoptée. Déflagration, colère, rejet de ses parents adoptifs…
Dans la première partie du livre, l’auteure nous raconte ses parents, enfin, ceux qu’elle croyait être ses parents, leur enfance misérable en Espagne, leur rencontre, les années Franco, leur exil en France, où la mère devient femme de ménage et le père, gardien du théâtre de la Michodière. Elle raconte aussi sa propre enfance, avec ces parents aimants mais lui, c’est un père alcoolique, violent envers sa femme. C’est brut, c’est cash. 
Elle crie son envie de s’extirper de ce milieu, elle y arrivera en faisant des études à la FEMIS et deviendra réalisatrice. 
La deuxième partie retrace ses recherches frénétiques sur sa famille biologique, du côté de Bilbao sa ville natale, on sent l’urgence dans l’écriture, ça se lit presque comme un polar… jusqu’au dénouement final, magnifique ! 
Un premier roman, qui fait mouche, de très belles pages sur les liens du sang et sur les liens affectifs, ceux qu’on tisse au contact des autres et qui finalement peuvent être aussi précieux que les premiers.

Liseron a écrit:La deuxième partie retrace ses recherches frénétiques sur sa famille biologique, du côté de Bilbao sa ville natale, on sent l’urgence dans l’écriture, ça se lit presque comme un polar … jusqu’au dénouement final, magnifique ! 

Contente que tu l’aies autant apprécié @Liseron! Comme toi j’ai trouvé la fin magnifique, cette acceptation, l’apaisement après ce temps d’incompréhension et de colère. 

Un bon souvenir de lecture :-)

Intéressant, deux avis positifs donc ! Les critiques de ce livre sont bonnes d'ailleurs dans l'ensemble. A l'occasion si je mets la main dessus, je le lirai. J'ai une autre amie qui est en train de le lire, je lui demanderai ce qu'elle en pense.