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Robert Garnier

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Message par Arabella Sam 4 Mai - 12:00

Robert Garnier (1545 - 1590)


Robert Garnier Robert10



Source : Wikipédia


Robert Garnier, né à La Ferté-Bernard (Sarthe) vers 1545 et mort au Mans le 20 septembre 1590, est un poète et dramaturge français. 

l naît dans une famille bourgeoise du Maine, relativement aisée et alliée à la noblesse locale. Dès 1563, on le trouve à Toulouse où il fait ses études de droit et où il obtient deux prix artistiques, la violette (2e prix), puis l'églantine (1er prix) aux Jeux floraux en 1564 et 1566. Ces prix récompensent deux chants royaux qui ont pour sujet le retour de la paix en France. Il compose également trois inscriptions et trois sonnets pour l'entrée de la Cour dans la ville (février 1565). Le recueil de poèmes amoureux Les Plaintes amoureuses est perdu. Les deux facettes du personnage émergent durant cette période, il sera juriste de profession et poète de cœur.

Garnier est ensuite avocat général du Roi au Parlement de Paris (1567), année où il publie l'Hymne de la monarchie, dédié à Guy Du Faur de Pibrac, où en fervent défenseur de la couronne, il prend cause pour un pouvoir royal fort, seul à même de ramener l'ordre et la paix intérieure alors que la France est en pleine guerre de religion. C'est dans cette période parisienne également qu'il rencontre et sympathise avec les poètes de la Pléiade mais c'est au théâtre qu'il oriente ses loisirs créatifs. En 1568, il publie sa première tragédie à sujet romain, Porcie.

En 1569, il s'installe au Mans où il exercera diverses charges administratives et judiciaires. Il représente notamment l'autorité royale dans la cité et tente de faire régner l'ordre alors que le climat social est délétère : les tensions entre protestants, ligueurs et royalistes sont vives, la criminalité est élevée ce qui alimente la guerre civile. C'est dans cet environnement pesant qu'il épouse Françoise Hubert, poétesse à ses heures, continue à fréquenter les cercles littéraires et publie l'essentiel de ses pièces. Il publie deux autres tragédies à sujet romain Cornélie, 1574 et Marc Antoine, 1578, et d'autres à sujet grec (Hippolyte, 1573, La Troade, 1579, Antigone, 1580). Mais c'est sur un sujet inspiré de l'Ancien Testament, où l'atmosphère des guerres de religion transparaît, qu'il écrit un manuscrit donnant ses premières lettres de noblesse au genre dramatique français (Les Juives, 1583). Garnier est aussi l'auteur d'une tragi-comédie, Bradamante (1582), inspirée du Roland furieux de l'Arioste.

En 1586, il regagne Paris où il est nommé membre du Grand Conseil du Royaume (le 12 octobre 1587), chambre réunissant les plus grands fonctionnaires de l'État. Mais les tensions politiques et militaires sont à leur paroxysme, l'autorité du roi Henri III est insignifiante, la Ligue trahit par ses excès la cause royaliste. « Comme Garnier a été chargé d'une mission par le roi dans la semaine qui précède les Barricades, on peut admettre qu'il n'était pas encore ligueur à ce moment-là (12 mai 1588). » Finalement, sa charge de conseiller, très prenante, ne lui apporte que des déceptions. Le décès de son épouse en 1588 n'arrange rien. C'est finalement endeuillé, épuisé, déprimé, qu'il meurt le 20 septembre 1590, à l'âge de 45 ans.

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Message par Arabella Sam 4 Mai - 12:02

Hippolyte


Publiée en 1573 pour la première fois, cette pièce semble avoir eu un vrai succès, et pas mal de représentations pour l'époque. C'est la deuxième pièce publiée par Garnier, et une des moins oubliées, il lui arrive même être jouée de temps en temps actuellement : très récemment (juillet 2017) quelques représentations ont été données par l'Académie de la Comédie Française.

Le sujet a inspiré deux pièces à Euripide, dont une seule a été conservée. Sénèque s'en est inspiré pour sa pièce Phèdre. Cette dernière est la source principale de la tragédie de Garnier. C'est la première fois qu'une tragédie en langue française est créée sur sur ce sujet, mais pas la dernière, la plus célèbre étant bien entendu la pièce de Racine, écrite un siècle plus tard, et qui puisera un certain nombre d'éléments chez Garnier.

La pièce commence d'une façon assez statique, Égée, remonté du royaume des morts, vient présenter la situation, la folie de son fils Thésée, parti aux Enfers pour conquérir la femme de Pluton, et annonce les désastres à venir, comme une conséquence des actions de Thésée. Puis Hippolyte raconte un songe effrayant et des présages néfastes qui le poursuivent. L'acte se termine par un choeur de chasseurs. L'action démarre véritablement au deuxième acte, Phèdre évoque son malheureux mariage avec Thésée, les infidélités de ce dernier, et avoue à la Nourrice son amour pour Hippolyte, son beau fils. La Nourrice essaie de la persuader d'y renoncer, lui adjoint la fidélité conjugale. Voyant que cet amour, s'il n'est pas satisfait, risque de mener Phèdre à la mort, elle change d'avis, et s'engage à évoquer l'amour de la reine avec le jeune homme. Mais ce dernier refuse l'amour et professe un profond mépris des femmes. Il rejette avec horreur la déclaration de Phèdre. La Nourrice ourdit une machination, pour l'accuser de viol, sous la foi du poignard abandonné. Thésée tout juste revenu des Enfers, n'a aucun doute, et demande à Neptune de faire mourir son fils. La Nourrice prise de remords, se tue. Un messager annonce et décrit la mort d'Hippolyte, Phèdre avoue la vérité et se tue. Thésée décide de vivre pour expier son crime.

Nous ne sommes pas encore dans la tragédie classique, la construction dramatique n'est pas encore une machine complètement maîtrisée comme elle le sera par la suite. Il y a de longues tirades, des interventions d'un choeur, qui viennent presque à côté de l'action, sans aucune part à ce qui se passe, ni même un dialogue avec les personnages du drame, comme c'était le cas dans les tragédies antiques, cela semble presque gratuit, de simples morceaux de bravoure poétique. Mais en même temps, la trame dramatique centrale est vraiment posée, dans une grande simplicité, austérité presque, et menée à terme avec une certaine grandeur. C'est plus simple que chez Racine, qui a rajouté une autre trame amoureuse, celle d'Hippolyte et Aricie, qui est quand même un peu artificielle et qui change le personnage d'Hippolyte. Il est vrai qu'à l'époque de Racine, la veine romanesque et galante, ainsi que l'influence des chaînes amoureuses de la pastorale, faisait que le public attendait ces histoires d'amours multiples, et qu'un jeune homme qui n'était pas amoureux paraissait invraisemblable, contre nature.

Dans la pièce de Garnier, la cause de tous les maux, est Thésée, et son comportement irresponsable. le personnage apparaît comme très impulsif, incapable de résister à ses désirs, à ses pulsions, dépassant toute mesure en voulant conquérir une déesse.

Je trouve la Phèdre de Garnier très intéressante. Elle ne semble jamais avoir été amoureuse de son mari, enlevée (certains vers évoque quelque chose qui n'est pas loin d'un viol), elle dénonce ses infidélités, et revendique d'une certaine façon son droit à un choix amoureux correspondant davantage à ses désirs. Elle a un aspect très charnel, sensuel.

La Nourrice, même si Garnier l'étoffe et en fait un vrai personnage, qui n'est plus une confidente secondaire, mais une protagoniste de l'action, est un peu incohérente, faisant la morale, puis poussant sa maîtresse à se déclarer ; imaginant le complot et se suicidant lorsqu'il réussit, les revirements ne sont pas suffisamment justifiés.

J'ai toutefois trouvé cette pièce passionnante. La langue est magnifique, même si elle n'est pas toujours facile. Garnier est souvent présenté comme le meilleur auteur de théâtre de son siècle, et à lire cette pièce, cela peut se comprendre.

Ce qui a peut être manqué à cette génération, c'est une pratique du théâtre professionnel, de la scène, des troupes d'acteurs, qui aurait permis de concevoir des textes en fonction d'une représentation avant tout. Mais je trouve le théâtre du XVIe siècle assez surprenant finalement, bien meilleur que ce qu'en disent en général les histoires de la littérature. Il est incontestablement différent du théâtre qui se met progressivement en place au XVIIe siècle, mais c'est peut être un peu trop simple de le juger inférieur sans autre forme de procès.

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Message par Arabella Sam 4 Mai - 12:03

Porcie


Il s'agit de la première pièce publiée de Robert Garnier, en 1561, à peine 15 ans après la création de Cléopâtre captive d'Etienne Jodelle, présentée comme la première pièce moderne française créée selon le modèle antique. Un nouveau théâtre est en train de naître, qui fait disparaître le théâtre médiéval, et Robert Garnier est un auteur important, qui va poser des jalons essentiels pour la suite de l'évolution du genre.

Soyons honnête : ce théâtre est celui d'hommes cultivés, amateur de l'antiquité, qui ont des activités autres, Garnier est juriste de formation, et va occuper différentes charges administratives importantes. Ce n'est pas un professionnel de la scène, comme ne le sont pas les auteurs de son époque. Les représentations des pièces ont souvent lieu dans les cours royales ou princières, dans les collèges, ils sont joués par des amateurs. Toutefois, des mentions des représentations par des troupes d'acteurs dont c'est le métier et la principale activité, en particulier pour les pièces de Garnier, existent, les textes ne sont pas protégés par des droits d'auteurs et tout le monde peut s'en emparer. Cela montre qu'il existe une demande sociale pour le théâtre.

Les auteurs de l'époque inventent un genre. Ils pensent reproduire le modèle antique, ils ont accès à la création italienne, pionnière en la matière, mais ce qu'ils font, va devenir original et bien sûr très différent. Il est relativement difficile de se représenter avec précision comment ce théâtre était joué et reçu, les sources sont bien moins nombreuses qu'au XVIIe siècle. Tel quel, il semble difficile à jouer aujourd'hui. L'aspect qui me pose question est par exemple le choeur, qui est très présent dans ces premières pièces modernes. Dans les deux seules représentations du théâtre du XVIIe siècle français auxquelles j'ai pu assister, le texte de ce choeur était dit (voire lu) par une seule personne, et surtout dans un cas, très raccourci. Or il semblerait qu'à l'époque de sa création, il s'agissait vraiment d'un choeur de plusieurs personnes. Je ne sais pas s'il y avait de la musique, comme dans le théâtre antique, il ne semble pas que des partitions aient été conservées. Un sujet que je vais essayer de creuser dans mes prochaines lectures.

Porcie est donc la première pièce de Garnier, et cela se sent. Autant sa deuxième pièce, Hippolyte, m'avait semblé intéressante, autant je trouve celle-ci vraiment d'une construction trop bancale. Nous sommes encore proche de la Cléopâtre de Jodelle, dans une sorte de déploration. Mais en même temps, Garnier tente de donner un peu d'action à sa pièce, et tout cela ne colle pas très bien ensemble.

Porcie est la femme de Brutus, apprenant la mort de son mari, défait pas Antoine, elle se suicide.
Le premier acte est une sorte de prologue, composé d'un long monologue de Mégère, l'une des trois Erinyes, qui incite les Romains à la guerre civile, suivi d'un choeur qui déplore les malheurs de Rome dans la tourmente. Dans le deuxième acte, Porcie vient exprimer son angoisse au sujet du sort de son mari ; le choeur pleure la paix disparue. Entre la Nourrice, suit un échange avec Porcie qui se laisse aller à exprimer ses appréhensions, que la vieille femme tente de calmer. Un choeur effrayé souhaite le succès du camp de Brutus.

Dans l'acte suivant, après un monologue d'Aree, un philosophe qui déplore les malheurs de l'époque, entre en scène Octave, puis Antoine et Lepide. Leur camp a gagné, ils se partagent le monde. Octave, suivi par Lepide, se montre sanguinaire, et veut poursuivre jusqu'à la mort tous les conjurés et leurs soutiens. Marc Antoine essaie de les tempérer. Intervient un choeur martial de soldats. Dans l'acte quatre, un messager vient conter les événements, la défaite et la mort de Brutus, au désespoir de Porcie et du choeur. Au cinquième acte enfin, la Nourrice vient raconter le suicide de Porcie, puis se suicide à son tour. le choeur est sur un mode déploratif.

Même si tout est joué, et que la mort de l'héroïne est inévitable, Garnier tente de mettre un peu de suspens, au début de la pièce, on ne sait pas encore que Brutus est mort. le messager n'annonce pas de suite la nouvelle, il raconte les événements avec luxe de détails, il y a des retournements. Garnier essaie aussi de donner plus d'étoffe à ses personnages, par exemple les trois triomphateurs, ont des personnalités distinctes, qui annoncent forcément les dissensions à venir. Mais tout cela reste un peu théorique, maladroit, pas terriblement crédible. Garnier a beaucoup emprunté à diverses tragédies de Sénèque pour écrire la sienne, et le côté patchwork est assez sensible à la lecture.

Mais il s'agissait d'un premier essai, il a incontestablement mieux réussi par la suite.

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Message par Arabella Sam 4 Mai - 12:05

Cornélie


Troisième pièce de Robert Garnier, Cornelie, publiée en 1574, aborde des thèmes proches de ceux de Porcie. Ici l'héroïne est la femme de Pompée.

Après un premier acte dans lequel Cicéron déplore le sort de Rome, victime des ambitions et guerres civiles, dans le deuxième, Cornellie déplore la mort de son deuxième époux, Pompée, qui suit celle du premier, Crassus. Elle s'attribue la cause de tous ces malheurs et veut mourir. Cicéron essaie de la dissuader et condamne le suicide. Dans l'acte trois, Cornellie craint pour son père, Scipion, qui continue la lutte contre César. On lui apporte les cendres de Pompée. Dans le quatrième acte, nous sommes avec les vainqueurs, César et Marc Antoine. Ce dernier pousse César à exterminer tous ses ennemis, César est plutôt enclin à la clémence, maintenant qu'il a triomphé. Dans le dernier acte, on raconte à Cornellie la mort de son père, Scipion. Malgré son désir du suicide, elle décide de vivre pour honorer les tombes de son mari et de son père.

Le résumé montre à quel point la construction de cette pièce est peu satisfaisante, il y a beaucoup d'événements, et tout cela se bouscule un peu dans une certaine confusion. On voit bien que les fameuses règles des trois unités du théâtre classique n'étaient pas encore en vigueur. Les lieux de l'action ne sont pas vraiment indiqués, ils sont visiblement multiples, la durée de la pièce n'est pas non plus indiquée, et il n'y a pas vraiment d'unité d'action. La pièce est très statique, il y a de très longues tirades, entrecoupées de stichomythies, au contenu moralisateur, et des interventions du choeur. Incontestablement, le genre se cherche.

Néanmoins, Garnier progresse dans cette pièce, qui n'est pas intéressante, et propose des éléments nouveaux. La question de la guerre civile, au fond le pire malheur pour un pays, à laquelle Garnier était forcément très sensible, compte tenu du contexte français de l'époque (guerre de religion) donne lieu à des passages touchants et justes. Il y a visiblement une tentative pour trouver une progression dramatique, même si elle n'est pas encore convaincante, et des effets dramatiques qui vont pouvoir toucher les spectateurs. Corneille va sans doute souvenir dans sa Mort de Pompée de la pièce de Garnier, l'urne et le récit de la mort par Philippes ont visiblement des ressemblances. Evidemment, la Cornélie de Corneille a une toute personnalité et envergure que le personnage de Garnier, mais quelque chose est là. L'enchaînement impitoyable de la violence, la mort de Pompée, mais aussi la mort annoncée de César, comme une suite logique, et du coup la mort de Brutus évoquée dans la première pièce de Garnier, introduisent la notion de la fatalité, si essentielle à la tragédie antique.

Et j'ai trouvé les vers de Garnier, malgré les difficultés de la langue du XVIe siècle, belle et poétique.

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Message par Arabella Sam 4 Mai - 12:06

Marc Antoine


Quatrième tragédie de Robert Garnier, la pièce a été publiée en 1578. Un certain nombre de représentations de la pièce sont attestées, en province et à Paris, même s'il est difficile d'imaginer à quoi pouvaient vraiment ressembler ces représentations ; il n'y a pas d'indications de mise en scène, les lieux où se passent l'action ne sont pas non plus précisés.

Robert Garnier reprend dans ce texte le sujet de la première tragédie humaniste en langue française imitée de l'antique : celui de la Cléopâtre captive d'Etienne Jodelle. La source principale des deux pièces est la même : Plutarque, mais les deux auteurs traitent au final le sujet différemment. le fait de reprendre les mêmes événements et personnages moins de 25 ans après Jodelle, montre à quel point cette thématique correspondait à la sensibilité de l'époque ; elle sera abordée plusieurs fois encore, en particulier dans la pièce importante du point de vue historique de Mairet ; la pièce de Garnier connaîtra même une traduction anglaise.

Le premier acte se compose d'un long monologue de Marc Antoine suivi par une intervention du choeur. Marc Antoine fait état de sa situation désespérée qui ne lui laisse que la perspective de la mort. Il se plaint surtout de ce qu'il considère comme une trahison de Cléopâtre, et déplore s'être abandonné à la passion et à la luxure qui l'ont mené au désastre. le choeur dit les instabilités de la fortune, la vanité de la gloire et des honneurs.

Au deuxième acte, Philostrate (philosophe) déplore les coups du destin. le choeur lui répond en plaignant les malheurs à venir, et en évoquant quelques malheurs historiques ou mythologiques. Ensuite, Cléopâtre échange avec ses familiers. Fidèle à Marc Antoine, elle n'envisage rien d'autre qu'une issue funeste et se refuse à l'éventualité d'essayer de se sauver et à abandonner son amant. le choeur conclut en pleurant les malheurs de l'Egypte et la dureté du conquérant romain.

Au troisième acte nous revenons auprès de Marc Antoine, qui regrette avant tout ce qu'il pense être un abandon de Cléopâtre. Lucile, son ami, essaie de lui démontrer que cette dernière ne l'a pas trahi. de même il lui fait miroiter la possibilité d'un pardon d'Octave. Mais Marc Antoine répond par un éloge de la mort, qui permet de garder la tête haute, de rester fidèle à soi-même. le choeur renchérit.

Le quatrième acte nous amène auprès du vainqueur, Octave. Qui se réjouit d'avoir réduit à néant l'orgueil de Marc Antoine, et d'être resté le seul maître de Rome et du monde, et n'hésite pas devant le meurtre et la destruction pour arriver à ses fins. Il s'humanise toutefois devant l'annonce de la mort de son ennemi, hier ami. le choeur des soldats déplore les guerres civiles, et espère d'avoir enfin gagné la paix.

Dans le cinquième acte, Cléopâtre dit adieu à ses enfants, fait amener le corps agonisant de Marc Antoine au tombeau, et se donne la mort.

La pièce est évidemment très statique, sans véritables événements, juste la mort annoncée des deux amants royaux. Au contraire de la pièce de Jodelle, Marc Antoine est encore en vie au début de la pièce, il est aussi présent que Cléopâtre au final. Les deux déplorations se répondent dans une forme de parallèle, même si les deux personnages ne se parlent pas. Mais Cléopâtre est un personnage au final très positif chez Garnier, aussi éprise de Marc Antoine qu'il l'est d'elle, elle lie complètement son destin au sien. Marc Antoine est un personnage complexe, rongé par le doute sur l'abandon possible de sa maîtresse, habité par la culpabilité d'avoir cédé à cet amour, sa perte est vue comme une sorte de punition. Epris de gloire et d'honneurs, ayant un sentiment fort de sa valeur, il vit le revers de fortune à la fois comme une injustice (devant la valeur moindre de son adversaire) et comme logique compte tenu de sa dégradation par la passion. le choeur lui répond en représentant à la fois les malheurs sur les peuples des revers de la fortune des grands, ce qui avait sans aucun doute un retentissement fort dans la France en proie aux guerres de religion, mais aussi en se réjouissant de n'être pas des personnages éminents, chez qui le malheur peut survenir très vite après le sommet, la trop grande fortune des humains étant en quelque sorte insupportable aux puissances divines.

Il est aussi un peu étonnant de lire une telle glorification du suicide, pourtant pêché capital, une glorification directement inspirée par les stoïciens, dont Sénèque : la seule façon d'échapper aux coups du sort et de préserver sa dignité, la maîtrise des évènements quelles que soient les revers de la fortune. Mais l'humanisme de la renaissance est sans aucun doute complexe.

Je suis émerveillée à chacune de mes lectures de Robert Garnier par sa langue, le rythme et la musique de ses vers. Ce texte est une déploration somptueuse, un poème funèbre, sans doute plus que ce que l'on considère aujourd'hui comme une pièce de théâtre, mais c'est vraiment une très belle oeuvre.

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Message par kenavo Dim 5 Mai - 6:16

Robert Garnier Surpri11 merci pour ces commentaires... quel travail...

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Message par Arabella Dim 5 Mai - 8:24

Je rattrape mes commentaires en retard. angelnot

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Message par Aeriale Dim 5 Mai - 8:53

Merci @Arabella!

Tes commentaires nous manquaient bisoua2
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Message par Arabella Dim 5 Mai - 9:07

Vous être adorables, même si je ne suis pas sûre que vous allez vous précipiter sur Robert Garnier. Wink

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Message par domreader Dim 5 Mai - 9:32

Oui c'est bien de nous dépoussiérer ces auteurs oubliés ou plutôt méconnus, il y a des perles à découvrir. Il faudra qu'on en parle de vive voix. A chaque fois je pourrais faire mention d'un de ces noms que j'ignorais totalement dans la rubrique 'Journal de ce que j'apprends chaque jour.' !!

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Message par Liseron Dim 5 Mai - 17:35

Arabella a écrit:Je rattrape mes commentaires en retard. angelnot
Oui, ne te voyant plus trop sur le forum, je me suis demandée si tu avais des soucis...en fait, tu lisais !

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Message par Aeriale Dim 5 Mai - 18:32

On va peut être pas se précipter sur les oeuvres du monsieur, mais comme le dit Dom, au moins on s'instruit et on parait plus savante angelnot
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Message par Arabella Mer 5 Juin - 20:56

Bradamante




Il s'agit de la septième et l'avant dernière pièce de Robert Garnier, publiée pour la première fois en 1582. Après trois tragédies à sujet grec et trois tragédies à sujet latin, et avant d'aborder un sujet biblique dans « Les Juives », son oeuvre la plus connue, il innove avec cette Bradamante, inspirée par l'Arioste et intitulée « Tragécomédie » (tragi-comédie).

Ce genre a connu une brève période de gloire à la fin du XVIe et surtout au début du XVIIe siècle. Il apparaît dans le prologue de l'Amphitryon de Plaute (tragico-comedia) qui mélange des personnages de haut rang et de rang plus modeste. Le mot est repris dès la fin du XVIe siècle en Italie, et en France on le retrouve dans des pièces qui relèvent du mystère ou de la moralité. Garnier semble le premier à créer une oeuvre profane avec cet intitulé, et il va contribuer à donner des traits caractéristiques au genre. Ce type de pièces a, au contraire de la tragédie, un dénouement heureux, un caractère romanesque, de nombreuses péripéties, et l'amour y tient une grande place, en plus de mélanger des personnages nobles à d'autres qui le ne sont pas forcément.

Ce nouveau genre va entraîner des modifications importantes qui marquent une distanciation avec le théâtre antique : la disparition du choeur, la diminution sensibles des stichomythies, une grande place accordée aux dialogues avec des confidents etc. La part plus importante de l'action et le rôle central de l'amour nécessitent une adaptation de la structure de la pièce. En cela, la pièce est une étape importante de l'évolution du théâtre.

Même si elle semble avoir avant tout avoir été écrite pour être lue, des mentions des représentations de la pièce existent, à la cour de Louis XIII en 1611, même s'il s'agissait sans doute d'adaptations ; elle est aussi citée comme au répertoire des comédiens ambulants du Roman comique de Scarron, ce qui pourrait refléter des pratiques réelles de troupes ambulantes.

Au premier acte nous sommes au palais de Charlemagne, qui prononce un long monologue, surtout à la gloire de Dieu, origine de tout. Suit un dialogue avec Nymes, qui incite Charlemagne à poursuivre la guerre avec les Sarrasins. Mais l'empereur préfère récompenser ses loyaux sujets : le thème de la pièce est très brièvement introduit : l'amour de Roger et de Bradamante, et le fait que son père préfère lui faire épouser Léon, le fils de l'empereur de Byzance. Mais il faut que le prétendant gagne le combat contre Bradamante, ce qui paraît difficile.

Dans l'acte deux, nous sommes dans la famille de Bradamante, en pleine querelle. Aymon veut qu'elle épouse Léon, fils d'un souverain, plutôt qu'un pauvre chevalier. Beatrix, la mère même si elle ne semble pas complètement convaincue, finit par se ranger à ses raisons. Mais la confrontation avec sa fille n'amène que la déclaration de Bradamante de vouloir plutôt se réfugier au couvent. Renaud, le frère de Bradamante, n'arrive pas à convaincre leur père de lui laisser épouser Roger. le combat entre Bradamante et Léon paraît inéluctable.

Au troisième acte, nous suivons Leon. Ce dernier a sauvé la vie de Roger, en ignorant son identité. Roger lui doit reconnaissance, et il lui demande de se battre avec Bradamante à sa place, en se faisant passer pour lui. Roger se désespère en allant au combat, auquel se prépare fiévreusement Bradamante.

Au quatrième acte, nous apprenons l'issue du combat : la victoire de Roger que tout le monde croit être Leon. Roger s'enfuit, Bradamante se désespère. Marphise, la soeur de Roger défit Leon au combat, Charlemagne l'autorise. Leon ne se défile pas, croyant pouvoir compter sur Roger. Mais Basile lui apprend sa disparition.

Au cinquième acte, Leon a fini par retrouver Roger, qui lui révèle son identité et son amour pour Bradamante. Leon la lui cède. Entre temps, des ambassadeurs bulgares demandent à Charlemagne de leur donner Roger comme nouveau roi. Aymon ne voit plus d'objections au mariage, Charlemagne accorde la main de sa fille à Leon.

C'est touffu, et il vaut mieux connaître l'Arioste pour comprendre complètement ce qui se passe, ce qui était le cas à l'époque de Garnier dans le milieu auquel s'adressait la pièce. le premier acte est encore très statique avec le long monologue de Charlemagne, qui n'apporte pas grand-chose à l'action. Mais Garnier cherche visiblement des nouvelles voies dans cette pièce : l'importance des dialogues, les retournements de situation, malgré des maladresses, sont d'indéniables tentatives pour construire une véritable action. Même s'il y a quelques beaux passages poétiques, la pièce essaie d'être autre chose que de la poésie à lire. Robert Garnier est décidément un jalon important dans le théâtre français.

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Message par Arabella Mer 24 Mai - 22:25

La Troade

La Troade est la cinquième des sept tragédies de Robert Garnier, elle est parue en 1579 mais son écriture a sans doute commencé en 1574-1575. C'est une des trois tragédies de l'auteur sur un sujet « grec » avec Hippolyte et Antigone.

Nous sommes juste après la prise de Troie. Hécube pleure ses malheurs, accompagnée par le choeur de femmes troyennes. Mais d'autres morts et souffrances sont à venir. Cassandre, bien que prêtresse d'Apollon sera réclamée comme concubine par Agamemnon. Elle prédira l'horrible destin qui l'attend à Mycènes, mais comme d'habitude, personne ne la croit. Puis, les Grecs décident de faire mourir Astyanax, le fils d'Hector. Ensuite le fantôme d'Achille réclame que Polyxène soit immolée sur sa tombe et enfin le cadavre de Polydor, le plus jeune fils de Priam arrive sur le rivage. Il a été assassiné par Polymestor, chez qui il a été mis à l'abri ; son hôte l'a tué pour s'approprier ses richesses. La pièce se clôt sur la vengeance qu'Hécube va exercer sur Polymestor et ses fils, la série de meurtres ne s'arrêtant jamais, d'autant plus que d'autres atrocités sont annoncées, comme le meurtre d'Agamemnon à venir.

C'est une suite de morts, de cruautés, de souffrances, de déplorations sans fin. Une tragédie au sens fort du mot. La pièce concentre l'action des Troyennes d'Euripide et de Sénèque et l'Hécube d'Euripide. Même si les femmes troyennes souffrent encore plus que les autres, après la mort de leurs maris, de leurs enfants, et que les meurtres ne semblent pas s'arrêter, qu'elles attendent de partir en esclaves dans des pays inconnus, les vainqueurs aussi sont meurtris. Par leurs morts, et aussi par les destins funestes qui attendent la plupart d'entre eux, qui sont prophétisés. La guerre n'amène que la souffrance et la mort, elle ne se justifie pas. le malheur individuel, privé, se mêle au malheur collectif, le choeur étant un véritable protagoniste de l'action, sans l'aspect artificiel que sa présence peut avoir dans certaines tragédies.

Malgré un côté statique, spécifique au théâtre du XVIe siècle, la pièce n'est pas qu'une accumulation d'horreurs. Il y a une graduation, une montée progressive de l'insupportable, en particulier dans le traitement réservé aux enfants. Les prières aux dieux sont inutiles, il est vain d'espérer leur miséricorde. Ce sont des dieux cruels, qui vont d'une certaine manière se montrer justes, en punissant d'une manière sévère les vainqueurs qui ont abusé de leur victoire, mais cela ne sera qu'une punition, et non pas une consolation ou une véritable réparation. A l'inhumanité des dieux répond la défaillance humaine, en particulier royale : Agamemnon est plein de pitié, il voudrait bien arrêter les exécutions, mais il est trop faible pour pouvoir le faire. Un pouvoir royal par trop faible ne peut qu'amener des catastrophes sans fin.

Robert Garnier est le premier véritable auteur de tragédies français, qui s'est essentiellement consacré à cela. Il a été reconnu en tant que tel par ses pairs de la Pléiade, et à juste titre à mon sens. C'est évidemment une conception du théâtre dont on s'est éloigné : le théâtre de Garnier, comme une grande partie du théâtre de son époque, est un théâtre de la déploration. Un théâtre de poètes, qui chantent les malheurs et les souffrances. D'où les longues tirades, les parties du choeur, que l'on peut trouver statiques, mais il s'agit de dire avant tout. Et Garnier a une vraie vision politique et philosophique, cohérente et réfléchie, et c'est un très grand poète, qui trouve des images, des rythmes, une véritable musique.

C'est vraiment un beau texte.

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Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. (Oscar Wilde)
Arabella
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